Valentine est une adolescente révoltée comme on en voit partout, à la différence que sa révolte s'exprime avec une brutalité décuplée par le manque d'amour dont elle subit les effets dévastateurs plus qu'à l'ordinaire. Elle est dans l'incapacité de trouver sa place dans sa famille et dans la société (cela va ensemble évidemment). Ce que l'on appelle pudiquement une crise d'adolescence prend chez elle une forme paroxystique et autodestructive.
Son père est un écrivain blasé remarié mais toujours sous l'emprise de sa propre mère qui tire les ficelles. Cette dernière manifeste à l'égard de Valentine un amour étrangement paradoxal.
Le comportement de Valentine amène la famille à faire appel à une agence de filature qui devra la surveiller. Lucie est commanditée pour cette mission. Au bout de quinze jours, Valentine disparaît brutalement. Où est-elle, avec qui ?
Lucie, affublée de celle qu'on surnomme la Hyène (elle ne lâche rien au point qu'on la retrouvera dans la trilogie de Vernon Subutex…) vont partir sur les traces laissées par Valentine.
De Paris à Barcelone, des milieux feutrés ou contestataires,
Virginie Despentes nous entraîne dans une course poursuite endiablée peuplée de personnages hauts en couleurs, décrivant une société malade et anxiogène et des personnages souvent aux abois, tant affectivement que socialement.
Son analyse sociologique est pessimiste, les faiblesses grossies et les qualités juste évoquées. Pourtant, dans ce marasme décourageant, dans ce gris persistant, l'amour émerge parfois (mais c'est aussi avec son cortège de trahisons et de cynisme).
L'écriture laisse la parole aux divers protagonistes qui vont, à leur façon, dépeindre la réalité qu'ils vivent. Les points de vue sont souvent divergents, comme ils le sont dans la vraie vie ! La perception du monde est fonction de la lentille qu'on utilise pour l'appréhender ! Est-elle déformante, quelles couleurs laisse-t-elle passer ? Les tons sombres ou colorés ? Et comment mon vécu, mon passé peuvent-ils interpréter ce que ma conscience ou mon regard perçoivent ?
Virginie Despentes est passée maîtresse dans l'art d'avancer masquée. Sous les coups de boutoirs qu'elle assène au lecteur, elle joue avec les apparences et endort sa vigilance en présentant un monde aussi envoûtant qu'étrangement factice où le sexe, la drogue, les marginaux fascinent autant qu'ils inquiètent.
Il n'est pas possible que le lecteur reste insensible à ce déluge de situations crûment évoquées, à ces répliques violentes et ces situations sordides où pourtant la justesse de ton l'emporte sur le sentiment d'exagération qui ferait croire à une supercherie romanesque bien entretenue.
Prix Renaudot en 2010, ce roman est une oeuvre majeure car originale. le style de
Virginie Despentes dépasse le cadre de la bienséance pour aborder le fond de l'éternelle question de la réelle valeur de l'Humanité et des humains qui la composent. Il me semble que son cynisme accompli laisse peu de place à un optimisme débordant. Son monde semble noir et la rédemption presque impossible.
Michelangelo 30/10/17
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