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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Après Viviane Elisabeth Fauville et sa dinguerie, voici la famille Lestir et leur ami banquier Alexis pris dans la tourmente d'une organisation secrète, Sigma, qui veille à ce que le monde reste monde au sens où les puissances économiques l'entendent et qui s'emploie à tuer dans l'oeuf toute velléité de changement que ce soit dans l'art ou dans les discours égalitaires d'un professeur d'université.

C'est subversif, conté sur un mode épistolaire (les rapports à l'organisation Sigma) et c'est ma foi bien foutu.

J'en suis sortie aussi désorientée que ma précédente lecture mais avec la très nette impression que l'auteure avait mieux maîtrisé le sujet ou simplement étais-je plus en phase.
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La redoutable Organisation Sigma est en alerte. Une toile majeure de Konrad Kessler, un peintre séditieux va bientôt être dévoilée au public.
Quatre « cibles » évoluent sous l'oeil implacable des agents zélés, dont les rapports détaillent à Sigma le moindre de leurs faits et gestes. Pas de souci. Tout est sous contrôle.
J'ai découvert Julia Deck à travers son deuxième roman, « Le triangle d'hiver », qui m'avait plu énormément.
Dans la foule des oeuvres que nous offre la rentrée littéraire, je remarque immédiatement sa présence. Évidemment, cela pique ma curiosité. J'ouvre le livre. Je suis surprise. « Sigma » et très différent du précédent. Julia Deck s'attaque ici à l'espionnage, un domaine dans lequel je ne connais rien.
D'entrée de jeu, l'attention du lecteur est attirée par une liste de personnages, dont les uns appartiennent au groupe des « cibles », les autres à celui des « agents ».
Quatre parties divisent une histoire qui nous est révélée à travers des rapports qu'échange l'Organisation Sigma en interne, fournissant des informations émanant du bureau « opérations helvétiques » au département « direction exécutive » et, en externe, avec ses quatre sbires.
Aussitôt, le lecteur est averti : une « oeuvre disparue du peintre Konrad Kessler referait surface aux alentours de Genève ». Or, Sigma est très attentive et « tente de contenir l'influence de cet artiste subversif », car « la réapparition d'une pièce maîtresse risque d'augmenter encore son pouvoir de nuisance. »
Les questions se bousculent. Qui est ce fameux Konrad Kessler et qu'a-t-il bien pu machiner de si dangereux ? Ne serait-ce pas une oeuvre qui pousse à … REFLECHIR ? Inacceptable, en effet ! Sigma n'aime « pas beaucoup les idées ».
Deux univers me viennent à l'esprit. Celui de Stanley Kubrick, qui, avec « Orange mécanique » va « reconditionner » Alex, le forçant à visionner des films en écoutant de la musique classique à plein volume. le personnage principal de Julia Deck s'appelle Alexis et connaîtra une expérience du même type. Serait-ce par hasard ?
L'autre est le monde effrayant imaginé par George Orwell dans « 1984 ». Big Brother y tient à l'oeil tous ceux qui pourraient avoir l'outrecuidance de penser par eux-mêmes, donc, de se révolter. Impensable.
C'est à travers des rapports rédigés par les agents qu'on découvre l'histoire et les différents personnages qui évoluent sous le regard faussement débonnaire de ceux qu'ils prennent pour leurs assistants, des conseillers, des amis, peut-être, mais qui, en réalité, ne perdent pas une parole, pas un geste, qui seront aussitôt transmis à Sigma.
D'autres modes narratifs sont aussi utilisés épisodiquement pour compléter ces informations : interview de Pola Stalker par un journaliste de Paris Match, discours que le professeur Lothaire Lestir prononce au « sommet mondial de la société internationale de neurosciences », ou encore un chapitre présenté comme une scène de théâtre avec dialogues et didascalies, puisque les « cibles » se sont retrouvées sans leurs assistants et sont donc observées par des mouchards électroniques. Enfin, un extrait du catalogue publié par la Galerie Elstir à l'occasion de la rétrospective Kessler, nous en apprend un peu plus sur ce mystérieux artiste, si dérangeant.
On est également déstabilisé par le temps. Chaque communication est présentée de manière très précise : date avec jour, mois, heure, ne manque que l'année. Sommes-nous à notre époque ? Dans un futur indéterminé ?
Julia Deck ne laisse rien au hasard. Je pense qu'elle a choisi avec beaucoup de soin le nom de ses personnages. L'agent le plus zélé et efficace est, sans conteste, la secrétaire d'Alexis Zante, Béatrice Bobillard. Ses initiales me renvoient à Big Brother. Elle n'est pas la seule dont nom et prénom commencent par la même lettre : Sarah Sirvin, Elvire Elstir, Lothaire Lestir, Olga Ostrovski, et, bien sûr, Konrad Kessler sont dans le même cas. le couple Zante nous offre une vision de l'infini. Ils ne sont pas l'alpha et l'oméga, mais, de A à Z, puisqu'ils se nomment Alma et Alexis.
J'ai relevé, ici et là, quelques allusions à la littérature, plus précisément au théâtre. « Je crois que un et un font deux », profère Mme Bobillard, faisant écho à Dom Juan qui affirmait : « Je crois que deux et deux font quatre ». Quand Alexis décrit sa secrétaire, c'est « un pic, un roc », ce qui évoque la célèbre tirade des nez de Cyrano de Bergerac. N'oublions pas le plus évident : la galeriste Elvire (dont le prénom n'est autre que celui de l'épouse de Dom Juan, mentionné plus haut) a choisi comme pseudonyme celui d'Elstir, le célèbre peintre de la « Recherche du temps perdu ».
Évidemment, le septième art n'est pas oublié. Pola Stalker, l'actrice, s'appelle, en réalité , Pauline Marceau, ce qui, inévitablement, fait songer à Eric Rohmer, très présent dans « Le triangle d'hiver ». le prénom figure celui de « Pauline à la plage », le nom, celui de Sophie Marceau, dont un critique, parlant de son rôle dans « Une rencontre » ((Liza Azuélos), s'indigne d'y déceler un  « pompage éhonté de « L'amour l'après-midi ». Pola explique avoir choisi le nom de « Stalker », « en hommage au film d'Andrei Tarkovski », dans lequel il est question d'une chambre secrète. Tiens, tiens...Serait-ce sans rapport avec le mystérieux pavillon d'Alexis Zante ?
Tout le récit parodie romans et films d'espionnage, auxquels, sans doute, l'auteur fait des allusions qui m'auront échappé, à moi qui suis une parfaite béotienne dans ce domaine.
Julia Deck évoque les idées (nouvelles ou pas) qui effrayent, et Sigma s'évertue à faire taire ceux qui prétendent nous pousser à réfléchir. Ainsi, l'art est dangereux, dans la mesure où c'est lui qui fait émerger l'homme de son état primitif. (Une pensée japonaise précise que « le premier homme de la préhistoire qui sortit de l'animalité fut celui qui se pencha pour cueillir un bouquet de fleurs ».) L'originalité est appréhendée par toutes les dictatures. le régime nazi tentait d'éradiquer ce qu'il appelait « l'art dégénéré ». Tous ceux qui prétendent nous extraire de notre confort routinier sont suspects. En 1863, un « Salon des refusés » accueille ceux qui avaient été éjectés de l'exposition officielle, réservée aux peintres qui respectent les normes.
Aussi, Alexis Zante se détourne-t-il de l'univers rassurant des chiffres et des placements bancaires pour se plonger dans la contemplation d'une petite toile rouge (qui me rappelle les oeuvres de Rothko), devant laquelle il médite, sa couleur évoquant ,en même temps, la sécurité de l'amour et l'effroi de la guerre et du sang.
Les deux tons de prédilection de Konrad Kessler ne sont-ils pas le rouge et le blanc, ceux du drapeau suisse ? Est-ce par hasard ?
Je suis sûre que je n'ai pas tout compris, ce qui n'empêche pas ce roman, court, mais riche et dense, de m'avoir séduite.
C'est pourquoi j'adresse à nouveau un merci très sincère à l'Opération Masse critique et aux éditions de minuit qui m'ont procuré ce plaisir.
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Souvent présenté comme un roman d'espionnage, ce roman peut décevoir ceux qui s'attendent à une intrigue à la Ian Fleming. Pour moi c'est plutôt un roman sur l'art, sur les arts, et en particulier la littérature, le cinéma, le théâtre et la peinture.
Certes, Sigma est une organisation qui place des agents auprès de personnages clés mais s'ils les espionnent, c'est avant tout dans le but de les influencer dans leurs décisions et dans leurs actions. Rien de spectaculaire, donc, pas de scènes torrides, pas de courses-poursuites, pas d'armes (quoique, si, une seule), et encore moins de bagarres. Ce serait peut-être donc un "anti" roman d'espionnage ?
L'objectif de Sigma est de faire en sorte qu'un tableau que l'on croyait disparu et qui a l'étrange pouvoir de rendre ceux qui le regardent indifférents à toute autre chose, que ce tableau soit exposé, expliqué, placé bien en vue dans une galerie afin qu'il soit ainsi vidé de son pouvoir hypnotique. Celui qui possède, et cache, ce tableau est un banquier Suisse du nom d'Alexis Zante, qui n'arrive plus à s'intéresser à son travail et qui a des réactions de plus en plus étranges et inadaptées envers les gens de son entourage. L'organisation va-t-elle parvenir à neutraliser l'effet du tableau ?
Julia Deck s'amuse avec les codes des différents genres narratifs : on trouvera ici des compte-rendus d'espions qui ressemblent plus à des journaux intimes ou à des lettres façon Liaisons dangereuses, un interview de type Paris Match, une conférence sur le rôle de l'orgasme dans l'égalité hommes-femmes (il fallait oser !), une scène de pièce de théâtre, et il y a sans cesse des clins d’œil amusants et des références qui font sourire ou qui interpellent. Par exemple, Elvire Elstir, la galeriste, porte le même nom que l'un des personnages de La Recherche du temps perdu, ce peintre considéré comme idéal et parfait. Elvire Elstir est mariée à Lothaire Lestir, dont le nom est donc l'anagramme de celui de son épouse, et qui est un chercheur totalement aux antipodes des préoccupations artistiques de sa femme.
Rien ne semble avoir été laissé au hasard, Julia Deck maitrise son propos et son style. Mais justement, tout est peut-être un peu trop calculé, un peu froid, manquant de spontanéité. Et de ce fait, on ne s'attache à aucun des personnages, (j'en ai même confondus certains pendant tout le début de l'histoire), ce que je trouve vraiment dommage pour un roman...
J'ai bien aimé l'originalité de ce roman, et ces jeux avec les différents styles, mais je me demande si, finalement, ce roman n'a pas été plus plaisant à écrire qu'à lire ?
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Julia Deck nous parle d'art dans Sigma, mais surtout de la façon dont cet art peut transformer les rapports de la société qui gravite autour. Elle nous plonge alors dans une affaire d'espionnage autour d'un tableau interdit et convoité. L'écriture est toujours précise, rapide. le sujet est traité avec moults références qui révèlent une bonne connaissance. Quelques digressions autour d'exposés plus scientifiques, une petite plongée dans les stratégies vulgarisées de l'espionnage, même un petit passage de répliques théâtrales ; voilà de quoi ne pas s'ennuyer...Plusieurs passages descriptifs où j'ai senti tout le plaisir que prend cette auteur à manipuler la langue française, plaisir que je partage.
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Sigma est une organisation mondiale, ramifiée et avançant ses agents comme des pions sur un échiquier géant. Son but ? Rechercher et maîtriser l'impact de l'art sur la population mondiale. Cette histoire s'attache à retrouver une oeuvre de Konrad Kessler et place les personnages dans une Suisse déconnectée du réalisme de la vie. Chacun est rongé par ses obsessions et tente de nouer avec d'autres des relations qui pourraient mener à la quête ultime. Mais qui est qui ? Agent ? Simple protagoniste ? Pour qui oeuvrent-ils réellement ? Qui tire(nt) les ficelles ?

Sigma est une histoire racontée de manière peu banale. le choix de Julia Deck de dévoiler les dessous de l'Organisation (secrète vous l'aurez compris) Sigma au travers de rapports d'agents crée l'impatience de connaître l'avis de chaque personnage. C'est pétillant, ponctué de situations drôles où pèse un embarras né de rencontres "malencontreuses". Une belle découverte pour la rentrée littéraire.
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Sigma est une organisation secrète qui place ses agents auprès de personnalités d'influence en vue de missions plutôt obscures. La première d'entre elles consiste à neutraliser l'influence néfaste d'un peintre en retrouvant une de ses toiles disparues et en la diffusant auprès du plus grand nombre : la diffusion diluera l'obsession que provoquent ses peintures. Les missions sont toutes plus ou moins farfelues et insignifiantes. Et au fil des pages, les agents révèlent les petits travers de leurs cibles qui sont pour nous les personnages principaux de l'histoire.
La forme du récit est également originale. La suite de rapports et d'ordres de mission entre les agents en activité sur le terrain et le groupe Sigma est agréable à lire et permet d'alterner les points de vue et d'avoir une vision complète des activités de Sigma à Genève.
L'histoire est inventive et le ton drôle. Une réussite que je recommande aux amateurs de la série des falsificateurs d'Antoine Bello.
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J'ai été bien désarçonnée par le style de ce roman. du moins lors des premières pages pour ensuite être totalement conquise ! Conçus comme un condensé de rapports d'espionnage, ce roman est l'un des plus originaux qu'il m'est été donné de lire depuis longtemps. Une fois le style devenu familier c'est tout le génie de l'auteur qui apparait. L'idée de cette organisation secrète (sigma) déployée dans le but de contrôler la vie des citoyens, notamment en leur évitant toute nuisance (présumée par l'organisation elle-même)
C'est alors que se déploie le théâtre dans lequel interagissent plusieurs personnages, tous affublés de leur propre espion (souvent sous la couverture d'un ou d'une assistante). Car tout ce beau monde fait partie de l'élite (cinéma, science, finance...)
Le fond de l'histoire, basé sur la disparition d'une oeuvre d'art est fantastique. Elle n'est pas sans rappeler d'ailleurs la pièce de théâtre de Yasmina Reza, "Art"... Je n'en dis pas plus pour ne pas gâcher le dénouement de l'intrigue. Sigma est un grand roman, d'une construction et d'une audace rare. Un petit bijou d'intelligence et d'ironie !
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Révélation de la rentrée littéraire 2012 avec son premier livre, Viviane Elisabeth Fauville, policier puzzle à l'écriture limpide, Julia Deck, émule de Jean Echenoz, passe avec le même bonheur et la même virtuosité à un récit aux confins de l'espionnage et de l'anticipation. Avec ce nouveau roman au titre énigmatique de Sigma, elle nous livre une oeuvre atypique profonde et d'une élégance rare.

Sigma est le nom d'une organisation secrète qui lutte contre l'apparition de toute pensée jugée subversive et tisse un réseau souterrain d'espions dépêchés pour traquer et surveiller leurs cibles. Lorsque celle-ci apprend qu'une oeuvre disparue du peintre Konrad Kessler serait sur le point de refaire surface aux alentours Genève, l'organisation secrète envoie ses meilleurs agents pour tenter de repérer l'oeuvre pernicieuse. L'objectif ultime de l'organisation serait d'exposer l'oeuvre dans le cadre neutre et aseptisé d'un musée. Officialisée dans une institution reconnue, sa puissance serait anéantie, et personne n'y serait tenté d'y voir un « instrument de pensée ou d'action dommageable à la cohésion publique ».

Au sein d'une société qui masque une violence diffuse sous un aspect prospère et lisse, l'organisation secrète tire discrètement les ficelles. Mais qui est réellement Sigma, et que peut bien représenter cette oeuvre enveloppée de mystères ? Julia Deck nous plonge dans une traque haletante, sous forme de vaudeville et de thriller, et nous offre un roman décalé et jubilatoire.

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Roman sélectionné par ma librairie (La Galerne, Le Havre) pour son jury de lecteurs, je l'ai lu grâce à ma participation à ce jury : c'est certainement un livre vers lequel je ne serais pas allée spontanément, les thèmes abordés, l'art et l'espionnage, n'étant pas mes thèmes de prédilection.
Au départ, j'ai eu un peu de mal à m'intéresser à l'intrigue, je restais en attente, découvrant peu à peu des personnages complexes. Puis, au bout d'environ 80 pages, je suis peu à peu entrée dans cette intrigue et me suis prise au jeu. Dès lors, j'ai « avalé » la suite du roman avec envie et curiosité.
Ce roman est construit par l'enchaînement de notes et courriers échangés entre les instances administratives de l'Organisation SIGMA et ses agents infiltrés chargés de soustraire au public une oeuvre d'art jugée « dangereuse », subversive, susceptible de troubler l'ordre social. Tout se joue en Suisse autour de Genève à la croisée des univers des marchands d'art, des collectionneurs, des banquiers, et du cinéma. Plus qu'aux aspects financiers, ce sont les questions de l'influence des oeuvres d'art sur l'équilibre social qui sont évoquées et sur la nécessité, ou non, d'avoir une instance « régulatrice » qui décide de ce qui doit être ou non montré, expliqué.
L'auteure, par une construction savante, nous présente un réseau de personnages tous impliqués et manipulés par des agents de SIGMA, dans la redécouverte d'un tableau qu'on croyait disparu, une oeuvre du peintre Kessler. Chacun veut se réapproprier cette oeuvre alors que la mission de Sigma est d'écarter cette oeuvre, de la soustraire à la lumière pour l'empêcher de nuire.
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