Un nouveau
Virginie Despentes, c'est rien de dire qu'il était attendu, après
Baise-moi et
King Kong Theorie, après surtout l'énorme succès des trois volumes de
Vernon Subutex. Et cela commence plutôt bien, ce
Cher connard – comment mieux tenter le lecteur qu'avec cet oxymore provocateur ? – quand Oscar se présente, d'emblée, oui, comme un foutu connard, un impardonnable salaud, trouvant jouissance dans la plus triviale des attaques. Ecrivain ayant connu un succès d'estime, il rédige une petite « chronique » insultante sur Instagram, dans laquelle il décrit de façon extrêmement méprisante, après l'avoir croisée dans Paris, l'actrice Rebecca Latté, dont il admirait autrefois le physique, mais qu'il trouve aujourd'hui bien défraîchie et laide, s'en prenant aussi à son militantisme féministe. Bref, une vraie déclaration de machisme lourdingue… et une très mauvaise idée, puisque la Rebecca concernée, avertie de cette publication, lui répond en lui signifiant toute son indignation et le dégoût qu'il lui inspire. Oscar, pourtant, s'accroche, répondant à sa réponse, lui rappelant qu'ils se sont connus dans leur enfance, à Nancy, quand elle était l'amie de sa soeur Corinne, lui faisant part de sa grande fascination pour elle. Il inaugure ainsi (et l'on peut, c'est vrai, lecteur, être un peu surpris, de la facilité avec laquelle Rebecca oublie la violence des mots qui la blessaient dans le premier post d'Oscar, pour rentrer assez vite dans son jeu…) une longue correspondance, un échange épistolaire sur Internet, qui constitue l'essentiel du récit et au cours duquel les relations des deux personnages vont évoluer de cette haine première à une profonde amitié, tandis que se réorganise autour d'eux le petit cercle de leurs connaissances. Mais, bien vite, alors que la menace du Covid se confirme et que le confinement impose ses règles dans la ville, on apprend qu'Oscar est accusé de harcèlement par une ancienne attachée de presse de sa maison d'édition…
le texte de
Virginie Despentes met en scène, dans sa structure même, le piège de la communication sur les réseaux sociaux, montrant en particulier comment, au fil des pages, la Zoé qui dénonce le comportement dont elle a été victime est condamnée à renforcer sa propre souffrance, en subissant les réactions haineuses de nombreux internautes. Mais le roman, sur cette toile de fond de #Metoo, est aussi la chambre d'écho d'un débat entre différentes voies du féminisme sur la réponse à apporter aux «miliciens de la masculinité minuscule», et le parcours d'entraide réciproque entamé par Oscar et Rebecca, aussi improbable qu'il puisse sembler au départ, afin de parvenir à vaincre leurs addictions communes à l'alcool et aux drogues, explore, avec autant d'humour que d'émotion, les possibilités d'une résilience. On trouve, enfin, au coeur du livre, une vraie interrogation sur le besoin de reconnaissance, l'effrayant désir de notoriété et les frustrations qui l'accompagnent, exacerbés par nos usages de la toile numérique. Et puis, il y a le style de
Virginie Despentes, sa plume souvent mordante, son goût des formules qui claquent… Reste que l'on ne peut s'empêcher de trouver parfois l'échange épistolaire un peu épuisant, avec des anecdotes, comme l'achat d'un billet de train pour un chien, sans grand intérêt et quelques longueurs, reste qu'on éprouve un peu d'ennui quand le jeu s'éternise. Ne doutons pas que
Virginie Despentes ne retrouve bientôt, dans un prochain texte, fougue et panache !