Byzance la secrète. le titre est bien choisi tellement il reflète l'ignorance mâtinée « d'allégorie de la décadence » (c'est de l'auteur) que j'en ai. La ville et l'empire jouent presque toujours les seconds rôles dans les livres d'Histoire ou les romans. Les livres qui lui sont consacrés sont relativement rares. Évidemment le sujet m'attire, entre lien avec l'antiquité romaine et exotisme proche oriental.
Pascal Dayez-Burgeon nous propose un livre très agréable, où les chapitres se concentrent sur les moments importants en expliquant les tenants et les aboutissants. Il utilise beaucoup l'analogie historique avec des situations plus connues ; une façon de mieux nous rapprocher de la ville et aussi de rappeler que l'Histoire est souvent composée de variations sur quelques thèmes. L'auteur rapproche ainsi les Verts et les Bleus byzantins qui supportaient leur couleur à l'hippodrome aux supporters du Real Madrid ou de Manchester, avec un hooliganisme similaire. La construction de la basilique Sainte Sophie en tant qu'acte de contrition après les massacres des révoltés de 532 est comparée à celle du Sacré Coeur après la Commune. Et la cour d'Héraclius se reflète dans celle de Louis XIV, absolutiste, courtisane, à l'étiquette précise.
Certains chapitres permettent d'appréhender la grandeur de l'empire dans ses grands moments, naissante sous Constantin ou reconquérante sous Justinien et Héraclius. Ou la vie économique le long de la Mésè, dont parait-il les arcades de la rue de Rivoli se sont inspirées, explose de vie. Et cependant l'impression qui me reste du livre reste la mort annoncée, lente, inéluctable de cet empire, presque dès sa naissance. Ce sont peut-être les limites de l'exercice pour un auteur occidental : on ne peut échapper à cette vision. L'éloignement de Constantinople et de l'Occident lors de la guerre iconoclaste, le grignotage par la République de Venise et celle de Gênes, les exactions des Croisés en 1204 qui vont s'installer en tant qu'empereurs latins, la menace des Bulgares et bien sûr les huit cents ans d'affrontements avec l'islam. L'empire qui se réduit lentement comme peau de chagrin. Un siècle avant la chute la ville affiche déjà ses ruines (
Gilles Chaillet l'avait bien montré dans un épisode de Vasco) et déçoit ses visiteurs comme
Bertrandon de la Broquière. Les derniers empereurs recherchent le soutien de l'Occident, allant même jusqu'à vouloir mettre un terme au schisme entre catholiques et orthodoxes, mais il est trop tard. Et puis l'empire s'est trop orientalisé ; malgré l'inimitié, ottomans et byzantins se sont rapprochés comme des frères ennemis : l'auteur parle de guerre transformée en querelle de famille.
Le livre contient en milieu d'ouvrage de chouettes photos et reproductions de peinture bienvenues pour nous faire toucher de l'oeil cette civilisation. Evidemment, j'ai aussi beaucoup surfé sur Internet pour localiser telle ville ou voir telle basilique. Difficile de s'en empêcher de nos jours.