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« Fille d'un criminel de guerre, je voulais être un effet sans cause. »

Sous un angle atypique, Erri de Luca explore la mémoire et les sens. Je suis toujours impressionnée par sa faculté à me faire ressentir par les sens son approche de la vie (ici l'ouïe, le toucher ont une grande importance pour les personnages). Que ce soit une paroi rocheuse ou le souffle du vent sur une peau mouillée, on entre en contact avec les profondeurs de la terre, l'humain devient partie d'un tout et donne sens à sa vie au travers des sensations. Dans une famille où l'on ne parle pas, une jeune fille apprend avec un enfant sourd-muet une forme de langage qui lui parle et la rassurera dans ses moments de doute. Elle découvrira une terrible vérité à vingt ans, avoir eu des parents acteurs depuis sa naissance d'un théâtre hypocrite. A côté de ce personnage, un autre narrateur. Lui aussi parle de la seconde guerre mondiale et pour traduite un texte en yiddish se rend sur « un des lieux du 20e siècle où l'irréparable avait été immense », Auschwitz. Une immersion d'où il rapportera un « vol sacrilège », un boulon d'une voie de chemin de fer, parce que ce petit morceau de métal avait pour lui la forme d'une lettre hébraïque. Ces deux narrateurs vont se croiser, sans se parler, et racontent au lecteur chacun une histoire, qui n'en fait qu'une. C'est la magie de De Luca, mettre les forces telluriques dans ses mots. On tremble, on souffre et je suis subjuguée par la beauté de ses mots, de la manière dont il me permet de voir ''ses lettres''. Ce livre pourrait fournir des citations en nombre infini car sa prose est l'infini, tout comme la nature dans laquelle, nous, petit être humain, ne sommes qu'au balbutiement de la compréhension plus globale que cet auteur nous aide à appréhender.
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Deux narrateurs dans ce court récit de mon écrivain italien préféré. le premier s'est rendu à Aushwitz et Birkenau 50 ans après la shoah et en est revenu totalement bouleversé. A tel point qu'il a décidé d'apprendre le Yiddish, une langue moribonde : « le Yiddich a été mon entêtement de colère et de réponse. Une langue n'est pas morte si un seul homme au monde peut encore l'agiter entre son palais et ses dents, la lire, la marmonner, l'accompagner sur un instrument à cordes ». Alors qu'il est en train de travailler à la traduction en italien d'une nouvelle d'Israel Joshua Singer, frère du prix Nobel Isaac Bashevis, son regard croise celui d'une femme et d'un homme, attablés dans le même restaurant que lui. Une fille et son père. Elle sera la narratrice de la seconde partie du récit et expliquera que son père est un criminel de guerre nazi caché depuis des années sous un uniforme de facteur autrichien. Un criminel qui, en voyant dans le même lieu que lui une personne lisant des feuilles couvertes de caractères hébraïques, va se sentir menacé...


Encore et toujours la plume sensible et délicate de De Luca. Elliptique aussi, le texte se présentant sous forme de courts paragraphes, comme autant de petites touches qui composeront le tableau final. Un tableau dont la mémoire et la responsabilité sont à l'évidence les thèmes centraux.


La voix de la jeune femme est d'une justesse bouleversante. Elle raconte son histoire, ce père qu'elle a longtemps cru être son grand-père et avec lequel elle vit depuis toujours. le vieux nazi n'a qu'un seul regret, celui d'avoir perdu ; « je suis un soldat vaincu, tel est mon crime. le tort du soldat est la défaite. » de son coté, elle voit les choses aussi simplement que sincèrement : « Je n'avais rien à voir avec sa vie d'homme caché, je m'étais simplement occupé de lui. »


Mais une telle vie aura forcément influencé sa relation aux hommes : « Je crois avoir été une bonne fille. J'ai pris soin d'un vieux père. J'ai respecté sa vie caché, je ne l'ai pas dérangé par un mariage. Je n'ai pas été une religieuse, je n'ai pas pratiqué la chasteté. J'ai attendu des hommes les mains qui, enfant, m'allégeaient en me mettant sur un lit d'eau et de doigts. Aucun ne m'a comblée. Ils pénétraient par poussées, plongeaient en moi qui nageais sur le dos sous le lest de leur corps. [...] Aucun garçon, aucun homme n'avait atteint la surface où battent mes palpitations. Ils avaient plongé leurs corps dans mes entrailles, ils m'avaient creusée par leurs étreintes. Mais ma vie était sur ma peau, mon sens majeur était le toucher, qui a son siège partout entre la tête et les pieds. »


Un long extrait qui souligne la beauté de la prose de De Luca. Je ne suis pas objectif parce que je suis fan de cet écrivain, tout à fait fan. Mais avouez quand même que sa petite musique laisse en bouche un goût délicieux...
Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Deux voix, deux récits pour une même histoire.
Dans un restaurant des Dolomites où il a ses habitudes, le premier narrateur travaille sur les traductions d'un texte en yiddish, langue qu'il a apprise pour rendre hommage aux victimes de la Shoah.
A la table voisine s'installent un criminel de guerre et sa fille.
C'est cette dernière qui prend la parole dans la seconde partie du roman pour nous raconter l'histoire de son père, un homme sans remord, pour qui le seul tort est d'avoir perdu la guerre.
Un livre bref, comme toujours chez De Luca, mais un livre poignant qui fait réfléchir sur les grandes tragédies et sur la notion de culpabilité.
Un texte bien différent des deux livres que je connais de cet auteur : « le poids du papillon » et « les poissons ne ferment pas les yeux », mais une fois de plus, ce fut un merveilleux moment de lecture.


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Quel étrange petit roman. Petit parce que court, 87 pages. Mais grand par le contenu.
Un homme, traducteur, traduit le yiddish par amour de cette langue.
L'autre, ancien nazi, lit la kabbale pour comprendre quel a été le tort des siens pour avoir été vaincus.
C'est un livre singulier. le début m'a semblé un peu étrange, mais on entre vite dans l'histoire pour vite réaliser que c'est aussi un livre intense..
Avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse, de belles phrases poétiques, des réflexions profondes, Erri de Luca nous plonge encore une fois dans un univers connu mais qu'il sait rendre particulier.
Tout cela mériterait une relecture.
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Voilà un récit magnifique, court et merveilleusement écrit qui nous invite à réfléchir sur la puissance de la mémoire, sur les notions de culpabilité, de vérité, de responsabilité, sur l'histoire avec un grand H.
Il est construit par deux narrateurs,le premier, l'écrivain, Erri de Luca qui a appris le yiddish et traduit des textes yiddish:
"Le yiddish a été mon entêtement. J'ai voulu l'apprendre à mon retour des commémorations du cinquantenaire du ghetto de Varsovie: avril1943, avril 1993, j'ai traduit du yiddish le Chant du Peuple Juif Assassiné de Yitskhok Katzenelson...les insurgés du ghetto tentaient de sauver les poètes et les écrivains"...Enfant , Erri de Luca, ne jouait pas...il lisait....
Le deuxième narrateur est une jeune femme, la fille d'un ancien criminel de guerre Nazi, qui après s'être réfugié en Argentine, revient dans son pays natal avec un nouveau visage et une autre identité......
La jeune fille apprendra tard la véritable identité de son père, elle a longtemps cru que c'était son grand- père, du jour où elle l'a appris elle ne touchera plus les mains de son père..
Elle raconte cet homme sans remords,persuadé jusqu'au bout que : "le seul tort du soldat c'est la défaite, "il avait abandonné son humanité en revêtant l'uniforme nazi "

La jeune femme va alors se passionner pour la culture juive, le narrateur va la rencontrer par hasard? Dans une auberge.......
Deux récits juxtaposés donc,l'un ,l'amour infini de la Culture et de la Langue Yiddish, de l'autre côté la voix de la jeune femme, juste et bouleversante, aux prises avec un destin compliqué, tellement apeurée de transmettre les gènes de son père qu'elle se fera stériliser....
C'est tout l'art de Erri de Luca de chuchoter ses mots, ses mots directs, forts,sans fioritures, comme s'il nous regardait dans les yeux tel un conteur né!
C'est une plume délicate et sensible où la mémoire et la responsabilité ont une place de choix!
Un texte que l'on aurait envie de citer tellement les mots affleurent , nous percutent et résonnent en nous d'une manière universelle!
Je pense que ce texte réunit une grande part des obsessions qui parcourent l'oeuvre et la vie de ce Grand Écrivain Italien, je reconnais que je ne suis pas objective car j'aime beaucoup Erri de Luca!
Ses écrits ne me laissent jamais indifférente!


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Un traducteur du yiddish s'installe dans un café avec des photocopies de nouvelles d'Israël Joshua Singer à traduire. A la table voisine une jeune femme et son père son installé. Il ne le sait pas, mais cet homme est un ancien criminel de guerre.
Les deux sont liés, à leur façon par le judaïsme. L'un bouleversé par L Histoire a appris le yiddish pour transmettre la mémoire de ceux qui ne sont plus à la postérité. Tandis que l'autre s'est mis à une étude frénétique de la kabbale et autres mystiques juives pour trouver une explication rationnelle à la chute du nazisme et au destin des juifs.
Les deux récits se croisent avec le point de vue du traducteur et celui de la jeune femme.

Ce très court roman est tout simplement un petit bijou. de la justesse, du mystère, de l'émotion et surtout : l'amour des langues et de la littérature ! Voilà un livre qui a fait remonter quelques livres en haut de ma PAL (avec les frères Singer, notamment).
Le tour de force de ce roman (ou de cette novella, étant donné le format) c'est que ce n'est pas un énième roman sur la Seconde Guerre mondiale et/ou le nazisme. Pas du tout !
C'est une méditation des personnages qui poussent également le lecteur à la réflexion sur des thèmes tels que la mémoire, la justice, la (difficilement définissable) vérité et bien d'autres. Et en peu de mots, tout est dit, comme par exemple ici :

" C'était un des lieux du 20° siècle où l'irréparable avait été immense. Aucune justice ultérieure, aucune défaite des responsables ne pouvait égaler la damnation commise. Il existe un seul du crime au-delà duquel la justice est moins que du papier toilette."

C'est un exemple parmi bien d'autres qui ne rend certainement pas justice à cette pépite ni à Erri de Luca.
Il faut le lire, tout simplement.
Puis le relire.
Et pour les plus curieux et enthousiastes, lire Isaac Baschevis Singer et les poèmes habilement cachés et retrouvés de Yitskhok Katzenelson.
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Deux narrateurs se succèdent : un vieil homme amoureux de la langue yiddish dont il est traducteur, puis une femme plus jeune qui évoque son enfance et la vie de son père un ancien criminel de guerre allemand.
Ces trois personnages se croisent par hasard dans une auberge. Bien que la connaissance du trouble passé du père ne soit pas partagée entre eux, cette rencontre ne reste pas sans conséquences.

Les crimes nazis sont ici abordés de manière originale, surtout du point de vue de la fille d'un criminel sans remords. La concision du récit (87 pages) facilite sa lecture.
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Que Erri de Luca nous emmène dans les montagnes aux côtés de bêtes sauvages (Le poids du papillon) ou dans cette histoire au lourd secret de famille, peu importe ! La magie opère toujours.
Son talent de poète-narrateur nous invite à une lecture engagée, passionnée. Nous nous retrouvons à un moment donné de notre rencontre avec ses personnages à la rencontre de nous-mêmes.
Ses récits sont des romans. Et pourtant une part de nous est toujours titillée, interrogée, malmenée ou sublimée.
De Luca saurait expliquer cela avec de bien meilleurs mots, de bien plus belles images que moi. Moi, je peux le résumer ainsi : Peu importe le sujet, cet auteur, sa plume, sa poésie me touchent et m'émeuvent. Profondément.

Je suis entrée dans le tort du soldat à reculons. Il faut dire que des livres liés à la seconde guerre mondiale, j'en ai lus ces dernières années. Trop, peut-être.
Et voilà que ce roman m'embarque ailleurs. Evidemment que la guerre est présente mais pas comme je l'avais imaginé.
Ici, c'est l'histoire d'une femme qui découvre brutalement le mensonge de ses parents quant à l'identité de son père et donc, à son identité propre.
C'est l'histoire de ses choix de vie, de ses choix d'âme.
C'est l'histoire des souvenirs bienfaisants de l'enfance qui remontent en surface au moment où la femme adulte cherche son chemin.
C'est l'histoire qui invite le lecteur à se poser la question : "Et moi, qui suis-je ?"
J'aime savoir que Erri de Luca a écrit de nombreux livres. Il me reste encore de magnifiques moments de lecture à vivre dans son univers !
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Les romans d'Erri de Luca sont toujours déroutants. Il est bien regrettable que tant de critiques gâchent l'effet de surprise en révélant l'intrigue et les effets à l'avance.
Je m'en garderai bien. Je ne garde qu'un seul indice : le titre.

Quel est le tort du soldat? Est ce d'avoir oublié de boutonner ses guêtres ? de se défiler pour la corvée de patates? Est-ce de déserter, de torturer ses prisonniers, de désobéir aux ordres?

Ou est ce tout simplement d'avoir choisi le métier des armes? de se destiner à tuer sans états d'âme ?

Le soldat exécute. Au propre et au figuré. Il est payé pour ça.

Dans une guerre moderne, le soldat est celui qui risque le moins de se faire tuer. Il y a beaucoup plus de victimes civiles, bombardées en masse, exposées aux massacres, aux viols, à la ruine, à l'exil, à la faim, aux épidémies.
Est-ce donc ça, le tort du soldat ? de ne pas être tué ?

On pourrait en trouver d'autres, des torts. le soldat est il responsable des guerres? Est il coupable, celui qui lâche ses bombes sur des villes et des villages ? Celui qui tire des milliers de balles, qui lance des grenades, qui pose des mines?

Ce sont les questions que je me suis posées.
À vous de trouver la réponse.
Ce ne sera sans doute pas la même que celle du soldat dont parle ce livre.
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L'auteur nous offre un texte sublime de fluidité. Si l'intrigue apparaît rapidement un peu légère, le roman est porté par un style flamboyant et par la profondeur de la réflexion de l'écrivain. Ce texte court et composé de deux parties. L'une raconte le travail de cet écrivain et ses rapports avec le yiddish. L'homme s'isole pour travailler dans une petite auberge située dans la région des Dolomites. Dans cet établissement, il croise un couple, un père et sa fille. L'homme est un criminel Nazi en fuite. La deuxième partie du récit raconte l'histoire de cette famille et de ses secrets. L'auteur évoque cette relation étrange et tendue entre le criminel de guerre et son enfant devenue adulte. Au passage, il aborde la position ambiguë de l'Allemagne d'après guerre jusqu'à nos jours sur la question de la Shoa.
Lien : http://blogdecyrilleamiel.ov..
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