Ce roman est une histoire d'emprise, de perversion narcissique, de relation toxique entre un homme au comportement pathologique et une jeune femme, qui fut dans l'enfance à « haut potentiel », probablement et comme c'est souvent le cas mal socialisée, enfant « surdouée » hypersensible et fragilisée par cette difficulté à trouver sa place dans le monde, au point que l'autocensure scolaire est une tentative de se connecter aux autres. Devenue adulte, timide et solitaire, elle est une proie facile pour Thomas, le fils de riche pervers qui va la séduire pour mieux la dominer et l'asservir. le processus est toujours le même, bien détaillé, les liens affectifs et amicaux sont rompus, l'isolement devient total.
Alors certes,
Sandrine Collette a une plume particulière, riche en descriptions du paysage intérieur des personnages qu'elle scanne avec une redoutable précision, un plume acérée, surprenante, avec un rythme, des incises, et des ruptures, des jeux de ponctuation, qu'elle aime détourner et utiliser « hors code », des phrases interrompues, qui font de cette lecture une expérience littéraire assez originale au service du suspense, de la peur qu'elle désire traduire. Au début du récit, c'est prenant, étouffant, des passages palpitants, très réussis vous font palpiter le coeur au rythme de celui de Clémence dont on fait la connaissance alors qu'elle vient de fuir l'emprise de Thomas. C'est ensuite une plongée dans les peurs, les angoisses, les doutes, les regrets, les abandons, d'une femme aux abois, dont on devine peu à peu, le redoutable calvaire auquel elle cherche à échapper. Un début intriguant et haletant…
Cependant, à un moment, je ne sais pas trop à quel moment du livre, je suis sortie de l'intrigue, j'ai commencé à trouver que tout cela avait un goût artificiel. L'écriture, heurtée, redondante jusqu'à la saturation, un peu comme quelqu'un qui se sait érudit et qui s'écoute parler finit par agacer son auditoire; les redites, remâchées, finissent par lasser. Pour moi, trop d'effet de style tue le style.
Dans le troisième tiers, j'ai eu l'impression que le thème de la dépendance, de la peur qui paralyse, du risque de retomber dans les griffes du pervers est délayé pour faire bonne mesure sans que cela fasse avancer le propos. Et puis, même si on sait que l'emprise est un phénomène complexe, j'ai eu du mal à partager les sentiments et les émotions de Clémence aussi bien à l'endroit de son tortionnaire qu'à celui de son protecteur Gabriel. Comme si ce personnage finissait par m'échapper...
La fin laisse un peu perplexe, car à peine suggérée, elle surprend et modifie considérablement le message.
Après le magnifique «
Et toujours les forêts », je m'attendais sans doute à mieux…