Une tournée de finie et José ressent la fatigue lui descendre jusque dans les chaussettes. Une fatigue qui glisse de la langue comme d'un toboggan et vient se choir aux pieds d'une chaise.
Facteur des petits quartiers roses, c'est pas rien, c'est tout un métier !
Entre les boîtes aux lettres de Siméon le coiffeur, de Georgina la fleuriste et Henri le banquier, il faut avoir de la conversation.
Passer les nouvelles, par ronds de bouche et roues de vélo, allez hop, il faut que ça tourne, il faut que ça roule!
Sa bouche est joyeusement endolorie d'avoir danser sur l'air des conversations du jour après remise des courriers.
« Bonjour », « comment va votre dos ?», « et le petit dernier ? » J'ai entendu dire que »...
Pourtant, José n'a qu'un seul souci dans ses semaines réglées comme des horloges à humeur.
La soirée venant, le facteur se retrouve seul devant une assiette et personne pour prendre de ses nouvelles.
Alors, pioche que je pioche dans la poubelle bleue des lettres sans destinations.
José s'émeut de celles qu'il a ouverte et délivre les enveloppes de leurs messages.
Une attire son attention, une, étrangement adressée au Père Noël.
Au Père Noël en milieu d'année ? Quelle drôle d'idée ?
« Cher Père Noël,
Bonjour, toi, je sais que tu vas m'amener un cadeau comme chaque année. Et que ça sera pas celui que je veux parce que tu es vieux m'a dit mon papa, et que les vieux, ça confond. Alors, s'il te plaît, cette fois, je t'en supplie, ne m'amène rien...C'est quoi ton prénom au fait ? Noël ? Ou Père ? Tu peux me dire, tu sais..je me moquerai pas...je te rappelle que je m'appelle Élisabeth 2... »
José à la moustache affolée devant la doléance, à la fin de la lettre, se tord les pointes à la recherche d'une idée pour rendre service à cette petite bonne femme au franc parler et de bonne volonté.
Comment convaincre un papa cordonnier au tempérament de fer de ne plus utiliser son fils aîné comme lecteur ambulant et apprendre la lecture et l'écriture. le frère n'en peut plus d'essuyer les railleries de ses anciens camarades devant ses retards scolaires mais le père à la jambe de bois à la tête dure.
Peut-être qu'avec un peu de tact, de douceur et l'aide de Marie, amie de José qui sait coudre, on peut recoudre un coeur blessée ?
: « La lettre d'Élisabeth » de
Emmanuelle Cosso-Merad est très clairement sur l'illéttrisme et l'analphabétisme.
L'abordant à différents niveaux, le père d'Élisabeth et le frère, et brossant les difficultés inhérentes, l'auteure arrive grâce à sa poésie et son propre tact à alléger le sujet et fournir une petite histoire courte touchante, sympa et très accessible pour les petits lecteurs et les autres.
Cela ressemble presque à un conte de noël sans en prendre les étapes, les guirlandes, mais en faisant du facteur un magicien du bonheur, statut que l'on peut un peu lui attribuer dans les petits villages et les petites communes isolées. Nous nous rendons compte en tournant les pages, que notre José s'occupe des autres pour ne pas que sa solitude lui pèse trop lourd et, quel coeur en or, ce José !
L'auteure met sur un thème qui lui est probablement cher un peu de fantaisie- c'est un sujet que l'on ne choisit jamais par hasard- , faisant la promotion du plaisir de la lecture et son indispensable utilité pour subvenir à ses propres besoins.
Nous avons des personnages haut-en couleurs de comédie, donnant un peu de distance du coup, à petits zestes d'humour et adoptant un ton familier convivial.
Élisabeth, la mordue de livres, qui trotte à cloche-pied jusqu'à la ville d'à côté et revient en courant avec son journal secret sous le bras est amusante.
Le père très grincheux et bourru ne restera pas longtemps de glace et fondera comme neige au soleil devant le joli minois de Marie. Son teint va reprendre des couleurs et il saisira l'utilité de reprendre la lecture afin d'utiliser les nouvelles méthodes de confection pour son commerce.
Emmanuelle Cosso-Merad met toutefois en valeur l'expérience et le savoir qui ne s'apprend pas dans les livres, ce cordonnier pourrait en dire des choses, « montre moi tes chaussures, je te dirais qui tu es ! ». Une façon aussi de mettre à l'honneur l'art de l'artisanat.
Ce papa, qui est aussi rude qu'un pirate à jambe de bois, fera aussi le deuil de sa relation avec une maman absente. José noue du fait de belles connaissances grâce à Élisabeth.
Une belle histoire de solidarité, d'amitié et peut-être...