Au commencement, j'ai eu des doutes.
Tout me sembla trop propret, trop sage, trop appliqué, avec le sentiment étrange d'avoir entre les mains la "copie" d'un très bon élève. Une "copie" très bien écrite certes, mais sans signature stylistique réelle et sans étincelles.
Bref, j'ai craint de démarrer un roman un peu lisse et fade, dont l'absence de réels dialogues, de surcroit, mettait quelque part de la distance entre l'histoire et le lecteur. En effet, des échanges plus nourris entre les personnages auraient permis selon moi de rendre le récit plus vivant, suscitant ainsi plus empathie et plus d'immersion dans l'histoire.
Puis, peu à peu je me suis laissé bercer par les mots de
Laetitia Colombani.
Le souffle et l'intensité sont venus progressivement. L'intrigue s'est tendue, l'histoire s'est affolée, les personnages ont pris de l'épaisseur et j'ai tout simplement été embarqué par ce roman se déroulant dans cette Inde terrible, douloureuse, injuste.
Ainsi, au gré du récit, j'ai découvert, avec Léna (le personnage principal), ce pays à la fois épicé, magnifique et terrifiant, cette société tellement clivée et discriminante qui accorde aux femmes bien peu de place et de considération et qui transforme les jeunes enfants en esclave.
Dans ce décor indien haut en couleur, le roman aborde, au-delà d'un récit porteur et d'une écriture fluide, plusieurs sujets de fond : la violence réservée aux femmes, l'illettrisme, les mariages précoces, l'esclavage des enfants, l'injustice, la discrimination de la société indienne, et même, une évocation des drames que les sociétés occidentales peuvent parfois connaître dans leurs collèges.
Bien sûr, peut-être que cette belle histoire de transmission, de résilience et de solidarité, se déroulant au coeur d'une Inde rugueuse et bigarrée, aurait mérité plus encore une écriture étincelante, pleine d'énergie, avec des envolées stylistiques portée par la puissance de l'émotion.
Peut-être aussi que
Laetitia Colombani aurait pu exploiter plus en profondeur la quête de sens que Lena poursuit viscéralement. C'est d'autant plus surprenant que l'écrivaine évoque ce sujet dans une interview : Léna arrive en Inde "vide" (d'énergie, de projets) en provenance d'un occident "plein" (où nous avons tout) pour finalement se "remplir" (de sens, d'amour) dans un pays "vide" (où ils n'ont rien).
C'est entendu, nous sommes assez loin de l'intensité et du brio de la "Cité de la joie" de
Dominique Lapierre, mais "
Le cerf-volant" est sans aucun doute un bon livre que je recommande. Et je me sens reconnaissant envers
Laetitia Colombani de m'avoir offert à travers son livre, qui réussit la prouesse d'être à la fois léger et profond, un voyage livresque pour le moins dépaysant et des réflexions sur des sujets essentiels.