Titre original : Middle England
..où l'on retrouve les protagonistes de «
Bienvenue au club » (The Rotters' Club) et du « Cercle fermé » (The Closed Circle) pour regarder le Brexit de l'intérieur, de différents points de vue dans leurs vies personnelles et professionnelles plus ou moins abouties. Il y a les quinquagénaires Lois, Benjamin, Doug, Phil et les enfants de certains qui frisent la trentaine, Sophie la fille de Lois et nièce de Benjamin et l'adolescente turbulente de Doug, Coriander. Benjamin vit seul dans la campagne où il vient de finir un vaste livre pour exorciser ses amours romantiques avec Cicely partie s'établir en Australie.
Après les émeutes de 2011 issues de jeunes des quartiers défavorisés. La jeunesse pauvre à qui l'on promettait monts et merveilles se heurte à l'autorité et la répression. de même la reconnaissance de certains droits mènent aux excès que connaît la société d'aujourd'hui et l'on a droit à une scène qui n'est pas sans rappeler «
la tache » de
Philip Roth dans laquelle la parole d'un professeur est mise en doute par un étudiant et est détournée de son véritable propos.
Seuls les jeux olympiques de 2012 offre à tout le monde l'occasion d'une sorte de communion devant le téléviseur lors de la cérémonie d'ouverture où tout ce qu'il y a de spécifiquement anglais est présenté : James Bond, Mr Bean…Mais il faudra vite se réveiller et certains commentateurs et porte-parole politiques vont prendre un sérieux coup sur leur langue de bois lors du Brexit.
Doug vit avec Gail, une MP du parti conservateur au grand dam de sa fille fondamentalement de gauche, mais l'amour regarde au-delà des clivages politiques car Gail est favorable au « remain » et reçoit pour cela des menaces de mort.
le Brexit a bien des incidences sur la vie des citoyens du roman, entre les anciens qui croient encore à la vieille Angleterre industrielle et florissante des Trente Glorieuses et les plus jeunes qui pensent que la récession, l'inflation et le commerce extérieur vont aller de mal en pis. le Brexit encore exacerbe les passions tristes : amère déception voire déprime profonde du camp de Cameron qui ne pensait pas que le « Leave » allait passer, actes racistes, violences en tous genres d'une certaine partie de la population qui se croit tout permis envers les étrangers puisque leur pays a une majorité qui ne croit plus à l'Europe, séparation des couples dont les idées des conjoints divergent ou encore, plus radicalement, on quitte un pays où on ne se reconnaît plus pour aller chercher l'Europe et l'esprit de solidarité ailleurs, aussi bien dans son pays d'origine (Pologne pour certains), qu' en France qu'en Espagne.
Et la vie continue néanmoins, entre décès des parents, adultères avortés, retrouvailles d'un instant, l'auteur adopte le point de vue de chaque personnage : Sophie et sa belle-mère au fond raciste qui n'intervient pas comme témoin pour sa femme de ménage agressée à la sortie d'un supermarché par un beauf raciste et alcoolisé, Sophie qui se pose des questions sur l'avenir avec cet homme qui n'est pas universitaire comme elle et qui a été choisi aussi pour cela ; Benjamin, son oeuvre et ses amours, les liens qui le rapprochent depuis toujours de sa soeur Lois se resserrent encore à la mort de leurs parents.
Heureusement, l'auteur garde une dose d'humour : on assiste par exemple à un combat de clowns dans un goûter d'anniversaire d'enfants.
Comme d'habitude avec cet écrivain, on a affaire avec toutes sortes de textes : la narration classique, l'article de presse inséré, les e-mails et même un passage avec le courant de pensée joycien.
Jonathan Coe ne m'a jamais déçu et ce ne sera pas encore avec ce roman. de plus je me suis trop attaché à la famille Trotter et aux autres. Pressé de lire celui qui vient de sortir