Avec
La Couleur de l'Oubli, l'on entre de plain-pied dans l'histoire de l'île de Grenade - bien que l'île dans laquelle se passe l'histoire se nomme Paz, et soit censément fictive -, celle des conséquences de la venue des colons anglais, puis français, puis encore anglais, dont la traite des Noirs, jusqu'à l'obtention d'une indépendance dans le sang qui foudroiera l'ordre établi dans les années 1970.
A travers cette fresque d'une île est aussi esquissée la fresque de deux familles aux destins maudits, avec, d'un côté, Tonnerre, le dernier descendant, qui prendra avec envie le chemin de l'indépendance, et de l'autre, Caribe, prénom donné de mères en filles depuis des générations, Pythie des Caraïbes énonçant depuis des décennies la destinée des habitants de Paz en une prophétie-litanie qui se transmet, aussi, de mères en filles, et qui parcourt le roman de bout en bout : "Sang au nord, sang bientôt au sud, et le bleu qui pleure rouge entre les deux".
Malgré sa brièveté, le roman de
Merle Collins, publié en 1995, mais seulement traduit en français cette année, est un grand roman, tout en souffle épique, qui donne la part belle aux légendes caribéennes, mais qui conte aussi, tout en prosaïsme révélateur de la place qu'a pris la colonisation, le quotidien de Paz, de ses habitants, de ces parents, de ces enfants qui voient leur île se libérer du joug européen avec plus ou moins d'acceptation.
Une très belle découverte, qui me donne envie de me plonger dans d'autres oeuvres de l'autrice grenadienne.