Le coeur
Peut-être vous êtes-vous demandé un jour pourquoi on disait Brexit et pas Brixit ? La réponse à cette question se trouve dans ce roman ainsi que bien d'autres réponses aux questions que vous pourriez vous poser, par exemple : sommes-nous si différents des Anglais, nos meilleurs ennemis ?
Nous sommes en Angleterre en 2010, Benjamin et Loïs viennent d'enterrer leur maman. A l'occasion de ces funérailles, la famille s'est réunie et brusquement séparée (ça vous rappelle quelque chose tout de suite non?)
-« On ne devrait pas s'en aller comme ça tout de même, dit Benjamin en se retournant vers le pub d'un air perplexe.
-Et pourquoi ? J'ai parlé avec tous ceux avec qui je voulais parler. Allez, viens, conduis-moi à la voiture ».
Dès le début, l'intention est posée : il s'agit de tenter d'expliquer, à travers cette fresque familiale et amicale, comment l'Angleterre en est arrivée là. Chaque personnage a donc un rôle précis dans cette micro société représentative de l'Angleterre.
C'est brillant, surtout quand
Jonathan Coe tire à boulets mouchetés (si vous voyez ce que je veux dire 😁)sur les politiciens (les discussions entre Nigel, chargé de com de Downing Street et Doug, journaliste et ami de Benjamin, sont plus que savoureuses (et finissent toujours par un problème d'hémorroïdes !)) ou qu'il raconte les antagonismes, les préjugés entre les générations ou les classes sociales et cette colère plus ou moins sourde qui s'empare du "peuple" et que les classes dirigeantes ne veulent pas voir.
C'est drôle (la bougie parfumée de tante Julie, une apothéose !), malin, même si j'ai regretté de ne pouvoir percevoir toutes les subtilités (et la perfidie) du texte comme doit pouvoir le faire un anglais ambiancé Brexit depuis 2016.
Un conseil, si vous êtes comme moi, un peu à la ramasse côté mémoire, armez-vous dès le début d'un papier et d'un stylo pour noter les noms des personnages et leur statut, il y en a pas mal et ça aide à ne pas perdre le fil du récit.
A lire pour rire, comprendre et se régaler.
2 extraits :
"-C'est un pari, oui, un pari colossal.L'avenir du pays décidé sur un coup de dés. Dave (David Cameron) est prêt à prendre ce pari et c'est ce qui fait de lui un leader fort et résolu.
Impressionné comme toujours par la logique acrobatique de Nigel, Doug lui serra la main et lui posa une dernière question :
-Donc Cameron promet ce référendum sans s'inquiéter une seconde ?
-Il pourrait s'inquéter, répondit Nigel en boutonnant son manteau, mais au bout du compte, il n'aura pas lieu.
-Pourquoi ?
-Parce qu'il est impossible qu'il obtienne une majorité absolue. Tous les sondages le disent. Vous ne les lisez pas, Douglas ? Vous devriez… »
« Quoi qu'elle réponde à Helena, -pour peu qu'elle essaie de rendre compte honnêtement de sa divergence-, il lui faudrait fatalement affronter la vérité indicible, à savoir qu'elle-même et ses semblables d'une part et Helena et ses semblables d'autre part avaient beau vivre côte à côte dans le même pays, elles habitaient pourtant deux univers différents, séparés par une cloison étanche, une muraille formidable faite de peur et de suspicion, voire peut-être de ces traits britanniques par excellence, la honte et la gêne ».