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3,94

sur 793 notes
Il avait cligné comme une luciole, dans la nuit chaude de l'été, zigzagué comme un flocon , dans le jour blême de l'hiver, et toujours plus léger, plus agile, sur la pointe de ses sabots, il avait fait le grand écart entre les pics. Il avait dansé comme un elfe, devant lui.

Il avait mis ses traces dans la neige, derrière lui.

Il avait égratigné à peine la poudre des névés, bousculé les étoiles, dessiné dans l'espace l'épure de sa course. Il avait grésillé comme un feu- saint -elme, au-dessus de lui.

Il avait mis ses pas sur l'écorce des pierres, comme lui.

Il l'avait guetté comme un aigle, au-dessus de lui.

Il avait braqué l'oeil vide du fusil, sur lui.

Un volètement blanc, une fleur de liseron les a marqués d'un signe ailé :
le poids du papillon les abattant tous deux dans un linceul glacé.

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Duel entre l'homme et l'animal dans un récit d'une force poétique épurée et d'une beauté magnifique et triste.
*
Dans les Alpes italiennes, un vieux braconnier chasse le roi des chamois.
Un chamois magnifique, fort, admirable, qui domine sa harde.
Il a plusieurs fois échappé au chasseur qui a tué sa mère autrefois.
Un roi des chamois à l'élégance majestueuse qui pressent la fin de sa suprématie.

« Les sabots des chamois sont les quatre doigts d'un violoniste. Ils vont à l'aveuglette sans se tromper d'un millimètre ».

L'homme et l'animal. C'est un affrontement. Une traque.

« Les oiseaux, au-dessus de lui, étaient du côté de la chasse (...) L'araignée était le plus fort des chasseurs. »

« Un papillon sur un fusil le tourne en dérision ».

La fragile délicatesse du papillon ajoute à la force tragique de l'histoire.
«Plume ajoutée au poids des ans ».

Erri de Luca rend grâce à la beauté solitaire de la nature, à la montagne, au monde animal, avec son talent de conteur.
Un style que j'aime beaucoup. Un récit sublimé, tragiquement beau.
Fragilité de l'instant présent.

« On ne répare rien après un tort commis. On peut seulement renoncer à le refaire ».
*
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Erri de Luca est un taiseux. Un homme plein de sensibilité et de tendresse mais il faut savoir percer sa carapace.

En tout cas, c'est ce que laisse transparaître ses personnages dans ses livres.

Le poids du papillon est un hymne à la force de la nature. L'histoire, un chasseur, un braconnier, à la recherche de son dernier trophée avant de mourir, le chamois le plus vieux de la harde, qu'il traque depuis des années.

Les descriptions sont époustouflantes et quelle écriture ! Magnifique ! C'est le deuxième livre que je lis de cet auteur, c'est sûr, je ne vais pas m'arrêter là.
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C'est l'histoire d'un duel, d'un rendez-vous grandiose, d'une rencontre au sommet.
Une histoire aussi brève qu'intense, quelques dizaines de pages à peine pour un superbe concentré de grâce sauvage et d'émotion brute.

Nous sommes en montagne, par un jour de novembre, et soudain au détour d'un col, les voilà !
D'abord le roi des chamois, noble et majestueux, encore puissant pour son âge avancé mais néanmoins conscient, d'instinct, que son règne s'achèvera bientôt et qu'il vit son dernier hiver à la tête de sa harde.
Puis derrière lui vient l'homme, le vieux braconnier vaguement misanthrope, l'illustre ermite dont on parle en bas, dans la vallée. Certains villageois condamnent ses méfaits, d'autres préfèrent vanter la précision de son tir et l'étendue de son tableau de chasse, mais tous s'accordent à reconnaître sa science du monde animal et sa parfaite adaptation à la vie d'altitude.

Et l'homme traque la bête.
Et la bête épie l'homme.
Sous l'oeil toujours menaçant de l'aigle, depuis les éperons rocheux où les siens caracolent avec la prodigieuse aisance propre à leur espèce, le roi des chamois surveille son poursuivant. Il hume la poudre de son fusil, tandis que le pisteur se camoufle et profite du silence pour se remémorer, par bribes, quelques faits marquants de son existence. C'est ce terrible mano à mano, cette rivalité quasi atavique entre seigneurs des cimes que nous raconte Erri de Luca, de sa plume toujours si délicate et pleine de poésie.

Ses descriptions des paysages montagneux sont splendides, et les portraits des duellistes, peints avec une infinie délicatesse et une grande économie de mots, sont particulièrement réussis. Les deux rois vieillissants se craignent et se respectent, se jaugent et se défient : chacun pressent sa fin prochaine et se prépare à l'inévitable affrontement, ultime point d'orgue de deux vies bien remplies. L'ombre de la mort plane sur eux, mais chacun connaît la Loi de la nature, chacun a accepté l'ordre des choses et le face-à-face offert par les deux géants nous tient en haleine jusqu'à la superbe scène finale.

En quelques pages, l'auteur vient de nous délivrer une fable magnifiquement maîtrisée qui parle de crépuscule, de règnes touchant à leurs fins, de noblesse, de solitude, de vaillance et de déclin. Une fois encore, de Lucca y témoigne d'un véritable amour de la nature, de la montagne et du vivant : ses belles images et ses formules éminemment poétiques m'ont beaucoup touché.

Un bien joli texte en somme, épuré à l'extrême, aussi fugace et gracieux qu'un vol de papillon.
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La vie qui nous anime est un papillon qui s'est posé sur nous. Comme lui elle est aléatoire, légère et fragile. Comme lui elle peut être belle. Mais surtout comme lui elle est éphémère.

A contrario de l'animal, l'homme ne vit pas le présent. Il court après l'avenir dans une quête éperdue qui le précipite vers sa fin.

Magnifique conte qui remet l'homme à sa juste place. Il n'a pas plus de valeur sur terre que ceux à qui il retire la vie.

A lire et relire pour vivre au présent.
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N°816 – Octobre 2014.

LE POIDS DU PAPILLONErri de Luca – Gallimard - Feltrinelli.
Traduit de l'italien par Danièle Valin.

Ce sont deux récits somptueux, lus alternativement en français et en italien pour la beauté et la musicalité de ces deux langues cousines. Ils ont la montagne italienne pour cadre et la poésie pour souffle, l'un est dédié au duel entre un vieux braconnier et un chamois-roi de sa harde, l'autre à la complicité entre un narrateur et un pin des Alpes.

L'animal est puissant, majestueux, d'une taille au-dessus de la moyenne. Il a engendré une nombreuse descendance mais pour lui, il le sait, la fin est proche et nécessaire parce qu'il sera obligatoirement et rapidement détrôné par un plus jeune. Telle est la loi de cette vie du troupeau sur lequel il règne en maître depuis si longtemps. Il viendra donc au-devant du chasseur qui l'abattra d'une seule balle sans qu'il ressente la moindre souffrance. L'homme solitaire qui gîte dans la montagne après une jeunesse révolutionnaire déçue, l'a poursuivi toute sa vie, en vain ! Il y a en lui un peu du capitaine Achab pourchassant Moby Dick, la baleine blanche et du « Vieil homme et la mer » dans ce combat qui l'oppose à l'animal, face à la nature. Mais aujourd'hui, c'en est fini de ces défis, de ces traques silencieuses et patientes entre deux rois qui partagent le même territoire, la même liberté, la même connaissance du terrain mais pas le même but. le braconnier reste un homme incapable sans doute de s'attacher, qui n'est pas insensible aux yeux d'une femme mais s'en méfie. L'évocation de leur rencontre dans un café de la vallée a quelque chose de poétiquement sensuel. Il veut poursuivre son parcours terrestre mais maintenant le temps lui est compté parce que la vieillesse l'assaille, ce sera son dernier coup de fusil. Par respect pour cet animal fabuleux, il n'en tirera aucun profit. Il y a une sorte de communauté d'état entre eux, le silence, une solidarité, une attirance commune pour la solitude, une prise de conscience de la fuite du temps, un certain détachement pour les choses, mais cet instant de rencontre est le plus fort qui décidera de la suite.

Les ailes blanches et fragiles d'un papillon viennent donner au récit, dans un écrin de silence, ce qu'il faut de légèreté et de tragique comme la vie elle-même. Elles sont comme une couronne sur la tête de ce chamois-roi, elles s'opposent aux ailes noires des aigles, des rapaces qui volent haut, se nourrissent des dépouilles des animaux qu'ils tuent.

Erri de Luca s'affirme comme un sublime conteur. le texte est initiatique et sa beauté est rude, comme la montagne. L'auteur est aussi un familier des cimes et des parois rocheuses et sait rendre pour son lecteur l'atmosphère du lieu, la faune comme la flore, sait lire dans les odeurs, dans les traces, dans la course des saisons, anticiper l'orage …

Il est aussi un attentif lecteur de la Bible qui émaille son récit de références religieuses, il y a cet amour de la nature, un peu comme si l'homme partageait avec le chamois et l'arbre cette forme de vie, véritable cadeau de Dieu. La symbolique du ciel religieux et des cimes est très forte comme l'est aussi celle de la foudre qui épargne l'arbre accroché au rocher. La solitude qui fait partie de la condition humaine est ici soulignée par le sublime décor de la montagne. L'homme et le chamois connaîtront aussi la mort qui est l'ultime étape de la vie, mais l'arbre, avant d'être cendre sera bateau guitare ou sculpture...

C'est un recueil de nouvelles plus bouleversant peut-être que les autres écrits d'Erri de Luca.

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Dans ce court roman de 70 pages, presque une nouvelle, ou un conte philosophique, l'auteur met face à face un braconnier, alpiniste chevronné, revenu vivre dans les montagnes des Alpes italiennes et qui n'a jamais hésité à tuer, et le roi des chamois qu'il traque depuis des années, et n'est jamais parvenu à piéger, et qu'il rêve aujourd'hui d'abattre, avant qu'il ne soit trop tard pour l'un ou pour l'autre.
De son côté, le roi des chamois, d'un poids et d'une prestance inégalés, sait que l'homme le poursuit inlassablement. Il a su depuis des années déjouer ses pièges, et continuer à régner sur sa harde. Il sent pourtant que sa dernière saison de roi se termine, et que des chamois plus jeunes vont prendre la suite...
Tous deux vont bien entendu se retrouver face à face pour un ultime combat.

Nous assistons impuissants à ce duel et au destin inéluctable que seul un petit papillon pourrait faire basculer...
Dans un style d'une grande poésie, sans un mot de trop, l'auteur nous fait entrer dans l'univers de la montagne, avec ses règles, sa beauté, sa pureté. L'homme parfois se sent si petit, si seul et vulnérable face à l'immensité et il a peur...

En nous proposant de suivre les pas des ces deux êtres qui se ressemblent, car tous deux fiers et solitaires, l'auteur nous parle tout simplement de la vie, de la nécessité de vivre l'instant présent sans trop songer au lendemain, ni s'alourdir avec des regrets ou des remords superflus...
Quel sera le véritable vainqueur de ce duel ? Qui se montrera le plus humain des deux ? Je ne peux vous en dire davantage pour vous laisser découvrir l'histoire...

Le récit est suivi d'une courte nouvelle "Visite à un arbre" d'une forte puissante évocatrice, elle-aussi.
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le poids du papillon, c'est l'affrontement de deux rois: le premier , le roi des chamois, le second , le roi des braconniers.
Les descriptions sont superbes pour présenter ce chamois, qui très jeune ayant perdu sa mère abattue par un chasseur, a du se débrouiller seul et a acquis une force exceptionnelle.
le braconnier est un alpiniste solitaire hors du commun qui met son art au service de la chasse.
La fin de ce livre très court est surprenante et magnifique!
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Quand j'ai commencé la lecture de ce petit chef d'oeuvre de Erri de Luca , j'ai vite compris que je ne le lacherai pas .
Très court 66 pages ,Partagé en deux écrits
1 le poids du papillon
2 visite à un arbres
Pourquoi le poids du papillon ? ça pèse pas lourd un papillon , mais cela suffit pour faire la différence entre la vie et la mort!
C'est avant tout un face à face avec un roi des Chamois et un roi de la braconne,chasseur alpiniste .
C'est toute la trame de l'histoire .Mais quel beaux roman !!
Erri de Lucas dont j'avais lu "la nature exposée" que j'ai posté ici ! m'avait emballé!!
Celui ci m'a fait verser des larmes . Toute une poésie ,délicate ,qui s'imbrique dans la sauvagerie
d'une nature qui ne fait qu'appliquer les réalités et les necessités de la vie.
J'ai fais un rapprochement ,à des choses simples : le jour ,la nuit .Le printemps ,l'hiver
La naissance, la vieillesse . car c'est cela que Erri de Luca veut nous faire toucher du doigt !
La glorification de la nature , dans sa force et sa splendeur , et la trace qu'elle laisse dans notre vieillesse!
polie au fil des ans , pour avoir une finitude , en quelque sorte dérisoire aux yeux du monde , si occupé à des choses futiles .
L'apparition de la neige sur nos cheveux blancs et sur les poils drus des chamois .
Vous comprendez pourquoi!! seul le poids d'un papillon suffit .
J'ai pensé en le lisant à des auteurs que j'adorent : Genevoix, Hemingway, Herman melville ,Frison Roche .......
Toujours la lutte, l'affrontement entre deux êtres ! homme, bêtes, océan, montagne, ..........
Ce livre est facile à lire ,il est pur , rempli d'humanité.
Mais il inplique d'être lu avec délicatesse , en le dégustant par petites touches , en regardant de temps à autre ,le ciel et ses nuages !!
Pour moi, les deux textes furent un régal.
Je me suis assis au pied d'un Pin des alpes qui borne le jardin ,
et j'ai lu . un petit papillon blanc s'est posé sur
ma main , léger..... léger...... comme la larme qui est tombée sur lui qui l'a fait fuir.

Livre inoubliable !!!!!
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Nous sommes en novembre et l'hiver vient...
Euh non ce n'est pas ce que vous croyez. On assiste dans ce court roman à un duel entre l'homme et le roi des chamois, éternels rivaux pour la suprématie des hauts sommets. On oscille entre les deux points de vue. On en apprend un peu sur l'un et l'autre, tout en se demandant qui chasse qui tout du long de ce moment, ramassé dans le temps.
Le lecteur est tapis dans les escarpements rocheux et dans celle des esprits des deux personnages.
La majesté du roi des chamois est servie par un style poétique qui respire l'amour de la vie et de la nature, la solitude aussi beaucoup. L'homme et son instinct irrépressible. Et cette fin grandiose qui donne tout son sens au titre.
Une magnifique envolée lyrique dans les hautes sphères du monde, une ode à la sagesse de la nature, à l'humanité et sa troublante ressemblance avec le règne animal.
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