Les carnets d'El-Razi

Qu'est ce qu'un roman? Voici une question qui aurait pu faire réfléchir les lycéens d'antan lorsqu'ils passaient l'épreuve de français du bac. Je ne suis pas sûr que les définitions obtenues aient permis d'intégrer le dernier livre d'Aymen Daboussi à la catégorie romanesque. En soi, ce n'est pas un reproche, et les nouvelles ont une place tout à fait honorable dans la littérature.
Les carnets d'El-Razi me semblent en effet plus proches d'un recueil de nouvelles que d'un roman. Nouvelles enfilées sur un collier, avec un fil conducteur, l'hôpital psychiatrique d'El-Razi, près de Tunis, et un narrateur unique. Mais il n'y a guère d'autres liens entre ces textes divers, par leur taille -1 à 40 pages- et par leur contenu.
La diversité des textes rend d'ailleurs la critique délicate. Il y a de belles pages, d'autres sont drôles, certaines tragiques, d'autres enfin franchement vulgaires. On passe d'un réalisme cynique au phantasme, du rêve à l'hallucination. J'ai adoré et j'ai détesté. Je retiens surtout la vue offerte par l'auteur sur la Tunisie contemporaine, depuis la fenêtre de son hôpital psychiatrique.
Merci à Babelio pour cet envoi qui m'a permis de découvrir un auteur.

Lecture assez mitigée, j'ai d'abord aimé les différents portraits des patients de l'hôpital El-Razi où exerce notre personnage principal en tant que psychologue. La folie douce, les références et les différents univers me séduisait et me faisait parfois marrer. Puis de la deuxième moitié à la fin, c'est devenu trop loufoque, trop cru et je n'avais plus de plaisir et plus envie de rire. Je suis passée à côté. Je suis contente de découvrir cette nouvelle collection chez Philippe Rey pour les textes arabophones.

En matière de découverte percutante, je mets 5 ⭐

Comme vous donnez envie de lire ce livre ?

Ce roman, c'est un volcan qui entre en éruption.
Lentement, se met en place le quotidien du narrateur. Scènes après scènes, personnages et situations uniques les unes après les autres. Suis-je dans un roman ou dans l'exploration de la vie de cet hôpital psychiatrique de Tunis ? Des situations folles, ça tombe bien, nous sommes à l'hôpital psy, me direz-vous ! Eh bien, oui et non. Ces situations sont bien des moments de vie ; il y a une 2e lecture à avoir derrière les mots d'Aymen Daboussi.
Puis, de façon assez soudaine, surprenante, une sorte de machination à la mécanique étrangement similaire à une rébellion puis une résistance plutôt bien organisée se mettent en place jusqu'à un état de fin du monde déroutant.

Confondre la société par des abus de langage qui pourraient choquer, et avec un humour décapant, l'auteur, et sa logorrhée dont le jet est intarissable, vous emporte dans un tourbillon d'hallucinations pures que vous pourriez bien les avoir rêvées plutôt que les avoir lues. le rythme est cadencé par des chapitres de taille anarchique, associant le langage et ses registres divers, pour mieux vous réveiller et susciter des émotions fortes.

Vous ne verrez plus l'hôpital psychiatrique de la même façon, et peut-être même les soignants. Quant à la société tunisienne, que dire ? Il en dessine les contours et détours, les dérives de tout ordre. Mais j'y ai retrouvé aussi, malheureusement, des éléments transposables chez nous ces dernières années.

Le côté loufoque allège malgré tout l'ensemble et transforme l'expérience de cette lecture inédite.

J'espère vous avoir donné envie !
Sortez des sentiers battus, vous y ferez de belles découvertes.
Bonne lecture

Je remercie Babelio pour la sélection et l'envoi et Aymen Daboussi pour ses messages.