Nombreux sont les écrits se voulant apocryphes, prenant le risque de rajouter une pièce au canon holmésien. Trop souvent le résultat est contrasté. Il arrive parfois que tel ou tel auteur parvienne à réaliser un coup de maître. L'instinct de l'équarrisseur appartient à une catégorie à part : assurément pas dans la première catégorie, ni vraiment dans la seconde.
Thomas Day nous livre un roman dense qui témoigne d'une imagination fertile. Il est difficile de lui donner une place particulière dans une bibliothèque. La couverture et l'éditeur nous donnent des indices : il s'agirait de science fiction. Certes, il est question de voyages entre plusieurs dimensions, d'extra-terrestres, de technologie avancée, de réalités parallèles. Mais est ce que tout cela suffit à faire de la science fiction ?
Cette orientation se fait d'abord sentir en début d'ouvrage puis vers le dénouement. Les plus réfractaires au genre auront donc de quoi être rassurés, même s'ils risquent d'être indisposés par un dénouement particulièrement original et inventif. Il est ici davantage question de littérature de l'imaginaire au sens le plus étendu.
La richesse du scénario (mêlant la traque de deux Jack l'éventreur, la présentation de deux Holmes et accessoirement de deux univers avec leurs règles et intervenants propres, la confrontation entre Holmes et Moriarty, l'introduction d'une forme de mythologie…) est déconcertante. Il est donc difficile de s'ennuyer, d'autant que des personnalités participent directement à l'histoire :
Arthur Conan Doyle,
Oscar Wilde,
Jack London. D'autres doivent se contenter de certaines apparitions (Stocker,
Freud, Einstein, Tesla, Edison…).
L'histoire est originale et demandera une bonne dose d'acceptation de la part des adeptes du grand détective. Les lecteurs qui apprécient la fantasy ou la science fiction devront également faire preuve d'une certaine adaptation. Et pourtant, tout cela vaut le coup : voici une belle oeuvre de fiction, un manifeste en faveur d'une imagination délurée, s'inspirant tout à la fois des romans policiers classiques, des polars glauques (rappelons que
Sherlock Holmes est l'Assassin royal – à ne pas confondre avec Fitz Chevalerie Loinvoyant), des écrits d'anticipation, sans oublier certains films franchisés (Jurassic Par et Indiana Jones).
La liste des personnages conçus pour les besoins de l'intrigue est d'autant plus intéressante que
Thomas Day propose une lecture nouvelle de têtes connues. A certains moments il faudra toutefois faire preuve d'une grande ouverture d'esprit et accepter d'importantes contradictions avec le canon. S'agirait-il donc d'un pastiche ? Oui et non car ce terme est beaucoup trop réducteur et connoté trop négativement.
S'il est a priori difficile de recommander L'instinct de l'équarrisseur à un public novice dans le genre des pastiches, de la science-fiction ou de l'imaginaire, il se révèle être le fruit d'un mélange des genres franchement original et osé. Il tort le coup à toutes les règles et à tout cadre imposé. Sa lecture est pourtant des plus amusantes et des plus distrayantes (les éclats de rire spontanés seront nombreux, vous voilà prévenus).