Que d'émotions!
Grégoire Delacourt ne laisse pas le lecteur respirer ; il enchaîne les phrases courtes qui pétaradent quand les Gilets Jaunes manifestent leurs colères, quand Bakki et Lizul, les frères de Djamila, font exploser leur rage, quand le jeune Geoffroy en perte de repères, exprime ses désarrois, quand les petits loubards agressent la jeune fille et l'enfant, quand le désespoir et le découragement envahissent Pierre...
Tout au long de ces chapitres ... Jaune, Bleu, Dziran, Jonquille, Couleur d'Orange ... aux titres des couleurs des Gilets (jaunes !), des murs des chambres de l'hôpital, de la colère, de la peur, du Chardonnay, des arbres de la forêt, du filet de cabillaud dans l'assiette, des fleurs des bois, des yeux de Djamila, d'un habit informe , d'un incendie... défile la vie :
-la vie de Louise, infirmière en soins palliatifs, qui accompagne ses malades vers le grand départ, avec patience, dévouement et amour, et qui doit lutter chez elle avec son enfant différent et un mari qui s'éloigne,
-la vie de Pierre, son mari, désespéré, ex-vigile à Auchan au chômage, qui voit partir en vrille sa vie d'homme, de travailleur, d'époux, de père d'un fils qu'il ne parvient toujours pas à comprendre,
-la vie de Djamila que ses frères veulent emprisonner sous un "djilbab",
-la vie des Gilets Jaunes au bout du rouleau,
-et surtout la vie de Geoffroy, cet enfant différent qui a du mal à comprendre le sens figuré des choses, qui prend toujours tout au premier degré, qui ne sait ni mentir ni plaisanter et dont la tête se remplit violemment de bruits qui le terrassent lorsque la moindre contrariété survient dans son monde où tout doit être réglé, compté, mesuré. Geoffroy, incapable d'extérioriser la moindre émotion et qui ne montre aucun "gemüt" (ce mot allemand qui recouvre "l'entièreté de la vie psychique de l'homme, à la fois son coeur et son entendement")
Geoffroy qui va pourtant s'attacher à Djamila...