AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,94

sur 793 notes
Le roi des chamois est un chamois majestueux, d'une longévité sans pareille, malin et qui a su s'adapter aux éléments de la montagne pour survivre et dominer les autres mâles. Il a toujours déjoué le roi des hommes chasseur ultra intelligent de cette région. le roi des chamois sait que c'est sa dernière saison. L'auteur le fait parler en tant que narrateur. le roi des hommes sait que sa vie s'achève aussi.

Entre respect et admiration, ce récit court sublimement écrit décrit ces instants de vie montagnarde où la rudesse de la vie et des destins n'empêche pas la beauté. Dans une langue lyrique et magique, l'auteur raconte l'apothéose de la vie de deux êtres vivants qui se jaugent depuis longtemps. La mort les réunira à jamais.

Une légende est née sous la plume de Erri de Luca.







Commenter  J’apprécie          240
Un chamois, mais pas n'importe quel chamois, le roi des chamois, qui domine sa harde dont il est reconnu comme le maître.
Un chasseur, mais pas n'importe quel chasseur : un braconnier hors pair, qu'on appelle aussi le roi des chamois dans la vallée du fait de ses qualités de chasseur, mais qui se définit lui-même comme un « voleur de bétail « depuis qu'il a abattu un bouquetin.

Et la toile de fond : la nature.

Avec cette écriture majestueuse qui le caractérise, Erri de Luca, l'auteur de « Trois chevaux » ou de « Montedidio » nous livre ici un récit profond et poétique.

Erri de Luca, tout à tour maçon sur des chantiers en France, en Afrique et en Italie, manutentionnaire à Catane, et chauffeur de convois humanitaires dans la Bosnie en guerre des années 1990, se consacre à l'écriture à partir de 1996. Son oeuvre, d'influence autobiographique, invite à la méditation. Elle est très largement traduite, notamment en français, où il obtient le prix Femina du roman étranger pour Montedidio en 2002.

Passionné par la montagne et alpiniste de haut niveau, il a accompagné Nives Merroi, célèbre alpiniste italienne dans ses ascensions de l'Himalaya.

On pense à l'univers de « Vent largue » de Francesco Biamonti : cette nature préservée, ces sommets sur la frontière franco-italienne, traversée par des alpinistes ou des braconniers depuis des générations.

Bien sûr on attend l'affrontement entre ces deux solitaires. Tous deux ont vieilli et savent leur fin proche. L'heure du face à face a sonné et le décor est planté, au milieu des roches, des éboulis et des pins des Alpes.
Bien sûr il faut que l'un ou l'autre aille droit vers la mort, il n'y a pas d'autre issue.
Et le papillon me direz-vous ? Ce papillon qui se colle à la corne du roi du chamois pour finir par peser sur l'épaule du chasseur : l'effet papillon ? La légèreté plutôt, à l'image de ces phrases qui sont tout sauf sophistiquées, à l'image de ce poète qui explique dans une interview qu'il n'est « que de passage », « qu'il n'est pas autorisé à rester », et que la montagne aide à se reconnaître, à trouver sa place dans le monde.

Mais il y a encore bien des pépites dans ce petit recueil de 69 pages. Il y est question de femme, mais aussi de solitude, et de l'incapacité de l'espèce humaine à être dans l'instant présent, contrairement aux animaux.
Le chasseur a rendez-vous avec une femme, une journaliste à qui il faudrait raconter une histoire. Notre chasseur a longtemps hésité à lui donner rendez-vous : d'habitude il fuit la compagnie des femmes en leur préférant sa cabane d'été, mais cette fois-ci peut-être ne pourra-t-il pas céder à l'attirance qu'elle lui inspire.

La nature, omniprésente : les sensations, les bruits, les odeurs, que Erri de Luca connaît parfaitement. La connaissance de la montagne, l'observation des animaux, telle sa science des chamois : on sent qu'il les a observés de tout son soûl à l'image de l'agilité de ces animaux alpins.

Erri de Luca a le talent d'un conteur : il polit ses mots comme un marcheur qui recueillerait un galet dans sa main et qui le ferait tourner dans sa poche incessamment. Il rumine ses phrases pendant de longues heures, et les épure de toute aspérité.
Il faut aussi signaler le talent de Danièle Valin la traductrice – cet ouvrage fut initialement publié en italien en 2009 – qui sait magistralement restituer la langue de Erri de Luca.
Le« Poids du papillon », ce récit qui réussit le mariage de la légèreté et de la profondeur, est donc un hymne splendide rendu à la nature.

S'en suit ensuite un très court récit où l'auteur relate sa visite annuelle à un vieux pin des Alpes, tout tordu, mais comme dédoublé par les racines qui le dresse face au vide.
Une très belle description encore une fois de la puissance de la nature, à l'image de la foudre qui peut tomber à tout moment.

Sans donner jamais de leçon, Erri de Luca redonne un sens à la proximité d'une vie avec la nature :
« Il était en alliance avec le vent, son coeur battait, léger, se chargeant de l'énergie lancée par le ciel sur la terre ». Si ce n'est une belle leçon de vie, en tout cas certainement une magnifique leçon d'écriture.

Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
Commenter  J’apprécie          244
Lorsque j'étais enfant, nos parents nous emmenaient ma soeur et moi passer les vacances dans un petit village des Alpes italiennes. L'un de ces villages comme il ne doit en rester guère, où les marques de la civilisation n'avaient pas encore défiguré le pittoresque et la rusticité ; village de montagne, reculé, isolé…Les vieux y parlaient un dialecte italien aux sonorités chantantes, les rues y étaient tortueuses et étroites, elles sentaient l'odeur forte du troupeau fraîchement rentré des pâturages.
Nous prenions la route des montagnes et après quelques heures d'une marche dans un paysage de pins, de sources écumantes, de rivières bondissantes, nous arrivions au pied de la montagne « assise », c'est comme cela que nous l'avions surnommée car elle ressemblait à une vieille dame assise. Et là, sur la paroi rocheuse, abrupte, ravinée, au bout de quelques minutes d'une attente impatiente et fébrile, l'on voyait les chamois arriver. Quel spectacle !
L'agilité de leurs pattes sur la muraille rocheuse, leurs bonds vifs et aériens dans un univers de roches éboulées, l'assurance avec laquelle ils sautaient et bondissaient au mépris de l'abîme qui s'ouvrait devant eux, la fierté animale de leur posture au bord du vide, la beauté à la fois forte et délicate de leur constitution ! C'était tout simplement magique et dans mes yeux d'enfant ce spectacle magnifique revêtait la forme d'un beau rêve éveillé.

Lorsque j'ai vu la couverture du dernier livre d'Erri de Luca - la silhouette d'un chamois dans l'aube naissante - ces souvenirs d'enfance m'ont submergée de nouveau : les marches dans une nature éblouissante, les marmottes en hiver, la polenta préparée par les vieux paysans…et les chamois dressés à flanc de ravin.
Ce livre était pour moi.
Un livre cependant qui s'ouvre sur une image forte, saisissante : « sa mère avait été abattue par un chasseur. Dans ses narines de petit animal se grava l'odeur de l'homme et de la poudre à fusil ».
Par cet incipit qui d'emblée vous frappe en plein coeur, Erri de Luca amorce le récit d'un face à face - que l'on présage sans issue - entre l'homme et l'animal, entre le chasseur vieillissant et le chamois en fin de règne.
Pourtant, entre ces deux êtres que tout semble opposer, les similitudes affleurent : le caractère ombrageux et solitaire qui les caractérise, le respect qu'ils inspirent à leurs semblables respectifs, le poids des années qu'ils ressentent dans leurs membres à l'approche de l'hiver et l'aplomb farouche qui les anime tous deux, les conduisant à se sentir, à se flairer, à se chercher l'un l'autre et à se provoquer comme deux rois frères et ennemis, deux géants des montagnes qui scelleront leur destin sur les « à pic » rocheux.
Et dans cette chorégraphie fusionnelle entre règne animal et règne humain, entre chasseur et gibier, le bruissement des ailes d'un papillon blanc, comme « la plume ajoutée au poids des ans », viendra associer en point d'orgue sa note harmonieuse, légère mais fatidique, la note qui solde tous les comptes, celle du temps qui passe irrémédiablement et fait s'unir, dans un éternel et même embrassement, les corps de l'homme et du chamois.

Avec un art consommé de la mesure et du dépouillement, l'italien Erri de Luca nous offre un magnifique hymne à la nature, à la vie animale, à la solitude et à la liberté.
Il y a quelque chose d'ascétique et de monacal dans la beauté de ces phrases clarifiées à l'extrême, quelque chose de l'ordre du murmure ou du chuchotement, qui font que les mots, comme les roches éboulées sous les pas du chamois, roulent longtemps à l'intérieur de nous, éclaboussant notre conscience de perles d'émotion comme une eau de cascade et bruissant dans les coeurs comme l'herbe qu'on foule, quelque chose qui s'apparente au recueillement dans le silence frémissant de la montagne.
Les deux récits qui composent « le poids du papillon » sont des pépites brutes, de celles qui sont formées à l'aulne des rivières, aux cimes des grands pins, aux sommets des montagnes. Elles ont un goût de contes qui vous donne envie de communier avec la nature.
Tout comme le narrateur de « Visite à l'arbre », la seconde histoire qui ourle ce recueil, on se prend alors à rêver d'aller rendre visite à ces arbres héros plantés au bord du vide, s'allonger sous leurs branches pour lire leurs histoires ou monter sur leurs bras, les pieds ballants…à l'air libre.
Commenter  J’apprécie          240
Dans les Alpes italiennes, deux mammifères contemplent avec nostalgie les sommets enneigés. L'hiver et son magnifique silence planent sur le paysage. Les deux solitaires atteignent eux aussi l'hiver de leur vie. L'un est un braconnier rusé, l'autre est jusqu'à présent le "roi des chamois". L'homme semble refléter sa vie dans celle de l'animal : deux solitaires de la montagne qui, après une jeunesse en désordre, affirment leur suprématie dans le silence et la dignité. Deux grandes férocités même avec l'essoufflement de la fin de journée, quand le poids d'un papillon peut faire vaciller le pas, une plume ajoutée à la charge des ans.

Un dernier combat les attend : l'homme doit tuer le roi des chamois, l'animal doit venger la mort de sa mère. le braconnier savait que sa fin était proche, mais il espérait encore emporter quelques trophées ... la barbe et les cornes du grand mâle lui semblaient être la digne conclusion de sa carrière de chasseur. de son côté, le roi des chamois se doutait que cette saison serait sa dernière. Il écoutait le vent et observait le troupeau, ses femelles engrossées pour le printemps, ses fils prêts à se battre pour le pouvoir.

Alternance de perspectives entre les deux chasseurs, d'observations de plus en plus proches et pressantes, jusqu'à la rencontre finale, tandis qu'au-dessus de leur tête planent les ailes noires des corbeaux...

Avec sa plume majestueuse, Erri de Luca sait enrichir ses images de montagnes et d'animaux, d'orages et d'éclairs, de vent et de grêle, d'odeurs, de saveurs et de suggestions intenses...
Et comme un troisième protagoniste caché, lui aussi au seuil de son hiver, il semble se reposer sur des images calmes et non-violentes, chargées d'une puissante sensibilité.
Commenter  J’apprécie          232
Admirable performance littéraire: se mettre dans la peau d'un animal, d'un arbre ensuite dans la 2è nouvelle de ce recueil et engager une sorte de dialogue muet parallèle avec l'homme pour faire converger les destinées dans le grand Tout de la Nature.
L'écriture est ciselée, l'italien que je commence à lire, merveilleusement traduit.
A déguster ...
Commenter  J’apprécie          230
Le poids du papillon est un petit chef-d'oeuvre. L'un de ces livres que vous irez acheter même si vous venez de lire et parce qu'on vous l'a prêté.
Il y en a peu de ce type là.
Je connais le Petit Prince, la Chèvre de monsieur Seguin ou encore l'Homme qui plantait des arbres. Ce sont des livres de communion avec la nature, des livres gais et tristes aussi où il est question de combat, de mort et de naissance.
Avec Erri de Luca, je n'ai jamais été déçu, il y a ainsi des parentés d'âme entre un écrivain et ses lecteurs. L'impression que vous pourriez écrire ce qu'il vous raconte mais que vous n'en avez pas le talent alors vous le laissez faire sans rancune et avec humilité.
Commenter  J’apprécie          226
Le poids du papillon (en italien : Il peso della farfalla) est une ode à la nature, à la solitude, au temps qui passe. C'est un beau poème en prose, que j'ai acheté dans une petite librairie sur une placette de Pise, en version bilingue (je ne lis pas l'italien mais j'ai aimé tomber à chaque fois que je tournais la page sur les mots de cette langue). J'ai failli toutefois écrire "poème en pose" tant il est vrai que l'écrivain y prend un peu la pose, en vieil anachorète champion d'escalade et misogyne, mi-homme, mi-roi des chamois. Mais la beauté des phrases aide à supporter ce travers. le deuxième texte ("Visite à un arbre" / "Visita a un albero") est magnifique.
Commenter  J’apprécie          220
Tout petit roman rempli de poésie pour un duel entre l'homme et l'animal. de belles évocations du temps qui passe, et pourtant pas de regrets. Un beau moment de respect, dans cette nature toute pure.
Commenter  J’apprécie          210
plus je lis Erri de Lucca, plus j'apprécie, son style, sa poésie, sa sagesse.
Très court roman ou plutôt un conte de la vie qui passe qui s'achève. en miroir, le roi du chamois et l'homme solitaire le traqueur le chasseur. Sur le chemin de leur vie respective, ils ont imposé leur loi, le respect. Mais au bout de la route que reste-t-il ? Une fin certaine, mourir dignement dans un dernier effort de combat. La mise à mort d'un roi, un dernier exploit d'un chasseur, à l'unisson ils partageront leur dernière demeure.
C'est magnifique, subtile, poétique, malgré quelques passages difficiles pour ma sensibilité, mais l'auteur sait toujours écrire dans la justesse de la vérité dans la simplicité de la réalité, sans plus ni moins. voilà ce que j'aime chez De Luca, son talent à nous offrir naturellement les choses de la vie dans une harmonie parfaite des mots.
Commenter  J’apprécie          212
« Sa mère avait été abattue par un chasseur. Dans ses narines de petit animal se grava l'odeur de l'homme et de la poudre à fusil. »

Dans la montagne d'Erri de Luca, deux animaux cohabitent : le chamois et l'homme. le premier se moque du second, le second peut être mortel au premier. Dans la montagne d'Erri de Luca, deux êtres surhumains vont s'affronter : le roi des chamois et le roi des chasseurs. Les deux sont des solitaires, méfiants et endurcis. Ils se ressemblent plus entre eux qu'à leurs propres espèces.

Et pourtant …

L'auteur italien nous offre une histoire magnifique, une traque sauvage, d'une poésie remarquable, d'une cruauté naturelle, pour raconter cette rencontre funeste, à la limite de la fable.

Il donne une âme à ce chamois atypique qui a développé son intelligence et son instinct de survie à un point qu'il en est presque invincible.

« Dans chaque espèce, ce sont les solitaires qui tentent de nouvelles expériences. Ils forment un quota expérimental qui va à la dérive. Derrière eux, se referme la trace ouverte. »

Mais ce sera son dernier pied de nez.

Pour le chasseur, ce sera aussi sa dernière chasse, bientôt trop vieux pour grimper dans les caches difficiles d'accès qu'il atteignait sans souci quelques années auparavant. Sa dernière chance pour tuer le vieux roi. Son dernier fait d'armes.

« Sa vie au gré des saisons était allée avec le monde. Il l'avait gagnée tant de fois, mais elle ne lui appartenait pas. Il fallait la rendre, froissée après avoir été utilisée. Quel était ce créancier indulgent qui la lui avait prêtée neuve et la reprenait usée, à jeter. »

Une rencontre sublime, effleurée par quelques mots, épurés, ciselés. Un texte qui va à l'essentiel, qui demande à peine à être décrypté. Qui demande juste à être ressenti.

Quand j'ai enfin refermé ce livre, m'est resté une image en tête, magique.

« Sur la corne ensanglantée du vainqueur se posèrent des papillons blancs. L'un d'eux y resta pour toujours, pour des générations de papillons, pétale battant au vent sur la tête du roi des chamois durant les saisons d'avril à novembre. »

Un papillon qui pèsera lourd dans ma mémoire de lectrice.
Lien : http://missbouquinaix.com/20..
Commenter  J’apprécie          210




Lecteurs (1534) Voir plus



Quiz Voir plus

Grandes oeuvres littéraires italiennes

Ce roman de Dino Buzzati traite de façon suggestive et poignante de la fuite vaine du temps, de l'attente et de l'échec, sur fond d'un vieux fort militaire isolé à la frontière du « Royaume » et de « l'État du Nord ».

Si c'est un homme
Le mépris
Le désert des Tartares
Six personnages en quête d'auteur
La peau
Le prince
Gomorra
La divine comédie
Décaméron
Le Nom de la rose

10 questions
832 lecteurs ont répondu
Thèmes : italie , littérature italienneCréer un quiz sur ce livre

{* *}