Ça commençait très bien. Lisant dans un coin de mon salon le premier paragraphe de ce livre qui venait de m'être offert pendant que le reste de la famille se gavait de petits fours réveillonesques, j'ai été prise d'une crise de fou rire… ce n'est que quelques semaines plus tard (programme chargé de lectures oblige) que je me suis replongée dans l'ouvrage, impatiente de découvrir la suite de cette hilarante entame.
Le narrateur, trentenaire, travaille dans une agence de communication. Célibataire, il vit à Paris, en compagnie d'une chatte baptisée
Jean-Paul, car recueillie le jour de la visite, que diffusait alors la télévision, du Pape à Lourdes. Son intolérance pathologique au bruit, cause de son récent déménagement (il était à deux doigts d'assassiner sa vieille voisine en laissant traîner des billes dans l'escalier), va être à l'origine d'une situation aussi improbable que terrifiante. Irrité par le tapage nocturne d'un voisin de l'immeuble en face du sien, il en vient à casser sa fenêtre en y jetant une balle de tennis. C'est le début d'une guerre sournoise, prenant des proportions cauchemardesques, contre un adversaire qui se conduit en psychopathe.
Je ne vous en dis pas plus sur l'intrigue, qui à un moment change d'orientation, passant d'une farce susceptible de basculer à tout moment dans l'horreur à un récit plus apaisé, mais non moins rocambolesque, ponctué de courses poursuites, de rencontres étonnantes, de déambulations dans un étrange Paris souterrain riche de surprises.
La voix du narrateur, empreinte à la fois d'anxiété et de mélancolie, crée comme un contraste avec les improbables péripéties relatées. Elle exprime le mal-être de la vie citadine, pourvoyeuse d'anonymat et de solitude, mais aussi de violence, celle du grouillement, du bruit, des angles aigus de l'architecture urbaine. Une violence qui contamine les individus, en les faisant parfois basculer dans la démence, comme ce type qui, armé d'une perceuse, essaie de trouer les usagers du métro.
Le héros est paradoxalement à la fois en quête de paix et d'aventure, pour casser la morne routine qui l'englue. Les relations superficielles qu'il entretient avec ses rares amis sont dénuées d'intensité et de spontanéité. Lui-même admet s'être fermé aux émotions des autres et refuse de partager les siennes. Entre autodérision et inquiétude face à son propre comportement, ce qui le rend souvent drôle -parfois à son insu-, il prend conscience qu'en confondant bien-être et sécurité, il s'est jusqu'alors condamné à une existence mortifère. Ce à quoi il aspire, finalement, plus que tout, c'est à une fraternité que nos modes de vie ont rendu presque illusoire. Mais il va devoir, pour cela, se confronter à l'altérité…
J'ai un peu regretté que l'ensemble du texte ne soit pas à l'avenant de sa première partie, qui oscille entre burlesque et effroi en un parfait équilibre. Mais l'originalité constante du ton, qui doit beaucoup à la spontanéité du narrateur, à ses digressions tantôt pertinentes et tantôt décalées, ainsi que la dimension loufoque de ses mésaventures, constitueront tout de même un excellent souvenir de lecture.
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