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Marie Chabin (Traducteur)
EAN : 9782330176518
496 pages
Actes Sud (01/03/2023)
3.78/5   58 notes
Résumé :
Dans un monde dévasté par le changement climatique et dans lequel l’air est devenu irrespirable, Bea voit l'état de santé de sa fille Agnes se dégrader de jour en jour. Comme bon nombre de personnes, la fillette de cinq ans souffre de graves troubles pulmonaires et il ne fait aucun doute qu’elle va mourir si elle ne quitte pas rapidement la Ville, mégapole surpeuplée et plongée dans un éternel brouillard de pollution.
La seule solution qui s’offre à Bea et A... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Si l'on continue à chercher des romans d'imaginaire planqué en littérature générale, celui de Diane Cook semble évidemment concerné.
Premier roman de cette autrice américaine sélectionnée pour le Booker Prize 2020, Dans l'État Sauvage est un petit pavé de près de 500 pages publié chez Gaïa Éditions (devenues depuis 2020 une marque des éditions Actes Sud) et traduit par Marie Chabin. Si la romancière y retrouve son amour pour la Nature et ses méandres, c'est surtout un roman bourré d'éléments science-fictifs…et même fantasy !

La Nature, sans masque
Dans l'État Sauvage commence sur des bases cryptiques.
Nous sommes dans une sorte de réserve appelé « l'État Sauvage » et une vingtaine de personnes, hommes, femmes et même enfants survivent sous la forme d'une « Communauté » nomade encadrée par les lois d'une Administration obscure et contrôlé par des Rangers tout-puissants.
Parmi cette Communauté, nous suivons plus particulièrement Agnès et sa mère Béatrice. C'est d'ailleurs avec l'accouchement de sa seconde fille mort-née que s'ouvre le roman annonçant directement la couleur au lecteur : ce récit n'est pas celui d'une vision idyllique du retour à la Nature mais la confrontation brutale avec le réel. On apprend rapidement que des vingt pionniers du début, il n'en reste qu'une poignée et que les morts violentes se poursuivent inlassablement, qui par un cougar qui par un tronc d'arbre transbahuté par un cours d'eau. L'État Sauvage ne fait pas de cadeau et le retour forcé à une condition que d'aucun qualifieraient rapidement de primitive ne fait qu'alourdir le poids qui repose sur les épaules de Béa.
Mais Béa n'est pas venue dans l'État Sauvage sans raison. Elle a quitté la Ville — un ensemble urbain hyperdense en pleine déliquescence où les humains vivent empilés et souffreteux sur un fond bétonné aussi froid que désespérant — pour sauver sa petite fille, Agnès. Celle-ci est atteinte d'une maladie qui semble provenir de la pollution qui règne dans la Ville. Fatigués de voir leur fille agoniser lentement dans un univers qui ne lui offre aucune porte de sortie et où la médecine est déjà morte depuis longtemps, Béatrice et son mari, Glen, font un choix radical : celui de tout quitter pour l'État Sauvage en espérant sauver leur enfant. Si cette décision se révèle payante et si Agnès bénéficie grandement de ce changement d'atmosphère, les conséquences sur son mode de vie et sur son développement psychologique s'avèrent bien plus profondes qu'escomptées. Il est en effet très différent de vivre dans le « confort » de la modernité et de devoir lutter tous les jours pour manger et respirer que d'habiter un espace policé et encadré.
Diane Cook n'est pas une idéaliste. Elle livre avec Dans l'État Sauvage un récit de nature-writing qui ne fait rien pour donner envie d'aller rejoindre ses héroïnes. La Nature est ici imprévisible et cruelle, elle ne fait pas de cadeaux et les hommes doivent s'adapter ou mourir. Pour autant, le roman trouve un équilibre en comparant la difficulté de ce mode de vie à celui que constitue celui de l'homme moderne dans une société bétonnée, surpeuplée, où l'on n'est jamais sûr de manger à sa faim et où le seul réconfort provient d'un matelas ou du chauffage !
La critique livrée par Diane Cook vis-à-vis de la société moderne est évidente et maligne, toujours fine et nuancée et ne laisse jamais un certain militantisme écologique bas du front prendre le dessus sur une intrigue qui sait rester focaliser sur le noyau dur de l'aventure : la relation entre Agnès et Béatrice.

D'une mère à sa fille
Car avant d'être un roman sur la Nature et ses dangers, sur la tentation de fuir l'asphyxie de la Ville pour le grand air de la forêt, Dans l'État Sauvage est le récit d'une mère qui sacrifie tout ce qu'elle a pour la survie de son enfant et pour lui permettre de s'adapter à un monde qu'elle sait impitoyable.
Après quelques chapitres, le récit change de narratrice et délaisse Béatrice pour Agnès, marquant la passation de génération mais permettant aussi un autre angle d'attaque à Diane Cook lorsqu'il s'agit de décortiquer l'esprit enfantin puis adolescent d'Agnès.
En suivant les réflexions intimes de la petite fille, l'autrice exprime toute la complexité de la relation mère-enfant, du jugement d'une enfant encore incapable de comprendre les actes et les sentiments d'une mère jusqu'à ce qu'elle devienne à son tour responsable d'un petit être fragile.
Fragile, Agnès ne l'est rapidement plus, elle grandit, s'adapte à son environnement, tient davantage de l'instinct animal que de la cruauté humaine sophistiquée, analyse les choses qui l'entourent avec un réalisme froid avant de (re)découvrir ses propres sentiments humains avec une lucidité qui fait parfois froid dans le dos.
Dans l'État Sauvage permet également d'offrir un vrai laboratoire humain à partir de cette communauté restreinte en analysant les rapports de force, la possibilité d'une démocratie dans les artifices de la modernité, la nécessité du pouvoir et ce qu'il fait aux hommes et femmes qui le possèdent. C'est aussi la façon d'acquérir du pouvoir qui intéresse Diane Cook, entre la brutale ascension de Carl qui semble naît pour s'imposer et la ruse de Béatrice qui sacrifie une partie d'elle-même pour asseoir son influence et protéger les siens.
Glen, le père adoptif d'Agnès et mari de Béa, illustre assez bien cet homme bon et idéal qui ne vaut rien une fois que l'on revient à un système où le principe naturel prévaut. Pour autant, Glen n'est pas un être pitoyable, il est juste dépassé, obsolète…mais diablement émouvant dans cette faiblesse toute humaine qui le caractérise. Au fil des pages, Agnès s'affirme et grandit, comprenant davantage de sa mère et de ses parents, luttant entre haine et amour pour cette figure tutélaire qui lui a tout donné et qui continue, même quand elle n'est pas là, à alimenter son être. Diane Cook tire certainement un peu à la ligne à force d'explorer encore et encore cette thématique mais elle touche cependant au plus juste de ce sentiment ambivalent que tous les enfants rencontrent un jour ou l'autre face à leur propre parent, un sentiment qu'ils doivent dépasser pour devenir adultes à leur tour et couper les liens.

Mélange des genres
Revenons pour finir sur le curieux background qui entoure Agnès, Béatrice, Carl, Glen et tous les autres. Dans l'État Sauvage repose sur des bases science-fictives dans un monde à mi-chemin entre le genre post-apocalyptique et celui de la dystopie pure et dure. On y entrevoit un univers surpeuplé et bouffé par la surpopulation, où les rats ont envahi certaines parties de la Ville. Une Ville dans laquelle on crève désormais dans l'indifférence générale ou presque, où les médecins sont tellement rares qu'il en deviennent quasiment inaccessibles, où l'on découpe les zones selon l'activité qui y domine (Les Raffineries, Les Usines…) et où la Nature Sauvage semble bien fragile par rapport à un univers de béton qui craque et duquel pas mal de gens rêvent de s'enfuir.
Diane Cook nous parle d'une nébuleuse Administration aussi impitoyable qu'incompréhensible avec ses Rangers, des agents de l'ordre tout aussi cruels et aveugles aux souffrances des autres que la Nature elle-même. La dystopie guette et entre parfois en collision avec un autre genre plus inattendu, une certaine fantasy, voire une certaine mythologie. En effet, Diane Cook utilise des éléments de langage qui tourne autour du mythique, du fabuleux, de la fantasy. de cette « Communauté » sans cesse en mouvements à la recherche d'un nouvel espoir à ces lieux métaphoriques que l'on ne connaît que par leurs noms génériques en passant par ces gamins aux noms évocateurs tels que Pomme de Pin ou Fougère. Dans l'État Sauvage, la Communauté a ses totems, sa « Marmite en fonte », sa « Besace à Livres » et autres cordes et couteaux quasiment sacrés. de grands méchants rôdent aux alentours, le Ranger devient une figure quasiment surnaturelle, maléfique, celle d'un ordre intangible auquel il est impossible de se soustraire. On y croise des endroits maudits tels que cette Rivière empoisonnée et cette mystérieuse Caldera.
Le roman de Diane Cook ne se laisse pas enfermer dans une case littéraire précise, semble s'adapter à son propos comme ses personnages à leur environnement. On en ressort avec un sentiment étrange, celui d'arpenter un récit hautement symbolique et intemporel, un récit qui ne s'embarrasse pas de fioritures ou d'idéalisme mais qui permet d'éprouver et sentir, parfois bêtes parfois hommes.

Singulier roman, Dans l'État Sauvage nous fait pénétrer dans un monde de symboles, quelque part entre la dystopie et la fable cruelle, laissant le soin au lecteur d'en tirer une morale, si morale il y a… Diane Cook construit deux personnages féminins troublants et fascinants qui évoluent au gré des pertes et des épreuves, confrontées à une Nature qui n'a rien de romantique et à un univers moderne étouffant et désespérant.
Lien : https://justaword.fr/dans-l%..
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Traduit de l'anglais par Marie Chabin

« Au commencement, ils suivirent toutes les instructions du Manuel, le règlement écrit de l'Etat Sauvage, de peur d'être renvoyés chez eux en cas de manquement. »
P 73
Vingt volontaires sont envoyés vivre dans le dernier espace de nature préservée, l'Etat Sauvage. La Ville est devenue invivable à cause de la pollution et de la surpopulation.
Il s'agit d'une expérience pour évaluer la possibilité de l'être humain de survivre en milieu hostile, sans aide extérieure et surtout sans la moindre empreinte sur la nature.
Ils marchent, ils campent, ils chassent, ils mangent, ils dorment. Et tous les jours ils recommencent la vie des chasseurs-cueilleurs, nos ancêtres. Une vie laborieuse et monotone que certains supportent mieux que d'autres. C'est une vie dangereuse et certains vont mourir.
Leurs seuls liens avec l'extérieur, ce sont les Rangers, chargés de leur surveillance, et les Relais où ils peuvent recevoir du courrier et des colis de leur famille.
Agnes, représentée je pense sur la couverture, est totalement adaptée à son environnement. Elle est arrivée à l'âge de cinq ans et s'est immédiatement sentie chez elle. C'est une petite sauvageonne, comme les enfants nés sur le site. Ils s'amusent, courent dans l'armoise tridentée, extrêmement présente.
Ce sont des nomades, rappelés à l'ordre s'ils s'attardent trop dans un lieu qu'ils trouvent agréable, confortable.
« Vous êtes censés, un : rester ensemble ; deux : bouger sans cesse ; et trois : faire les choses en bougeant. » P 345
Alors, l'Homme peut-il coexister avec la Nature ?
Eh bien, il vaudrait mieux, sinon il disparaîtra et la Nature, elle, sera toujours là.
Du moins je l'espère.
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Bea n'avait plus le choix : pour sauver sa fille Agnes que l'air ultra pollué de la Ville tuait peu à peu, il lui a fallu choisir une solution extrême, tout quitter pour vivre dans l'Etat Sauvage, ce petit morceau de nature vierge encore préservé. Accompagné du nouveau compagnon de Bea, Glen, et d'une vingtaine de volontaires, les 2 femmes ont appris à vivre loin de tout et sans rien, ne comptant que sur la nature pour survivre. Agnes a quasi tout oublié de sa petite enfance citadine tandis que sa mère s'interroge sur son choix, était-il le bon ? Et quand leur nouveau monde s'avère lui aussi la proie de changements il va falloir choisir son camp.

Je reste bluffée par ma lecture de Dans l'état sauvage que j'avais attaqué avec un peu de circonspection : présenté comme une dystopie écologique, je craignais que ce livre ait un petit goût de déjà vu après ma lecture de Dans la forêt et d'autres romans du même genre. Tout le talent de Diane Cook réside dans la manière dont elle nous plonge brutalement dans un univers que l'on découvre petit à petit, qu'on ne comprend pas bien au début et dont on va essayer de percer les mystères. La première partie du livre s'ouvre sur la vie quotidienne de la petite tribu à laquelle Bea et Agnes appartiennent maintenant. Que deviennent une vingtaine d'hommes et de femmes brutalement plongés dans la nature et devant réapprendre à vivre sans aucun objet ou confort moderne ? Comment redécouvre-t-on les gestes ancestraux des chasseurs cueilleurs et surtout comment les relations humaines évoluent-elles ? le soin avec lequel l'autrice brosse petit à petit le portrait du groupe, des morts violentes auxquelles ils ont dû faire face, des tensions entre les différents membres de la tribu et de la lutte pour en prendre le pouvoir, de ses enfants n'ayant jamais connu la ville et dont le comportement se rapproche des jeunes animaux, est passionnant et m'a semblé particulièrement réaliste. Si on ajoute à cela ce que l'on apprend petit à petit du reste du monde, la Ville, mégalopole surpeuplée et polluée où s'entassent les plus pauvres, le moindre espace naturel exploité et dompté par l'homme, l'Etat Sauvage cet unique petit bout de nature préservée vu comme un paradis et où nul ne peut se rendre à part nos volontaires... forcément ce monde présente certaines similitudes avec le nôtre et fait froid dans le dos.

Mais ce roman n'est pas que cela et à partir de cette trame initiale, l'autrice va petit à petit enrichir son propos et ouvrir de très belles pistes de réflexion. Car au delà de l'aspect purement nature et écologie, ce roman est aussi une belle réflexion sur la famille et le rôle d'une mère. L'autrice décrit la relation compliquée entre Bea et sa fille, la crise d'adolescence qui se profile sans doute amplifiée par l'isolement dans lesquelles vivent les 2 femmes et par l'éducation sauvage qu'a reçue Agnes, cette gamine à la fois si adulte car elle a dû faire face à mille dangers dans la nature et à la fois si naïve et si innocente. On frissonne aussi devant la manière dont un groupe d'humains contraints de vivre ensemble va petit à petit se réorganiser : du consensus voulu et accepté, on passe à la lutte d'influence, à la tyrannie des petits chefs et au règle des plus forts prêts à éliminer les faibles si cela peut leur être utile. Et quand votre survie tient à une cuillère de nourriture en plus ou en moins cela peut être fatal. J'ai trouvé que ce roman allait crescendo, passant d'une aventure écologiste façon dystopie à une réflexion plus profonde sur l'humain, sa place dans sa nature, ses relations et ce qui finalement le différencie des bêtes dites sauvages avec qui il partage la Terre.

Et puis tout simplement Dans l'Etat Sauvage est une magnifique lecture. Un roman dans lequel on entre petit à petit (ne vous laissez pas rebuter par les dix ou vingt premières pages un peu fastidieuses) et qui monte en puissance, ouvrant son monde et ses personnages, révélant petit à petit les différentes facettes de l'univers qu'il décrit, s'enrichissant d'intrigues secondaires, de mystères et de tensions nouvelles. Je n'ai plus lâché ce livre dans sa seconde moitié, j'ai tremblé, frissonné, voulu comprendre et me suis demandée où l'autrice allait nous emmener. Et puis quels beaux personnages, je n'oublierai pas de sitôt Bea, cette mère magnifique, prête à se battre et à tout sacrifier pour la survie des siens, cette femme courageuse qui va se heurter à l'hostilité de sa fille. Et Agnes, femme fille sauvage, nostalgique de la ville et amoureuse de la nature, comment ne pas s'y attacher définitivement.

Bref je recommande vraiment cette lecture, j'ai été étonnée de voir que ce titre n'avait pas plus de lecteurs et de critiques sur Babelio alors qu'il me paraît beaucoup plus riche et diversifié que d'autres romans dans ce genre. A découvrir, un beau pavé avec lequel vous ne verrez pas le temps passer et dont certains thèmes résonneront forcément en vous !
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Cette dystopie en mode survivaliste emmène le lecteur dans un coin de nature à l'état sauvage. La planète toute entière semble recouverte d'une immense mégalopole, la Ville, où l'air est devenu irrespirable au point de causer la mort des enfants.
Pour des raisons inconnues, une surface de terre n'a pas été colonisée et offrirait des conditions de vie primitives.

En dernier recours, une expérience est tentée : envoyer vingt volontaires dans « L'État sauvage », pour voir comment se passerait la réintroduction progressive de l'humain dans la nature vierge avec interdiction de construire, de s'installer ou de laisser quelque déchet que ce soit. Ces nomades sont sous la surveillance constante de Rangers qui contrôlent à distance et semblent moins bienveillants qu'ils ne veulent paraître.
Béa fait partie du groupe de volontaires avec son mari et surtout sa fille Agnès qui deperissait en ville.

Le roman s'ouvre sur l'accouchement solitaire de Béa d'un enfant mort-né, alors que le reste de cette petite tribu vaque à ses occupations. D'emblée le ton est donné: ce roman n'exprime pas une vision idyllique du retour à la Nature mais la confrontation brutale de l'homme avec un environnement qu'il ne maîtrise pas.
La résignation de Béa face à la mort de son enfant prend tout son sens : elle sait qu'il est difficile pour un bébé de survivre dans ces conditions alors même qu'elle a déjà sa fille à protéger. Alors qu'ils ont rapidement retrouvé  le mode de vie des chasseurs cueilleurs du paléolithique, ces hommes et ces femmes sont confrontés aux dangers et à la mort à chaque instant et ne peuvent compter que sur l'instinct de survie.
« Tout, autour d'eux, mourait au grand jour. La mort était aussi banale que la vie. Ils se préoccupaient les uns des autres, bien sûr, mais lorsque l'un d'entre eux cessait de survivre pour une raison x ou y, ils se serraient les coudes et mettaient toute leur énergie dans ce qu'il subsistait. C'était une conséquence imprévue de la vie dans la Nature Sauvage, et c'était arrivé vite et sans heurt. Selon une croyance culturelle en vogue à une certaine époque, avant sa naissance, celui ou celle qui nouait des liens étroits avec la nature devenait une meilleure personne. En arrivant dans l'État Sauvage, eux-mêmes avaient cru que vivre là les rendrait meilleurs, plus empathiques, plus en phase avec les autres. Mais ils avaient fini par comprendre qu'il y avait eu un gros malentendu sur le sens du mot meilleur. Peut-être cela signifiait-il simplement être meilleur dans l'acte même d'être humain, permettant ainsi une libre interprétation du terme humain. Ou bien cet adjectif, meilleur, désignait-il seulement une plus grande aptitude à survivre partout, en toutes circonstances. »

Si la dystopie de Diane Cook repose sur des postulats écologistes, elle n'est cependant pas une idéaliste. Sa nature est cruelle et les hommes doivent s'adapter ou mourir. Pas la moindre trace de paradis perdu, et pourtant les enfants qui y grandissent, ces enfants qui portent des noms de plantes, y vivent en harmonie alors qu'ils ne peuvent survivre dans la Ville.

Le fil conducteur du roman se déroule dans la relation mère-fille, dans cette intimité si grande et si complexe de fille à mère et de mère à fille, puisque chaque mère est aussi la fille d'une femme. Ainsi Béa qui a tout quitté pour sa fille mais souffre de l'absence de sa propre mère.
Et dans ce rôle de mère, jeter un regard sur ce qu'on a légué peut parfois être douloureux. Comme si tous les efforts pour rendre l'enfant autonome et solide, avaient payé au-delà de nos espérances. Comme si, finalement, Béa souffrait de voir sa fille grandir et ne plus avoir besoin d'elle.
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Dans l'état sauvage de Diane Cook

Je ne pensais pas être captivée par une dystopie écologique aussi rapidement. Les premières lignes donnent le ton. La vie et la nature sont rudes pour ce groupe de vingt personnes qui ont fui la ville devenue invivable. Toutes les terres sont exploitées. Glen et Béa ont choisi de quitter la ville pour cette expérience de vie en groupe au sein de la nature car leur fille Agnès avait de graves problèmes de santé.
Le contact avec la ville n'est pas tout à fait coupé puisqu'ils passent par des points relais pour échanger avec le monde extérieur, on leur envoie du courrier. Des rangers passent pour prendre des données sur ce qu'ils font, les recadrer par rapport à leur mode de vie.
Au début, les gens de la ville sont enthousiastes envers leur expérience, le groupe est respectueux des règles établies mais la fatigue, le manque de confort, la faim rend le suivi des règles moins important.
Le côté écologique m'a intriguée et j'aime les dystopies alors c'était l'occasion d'essayer et bien je n'ai pas été déçue, j'ai été même agréablement surprise.
C'est une dystopie originale et très intéressante pour la manière dont l'auteure dessine chaque individu et organise le groupe pour la survie. Très vite, les personnalités se révèlent, les meneurs veulent s'imposer, la hiérarchie et les rôles sont instaurés. Les dialogues sont exquis.
En y ajoutant des touches d'humour discrètes Diane Cook permet au lecteur de souffler dans ce milieu sauvage avec ce groupe souvent sous tension..
C'est sombre mais aussi bouleversant grâce à Agnès et sa relation avec sa mère. L'occasion de mettre en avant les ambiguïtés de la maternité.
L'expérience en pleine nature permet d'explorer l'âme humaine pour le plus grand plaisir du lecteur. Ce livre est incroyablement prenant. J'ai adoré.
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critiques presse (1)
LeMonde
10 septembre 2021
Une interrogation puissante sur la survie et le jeu social.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Tout, autour d'eux, mourait au grand jour. La mort était aussi banale que la vie. Ils se préoccupaient les uns des autres, bien sûr, mais lorsque l'un d'entre eux cessait de survivre pour une raison x ou y, ils se serraient les coudes et mettaient toute leur énergie dans ce qu'il subsistait. C'était une conséquence imprévue de la vie dans la Nature Sauvage, et c'était arrivé vite et sans heurt. Selon une croyance culturelle en vogue à une certaine époque, avant sa naissance, celui ou celle qui nouait des liens étroits avec la nature devenait une meilleure personne. En arrivant dans l'État Sauvage, eux-mêmes avaient cru que vivre là les rendrait meilleurs, plus empathiques, plus en phase avec les autres. Mais ils avaient fini par comprendre qu'il y avait eu un gros malentendu sur le sens du mot meilleur. Peut-être cela signifiait-il simplement être meilleur dans l'acte même d'être humain, permettant ainsi une libre interprétation du terme humain. Ou bien cet adjectif, meilleur, désignait-il seulement une plus grande aptitude à survivre partout, en toutes circonstances.
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De ses yeux ensommeillés, elle avait cru voir quelque chose briller sur sa table de chevet. Une petite boîte blanche, toute simple. A l'intérieur, un pendentif blotti dans du coton. C'était un papillon orange et brun ourlé d'or jaune. Les papillons n'existaient plus mais Agnes savait à quoi ils ressemblaient parce qu'elle en avait vu dans les vieux livres que sa mère lui avait montrés.
P 198
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Les chefs ne devraient pas aimer diriger […] c’est un rôle qu’on devrait endosser par obligation.
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Vidéo de Diane Cook
Diane Cook’s Booker Prize-longlisted debut sees a mother and daughter learning to interact with nature once again in a climate change-ravaged world. We asked her to tell us more about the book and the others that inspired her in this stay at home Shelfie. Sous-titres en français
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