À la pointe de son épée d’académicienne, Florence Delay signe « Zigzag ». Ni roman ni essai, ni poème ni tragédie, ce petit bijou est l’un de ces « calmes blocs chus d’un désastre obscur », un « ovni » qui traversera l’histoire de l’Académie, comme elle-même et Jacques Roubaud l’avaient prévu dans « Graal Théâtre ».
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Ce qui s’est passé là est assez ruineux. On aura désormais à l’intérieur de la même langue une culture populaire et une culture savante. Heureusement, il y a Jean de La Fontaine qui, épris d’antiquités nationales, ne refuse ni les avionnets ni les ysopets, ni la succession d’Avienus ni celle d’Ésope, tout en constatant : « Aujourd’hui on veut de la nouveauté et de la gaieté. » Le goût du public est aux genres courts, cela tombe bien, le sien aussi ! À moins que ce ne soit lui qui ait rendu le Petit Véhicule plus plaisant que le Grand… le bref plus gai que le long.
Être étonné, à l’origine frappé par le tonnerre, est le début, comme on sait, de toute science, de toute pensée. La pensée aussi vieillit. On a tendance à l’oublier parce qu’elle vieillit beaucoup moins vite que les humains qui la pensent. Elle vieillit moins vite à cause des relais qui se la passent de siècle en siècle, comme la flamme dans les marathons ou les nouvelles que se transmettaient en courant d’un bout à l’autre de l’Empire inca les coureurs télégraphes d’avant Edison.
La forme brève, dans la nature, est l’éclair : lumière intense et brève provoquée par une décharge électrique. On dit de l’éclair qu’il zigzague parce que le typographe du ciel y dessine, pendant l’orage, la dernière lettre de notre alphabet. Sur terre, bien des formes brèves, en prose comme en poésie, aspirent à son éclat : maximes, épigrammes, haïkus, aphorismes (définis « haïkus de la pensée » par Steiner), khardjas, proverbes, adages, et j’en passe.
Ce n’est pas le fusil qui est la raison d’être de la balle, mais la balle celle du fusil. On n’a pas fait la balle pour le fusil mais le fusil pour la balle. On n’a pas fait la raison pour la déraison, il est vrai, mais on a fait ou l’on fait la déraison pour la raison : pour lui creuser un lit, pour donner sens, direction et but à la pensée, aux explosions les plus dangereuses parce que les plus vives de la pensée.
L’amour d’une vierge est aussi assommant qu’un appartement neuf. Il semble qu’on essuie les plâtres. Il est vrai qu’on n’a pas à redouter les germes maladifs, pestilentiels, d’un autre locataire.
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Comme un qui s'est perdu dans la forêt profonde : sonnets
Étienne Jodelle
Édition d'Agnès Rees
Préface de Florence Delay
Éditeur Gallimard
Collection Poésie, n° 574
« Étienne Jodelle, ce nom ne vous dit sans doute pas grand-chose et pourtant il s'agit d'un des sept membres de la Pléiade, ce groupe de poètes constitué autour de Pierre de Ronsard et Joachim du Bellay. Un des derniers numéros de la collection Poésie chez Gallimard nous donne à le découvrir avec ce très beau recueil de sonnets avec ce titre superbe : Comme un qui s'est perdu dans la forêt profonde. Ce sont des sonnets, surtout des sonnets d'amour, mais aussi des sonnets politiques, des sonnets religieux... »
Guillaume, libraire à La Procure de Paris
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