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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Parfois dans nos existences éphémères, nous faisons naufrage, il me semble qu'alors les livres, - peut-être la poésie en particulier, forment comme des bouées ultimes, nous empêchant de sombrer corps et biens.
Corps et biens, les mots tanguent, les mots chavirent, les mots m'enivrent, je ne saurais dire autre chose que le puits qui se penche sur moi, que le rivage qui m'atteint, que le sable dans lequel je m'engouffre et qui s'engouffre en moi, sable qui laisse des traces sur moi et sur lequel je tente de laisser à mon tour quelques traces de ce que je ne serai jamais...
La poésie me permet juste de respirer, pas plus que cela, peut-être qu'en m'arrachant de mon quotidien elle m'aide à autre chose, mais je ne saurai pas ce soir poser les bons mots sur ce ressenti. Si je vous dis de manière un peu primaire qu'elle me sauve parfois du désastre du monde, serez-vous satisfait de cette réponse simpliste et peut-être un peu prétentieuse ou surfaite ? Pourtant, certains poèmes ont un effet dévastateur sur ma personne et me font regarder le monde avec les yeux d'un caméléon totalement affolé contemplant un arc-en-ciel...
Corps et biens, Robert Desnos joue avec les mots avec tant d'intelligence et de grâce que nous voudrions à jamais jouer avec lui, être toujours dans cette apesanteur des mots, leur cocasserie, ce n'est pas leur légèreté qui s'impose ici, ce sont les mots mêmes qui s'assemblent et se ressemblent pour toujours...
« Les mûres sont mûres le long des murs
et des bouches bouchent nos yeux. »
Ou bien encore :
« Dormir.
Les sommes nocturnes révèlent
la somme des mystères des hommes.
Je vous somme, sommeils, de
m'étonner
et de tonner. »
Corps et biens, la poésie est autant un chant de bonheur qu'une plainte, ici j'ai ri et été touché par la puissance et la facétie des mots...
Corps et biens, lire cela c'est entendre une voix, peut-être celle justement qui nous parvient de loin, elle a cent ans cette voix, elle s'entend cette voix, elle vient à nous, elle nous est chère, elle nous est si proche, chaleureuse, pressante, persuasive, caressante, fragile... Cette voix fut un jour enfermée dans un camp de concentration. Cette voix aima aussi une femme et le lui dit...
J'aime Robert Desnos comme la femme qui me l'a fait découvrir, dont j'étais amoureux. Pour me consoler de ne pas m'aimer en retour, elle me transmit un des plus beaux et des plus célèbres poèmes de ce cher poète qu'elle aimait tant...
Ce poème avait une histoire et ce soir-là elle me révéla son histoire, connu de tous bien sûr, connu par le vertige universel qui unit les femmes et les hommes qui adorent les poètes, mais moi j'étais novice, je ne savais rien de cela, elle eut des gestes tendres, des gestes d'amitié comme en échange de quelque chose qui ne viendrait jamais, des gestes consolatoires et des mots aussi, puisque les mots servent bien à cela, n'est-ce pas ?
Elle me le récita par coeur. Je savais que c'était la première fois qu'elle le disait à un homme. Elle me le disait pour me dire adieu, ou au revoir, ou à bientôt, ou du moins peut-être jamais, ou peut-être toujours, mais d'une autre manière. Chaque fois que je relis ces vers, je pense à deux choses qui m'étreignent...
Robert Desnos fut déporté au camp de Theresienstadt. À l'arrivée des Alliés qui libérèrent le camp, on dit qu'il transmit ces vers à une infirmière tchèque, griffonnés sur un papier à la va-vite... On dit aussi que c'est Robert Desnos qui dicta les mots à l'infirmière... On dit qu'il y eut plusieurs versions... On a dit plein de choses... Mais tous ces détails restent un mystère... Je ne sais même pas si ces vers d'amour furent lus par celle à qui ces vers étaient destinés, du moins dans leur version originale... C'est un comble ! J'ai même imaginé qu'ils étaient écrits pour l'infirmière qui le serrait contre son coeur comme on protège un enfant qui a peur... Robert Desnos mourut du typhus quelques jours plus tard, le 8 juin 1945.
On dit que je n'ai pas pleuré lorsqu'elle me les récita... Et quand elle s'en alla, non plus. Plus tard je ne sais plus, en tous cas, je ne me souviens pas, pour ces choses-là j'essaie de m'esquiver derrière d'autres mots... Derrière le silence aussi...
Les portes sont pratiques pour cela. Les livres aussi...
Corps et biens, comme cela fait du bien d'étreindre les mots corps à corps...
Alors j'ai lu pour la première fois Corps et biens, quinze ans après cette histoire...
J'ai pris mon temps pour revenir à elle, je savais qu'elle m'attendrait... Et je savais qu'à la page 113 du recueil de l'édition Gallimard Poche, elle serait là, nous allions nous retrouver, c'était comme un rendez-vous qu'elle m'avait donné, on ne s'était pas dit quand... On savait juste qu'on ne s'était pas oubliés.
À la page 113, elle était bien là, mais je ne vous dévoilerai rien du contenu de ce rendez-vous.... C'est notre secret, c'est intime... Je peux simplement vous révéler ce poème si touchant sur lequel nous nous sommes retrouvés avec tant de plaisir car il est capable d'ouvrir le sol, tracer des chemins, de les faire s'entrelacer, unir les femmes et les hommes, c'est-à-dire nous autres pauvres voyageurs de l'impossible, nous élever vers le ciel ou quelque chose qui s'en rapproche si par hasard on n'y croit pas...


« J'AI TANT RÊVÉ DE TOI
J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
et de baiser sur cette bouche la naissance
de la voix qui m'est chère ?
J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre
à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
et me gouverne depuis des jours et des années
je deviendrais une ombre sans doute,
Ô balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie
et de l'amour et toi, la seule qui compte aujourd'hui pour moi,
je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme
qu'il ne me reste plus peut-être, et pourtant,
qu'à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois
que l'ombre qui se promène et se promènera allègrement
sur le cadran solaire de ta vie. »
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"Tout au long de ses poèmes l'idée de liberté court comme un feu terrible, le mot de liberté claque comme un drapeau parmi les images les plus neuves, les plus violentes aussi. La poésie de Desnos, c'est la poésie du courage. Il a toutes les audaces possibles de pensée et d'expression. Il va vers l'amour, vers la vie, vers la mort sans jamais douter. Il parle, il chante très haut, sans embarras. Il est le fils prodigue d'un peuple soumis à la prudence, à l'économie, à la patience, mais qui a quand même toujours étonné le monde par ses colères brusques, sa volonté d'affranchissement et ses envolées imprévues." voilà ce qu'écrivit Paul Eluard à propos de Robert Desnos. Que dire d'autre après cela ? J'ai une tendresse particulière pour ce poète que je ne chercherais même pas à analyser, c'est comme ça. Outre que le surréalisme m'a toujours "parlé", les poèmes de Desnos sont des manifestes ou des petites pépites de drôlerie, presque des comptines parfois. Un imaginaire débridé et une illustration de son époque ou la poésie se fait témoin de son temps, de son actualité. Sa poésie pétille, coule. André Breton lui reprochait son côté trop simple, trop accessible ? oui certains de ses poèmes pourraient être des chansons enfantines et alors ? Leur fraîcheur et "simplicité" ne doit pas cacher la richesse de la rime, la profondeur de la phrase et sous l'évidente spontanéité de l'écriture, la maturation du mot.
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Je suis toujours bouleversée en lisant A la mystérieuse, dont la version simplifiée, épurée, recopiée par une infirmière, permit de reconnaître Desnos qui se mourait du typhus au Revier de Teresienstadt...

Entre facéties joyeusement iconoclastes et poèmes troublants, tragiques où le destin soudain rencontre le réel, Desnos nous emmène et nous roule dans sa vague, corps et biens...
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Pour moi qui ne suis pas un fou de poésie, j'ai reçu un choc immense avec ce recueil. Surréalisme, certes, mais surtout un lyrisme, une puissance, une ardeur à exprimer de tout son être l'amour, la nature...Les idées frappent, c'est simple, court, direct, mais qu'est-ce que c'est beau ! le poète joue avec les mots avec une aisance déconcertante.
Au départ, j'ai connu ce recueil par la reprise en chanson du poème "Jamais d'autre que toi" par Alain Bashung, dans son sublime album "L'Imprudence".
Tant pour Desnos que Bashung, j'ai tenu (étonnamment personne ne l'a fait), à le citer dans son intégralité par ailleurs.
Les poèmes de Desnos sont à la fois virils, intellectuels et sensuels. Je n'aurais jamais pensé faire d'un recueil de poèmes un livre de chevet perpétuel...Il ne faut décidément jamais dire jamais.
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Robert Desnos fut l'un des poètes les plus doués du mouvement surréaliste (et de mon point de vue du patrimoine littéraire français toues périodes confondues), il fut du premier cercle des surréalistes historiques. Desnos connut un destin tragique, résistant actif, arrêté, il décéda en déportation en Tchécoslovaquie au mois de juin 1945 juste à la libération. Aragon lui dédia une poéme mis en musique par Jean Ferrat dans une de ses plus belles chansons.
Ce recueil compile des textes de l'age d'or du surréalisme entre 1919 et 1930, avec cette créativité débridée dans l'esprit dada, le lyrisme à l'état pur, l'innocence, l'émotion affranchie à son zénith
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Danger: recueil d'émotions!
Si vous n'êtes pas prêt(e), passez votre chemin! Mais alors,.... quel dommage!
Des influences dadaïstes, surréalistes... et le hasard d'une lecture de critique et de citations sur Babelio m'ont décidé à exhumer ce livre de ma PAL et vaincu ma déception récente quant au surréalisme selon  Eluard.

Une symphonie! Ce recueil de textes de natures très diverses (prose, facéties, longs ou courts, poèmes "visuels") est un bonheur. Bien sûr il y a quelques textes qui m'ont laissé de marbre, dans lesquels je ne suis pas rentré. Mais, finalement, c'étaient autant de respirations avant d'autres beaux textes (indice certain d'absence d'objectivité de cette critique!).

Lisez le pour sa poésie bien sûr:
" Mords le mors de la mort Maure silencieux.
cils! aux cieux
dérobez nos yeux.
Non, nous n'avons pas de nom."

Pour son romantisme aussi: " j'appelle à toi les tornades et les ouragans les tempêtes, les typhons les cyclones les raz de marées...j'appelle celle que j'aime"

Pour son invitation à la réflexion: " maître de tout ce qu'il a perdu et esclave de ce qu'il garde encore"

 ............ ou au rêve: 
"Dormir.
Les sommes nocturnes révèlent
la somme des mystères des hommes.
Je vous somme, sommeils, de
m'étonner
et de tonner."

Pour la découverte (pour moi) de Rrose Sélavy (certes Desnos n'en n'est pas le créateur). Quelles possibilités oniriques derrière cette muse fictive, évocatrice de "Eros est la vie" et des séances de sommeil hypnotiques des surréalistes!: " Au pays de Rrose Sélavy on aime les fous et les loups sans foi ni loi. "
Trouvez ce recueil ... et savourez!

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DESNOS mon fidèle copain.....
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« Citez-moi, je vous prie, les plus grands poètes français du XXème siècle.
- Apollinaire, le défricheur de la modernité, Eluard le sensible, Aragon le lyrique, Char l'hermétique, Prévert le populaire...
- Et Desnos ?
- Ah oui, Desnos, bien sûr ! »

Bien sûr, Desnos ! Comment ai-je pu l'oublier ?
Il faut bien l'avouer, Robert Desnos – tout comme Philippe Soupault avec qui il s'apparente beaucoup – souffre d'un manque criant de notoriété. Sur les photos de famille, il est comme ce cousin effacé au deuxième ou troisième rang. Il ne fait pas partie des personnalités du premier rang, mais il tient sa place, modestement, mais fermement. On connaît le nom, qui a été donné ça et là à quelques rues ou établissements scolaires, mais que sait-on de l'oeuvre, à part quelques poèmes mis en musique par Joseph Kosma (La Fourmi, chanté par Juliette Gréco) ou par Julos Beaucarne (Le Pélican, chanté par l'artiste wallon) ou encore quelques unes des Chantefables qu'apprennent encore les jeunes écoliers ? Certes il n'a pas bénéficié de l'apport médiatique d'un Aragon ou d'un Prévert, il n'a pas eu très tôt l'auréole poétique d'un Eluard ou d'un René Char, mais la trajectoire de sa vie et de sa production poétique aurait dû suffire à lui établir une réputation durable. Alors ? Modestie naturelle ? Refus des honneurs et de la gloire ? Ou bien malchance, ou pire, cabale des opposants ? Qui peut le dire ?

Une chose est certaine. Desnos, comme Aragon, comme Eluard, avait reçu le don de poésie. Mais au contraire de ses illustres confrères et – du moins pendant un certain temps – amis, il n'en était pas pénétré. La poésie de Desnos a quelque chose de naturel, extrêmement proche de nous, quelque chose d'actuel pour ainsi dire. Si la musicalité des vers d'Aragon nous a valu des chefs-d'oeuvre signés Ferrat ou Ferré, celle des vers de Desnos nous tournerait plutôt vers la bande dessinée ou les séries populaires – il n'est pas étonnant qu'il ait signé la Complainte de Fantômas ! -. Poésie contemporaine, donc, mais en même temps intemporelle, parce qu'elle brasse des thèmes éternels, l'amour, la mort, l'engagement, la destinée – un de ses recueils posthumes s'intitule Destinée arbitraire, admirable tautologie ! – Desnos n'est pas un albatros, un « prince des nuées », et la fonction sociale qu'il donne au poète est seulement celle du témoignage, voire de la dénonciation de l'injustice, surtout il se veut – en tous cas il se démontre – rapporteur des grandeurs et petitesses de la condition humaine, ce qui, à mon sens rejoint le vrai rôle de la poésie.

Corps et biens (1930) est une oeuvre-clé dans la production littéraire de Robert Desnos : elle fait le lien entre la période surréaliste (rêve éveillé, langage cuit, imaginaire débridé) avec la période suivante, plus apaisée, plus classique, en somme, mais avec toujours ce même sens du merveilleux, de l'étonnement perpétuel, cette proximité avec le lecteur qui finit par se reconnaître dans le poète en partageant ses émotions. Robert Desnos c'est du vécu, et du vécu transmis. Et c'est pour ça qu'on l'aime.

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Un recueil qui comporte diverses sortes de textes parus entre 1919 et 1929. Des jeux de langage de la mouvance Dada ( les aphorismes de Rrose Sélavy, Langage Cuit, L'aumonyme), peut-être plus déroutants, aux longs poèmes rimés de structures libres ( Mouchoirs au Nadir, Sirène -anémone, de silex et de feu), en passant par les poèmes en prose des cycles " Les Ténèbres" et " A la mystérieuses. Ce dernier,en particulier, comptant 7 poèmes sentimentaux sans être "tartignolles" justifie à lui seul de feuilleter ce livre, afin de se rappeler que Robert Desnos n'est pas seulement l'auteur d' " une fourmi de 18 mètres" - à texte auquel on résume trop souvent son oeuvre- mais pouvait à l'occasion faire preuve d'une grande sensibilité poétique, d'un style et d'une "voix" (CF premier texte des Ténèbres, "la voix de Robert Desnos") d'une grande sincérité. En celà, le titre même du recueil " corps et biens", à prendre au sens littéral, charnel même, est particulièrement adapté, tant l'auteur livre ses pensées les plus personnelles, sans fards, au lecteur. Un grand poète du XX° siècle, souvent éclipsé par Aragon ou Eluard, mais singulièrement attachant.
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