Posé sur l'une des cornes du roi des montagnes, le papillon s'élance suivant des trajectoires imprévisibles, contrairement à la balle d'un fusil.
Le chamois est d'une taille exceptionnelle, son chasseur le traque depuis des années pour en faire un trophée.
C'est une métaphore de la dernière rage de vivre, du dernier galop avant le déclin, de l'âge atteint qui sursoit à la volonté de monter jusqu'aux cimes.
Pour l'illustrer, Erri oppose un surhomme à un sur-animal, l'un, jusqu'auboutiste avec son fusil, l'autre, majestueux, défiant la gravité et tous les dangers à flanc de montagne, malgré sa taille hors norme.
Les phrases d'Erri de Luca suivent un chemin de randonnée peu fréquenté. Sa façon d'approcher cet humain est méticuleuse et ne laisse pas de place à l'improvisation par contre, le roi des montagnes a le droit à un traitement plus subtil et poétique.
Erri de Luca est tenté par l'anthropomorphisme. Céder à cette tentation m'aurait déçu.
Il garde heureusement cette distance mêlée de crainte et de respect pour la bête. Presque comme l'oeil du chasseur impuissant à poursuivre une chimère.
L'on trouvera des similitudes avec d'autres auteurs. Ceux qui me viennent à l'esprit sont
Curwood et London.
Pour eux, la nature n'est pas douce ou féroce, elle n'est pas gentille ou méchante et elle n'est pas seulement un cadre, c'est aussi un personnage omniprésent et complexe du récit.
La brièveté du récit en fait une oeuvre pleine, sans fioritures. Un cheminement sobre, où l'on ne mangerait pas de gâteau à la myrtille dans une ascension exigeante mais seulement des myrtilles un peu amères.
Pas de trophée pour
Erri de Luca, une simple couronne de laurier.