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sur 231 notes
Autour de notre voyage au Cambodge, on avait lu il y a peu la biographie romancée de Henri Mouhot, premier re-découvreur occidental des temples d'Angkor, élégamment racontée par Maxence Fermine dans un style qui nous évoquait celui du Patrick Deville de Peste et Choléra.
De quoi nous motiver pour relire le Kampuchéa de ce Patrick Deville dont une première lecture nous avait laissé un peu perplexe.
Cette relecture en plein périple cambodgien s'est avérée la bonne : il faut en effet une bonne connaissance de l'histoire de l'Indochine en général et du Cambodge en particulier pour apprécier ce bouquin foisonnant comme l'est la géopolitique complexe de la région.
En 2009, Patrick Deville est sur place à Phnom Penh pour 'couvrir' le procès des Khmers Rouges.
L'occasion pour lui de parcourir la région, non seulement le Cambodge mais également le Laos où mourut Henri Mouhot, et de rendre visite aux voisins encombrants que sont le Vietnam et la Thaïlande. Et l'occasion de parcourir à grandes enjambées l'histoire récente et tourmentée du pays que Pol Pot et ses Frères appelèrent pendant quelques années le Kampuchéa Démocratique.
Tout y passe : bien sûr la découverte d'Angkor par le chasseur de papillons(1), les voyages des autres pèlerins comme Pierre Loti, Graham Greene, André Malraux et d'autres encore, moins connus, le bourbier créé par les antagonismes des puissances coloniales, la lâcheté royale(2) dont surent si bien profiter ces mêmes puissances coloniales (et réciproquement), les guerres indochinoises, les invasions des voisins trop bienveillants et bien sûr les années noires des Khmers rouges.
Son portrait des Khmers rouges et de leur doctrine est d'ailleurs bigrement intéressant car réussissant à dépasser la diabolisation trop facile. L'auteur arrive à restituer toute l'ambiguïté de ces intégristes fanatiques mais purs qui surent profiter du bénéfice du doute au départ des américains et de notre trop bienveillante cécité occidentale, aveuglés que nous étions par leur charme 'rouge', on s'en souvient.
Patrick Deville, historien voyageur, excelle dans l'art de mélanger les époques et les régions, de tracer des perspectives inattendues et d'établir des rapprochements étonnants. Sautillant entre les événements, les lieux et les personnages, il esquisse des portraits souvent féroces, toujours intéressants.
Et pour peu que l'on dispose des connaissances de base sur la région et son histoire, son bouquin est passionnant : plus difficile et moins fluide que sa biographie d'Alexandre Yersin mais tout aussi enrichissant.
Patrick Deville fait feu de tout bois, y compris de ses propres précédents bouquins, un peu à la manière d'Emmanuel Carrère. Il adore également tirer des raccourcis géographiques ou historiques, au risque parfois de tracer des lignes droites par trop réductrices. Cela peut déranger certains mais nous on aime bien ces regards inattendus, ces perspectives originales, ces angles étonnants : l'auteur n'a pas de thèse à défendre et tout cela n'a pas d'autre prétention que de nous secouer un peu les neurones.
Ce livre est une excellente occasion de s'intéresser à ce petit pays qu'est le Kampuchéa, coincé entre la Thaïlande et le Vietnam qui l'envahirent périodiquement, un état qui semble n'avoir dû sa survie qu'aux apprentis géographes coloniaux, un royaume khmer autrefois rayonnant à qui l'on doit les temples d'Angkor, un pays pauvre et affaibli aujourd'hui, vendu aux compagnies étrangères(3) par des dirigeants corrompus : c'est désormais l'heure de la néo-colonisation pour les bienveillantes puissances amies qui s'étaient entre temps racheté une bonne conscience avec le procès des Khmers rouges.
La semaine dernière nous remontions sur diverses embarcations le Mékong écrasé de chaleur, de Saïgon vers Phnom Penh et Angkor : le soir, on se laissait bercer par la prose savante de Patrick Deville qui, quelques cinq ans plus tôt, remontait lui aussi le cours tranquille du fleuve et celui, plus tumultueux, de l'Histoire.

(1) - l'auteur démarre son Histoire du Cambodge en 1860, année de la découverte, l'année 0, l'année HM selon Deville, comme il y eut avant et après JC
(2) - Norodom Sihanouk est un animal politique stupéfiant : établi par l'administration coloniale française, il se fera plus tard porte-drapeau de l'indépendance et réussira même à survivre à Pol Pot !
(3) - on retrouve évidemment là-bas Total ou Vinci pour ne citer que des sociétés d'origine hexagonale
Pour celles et ceux qui aiment l'histoire-géo.
Lien : http://bmr-mam.blogspot.com/..
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KAMPUCHÉA de PATRICK DEVILLE
Un vrai coup de coeur personnel. J'aime cette région du monde et DEVILLE sait particulièrement bien la rendre. C'est l'histoire du Cambodge qu'il choisit de faire débuter en 1860 année de la redécouverte d'Angkor par Mouhot qui y mourra. de ce point il déroule l'histoire la grande et les petites les colonies la guerre froide les voisins envahissants pour finir par les Khmers rouges. C'est superbement raconté écrit il y du Kessel chez cet homme. Si vous aimez l'Asie alors lisez ce livre.
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Le Kampuchéa démocratique c'est le nom officiel du Cambodge de 1975 à 1979, durant le règne cruel instauré par les Khmers rouges. « L'Angkar est à la fois le rêve d'une société monastique et du communisme ancestral des tribus, la morale stricte des chasseurs-cueilleurs et les préceptes du bouddhisme. », utopie ayant abouti à la barbarie. Dans ce récit tortueux à dessein, Patrick Deville tente, dans l'attente du verdict des tribunaux envers les ex-dirigeants des Khmers rouges, d'appréhender le monde asiatique par les nombreux conflits ancestraux disputés aux frontières du Laos, du Cambodge, de la Thaïlande et du Vietnam. La lecture s'avère exigeante autant pour la somme considérable de faits historiques dont le lecteur est bombardé que par un processus de narration non linéaire, partagée entre réflexions et rêveries. En ce sens, l'auteur s'est parfaitement intégré à l'univers dans lequel il évolue, les lents déplacements sur le long fleuve Mékong instillant chez lui mysticisme et fatalisme.
Comme dans ses deux précédents romans constituant le cycle Sic Transit (Pura Vida et Equatoria), Deville convoque écrivains renommés (André Malraux, Graham Green), explorateurs du XIXe siècle (Henri Mouhot, Auguste Pavie, Francis Garnier, Ernest Doudart de Lagrée) et hommes politiques contemporains cambodgiens, laotiens et vietnamiens (Ho Chi Minh, Norodom Sihanouk, Lon Nol, Khieu Samphan, Pol Pot, Hun Sen) afin de mieux comprendre ce qui fait tourner cette partie du monde qui reste encore bien mystérieuse aux Occidentaux.
Sic transit gloria mundi…
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Le sujet est follement intéressant : l'histoire du Cambodge est à la fois si effrayante et si fascinante qu'il en serait difficile d'en faire un mauvais roman. Dans cette oeuvre, l'auteur nous propose une synthèse sous un format original. Sous fond du procès de Douch, un ancien tortionnaire Khmer rouge, nous est contée l'histoire moderne de ce pays qui a connu tant d'envahisseurs. Il est préférable d'avoir des notions de l'histoire du Cambodge pour apprécier le livre. L'auteur passe effectivement rapidement d'une période historique à une autre en fonction de ses pérégrinations sans rappeler d'importants éléments de contexte pour guider le lecteur. Ceci dit quoi de plus logique que se perdre dans les tréfonds de la forêt et de l'histoire cambodgienne.
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C'est un mélange de carnet de voyage, entrelacé avec des lieux où L Histoire locale de l'Asie du sud-est a répandu ses horreurs et ses absurdités coloniales, le tout secoué avec la grande marche mondiale de l'Histoire, c'est bourré de références et de noms de rues, de crépuscules mélancoliques, d'aventuriers, de militaires, de savants amoureux des papillons, plantes et ruines, de tortionnaires, de fous, de morts et de rares grands hommes plutôt humanistes qui aimaient ces habitants et ces pays en cours de formation, nous revenons régulièrement en 2010 dans une pirogue ou dans un salon avec l'auteur pour respirer l'âme de chaque région, un fond de whisky ou de Pernod dans le verre, tandis que les pales du ventilateur au plafond se balancent doucement, bref nous cédons à l'envoûtement, surtout si comme moi nous avons déjà trainé nos sandales dans ces pays, mais voilà : ce fut trop touffu pour moi, confus parfois, je m'y perdais (pourtant amateur d'Histoire, et d'Histoire coloniale), et je le regrettais... Mais je tiens à dire ceci : pour tout ceux qui aiment Cambodge, Laos, Vietnam, Thaïlande : vous devez lire ce livre et cette mine d'information, car la vision d'ensemble nous laisse un goût particulier, parfois horrifié, et parfois plein de mélancolie.
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Kampuchéa, délicieux parfum d'Orient, l'opium et l'encens, le prahok et le sang. du Tonkin au Cambodge, Deville livre brut son écheveau de souvenirs, autour desquels gravitent la petite et la grande Histoire.

En s'embossant dans un sofa métropolitain, on s'imagine tout à coup dans la jungle khmère ou cheminant vers le Siam, sur les traces de Lagrée et Garnier, de Drouhot ou du plus méconnu mais du plus audacieux de tous, Auguste Pavie.

A travers ce texte sonnent les écrits de Loti et résonne la mémoire de Savorgnan de Brazza, en écho aux cris des meurtris de Saloth Sâr et des frères numérotés. le cimetière de Dien Bien Phu, le delta du Mékong, les lueurs de Phnom Penh, celle de la baie d'Along.

Rouge communiste, rouge sang.

À grand renfort de toponymes imprononçable sans l'aide d'un Orientaliste, et de termes d'une précision maniaque à faire s'extasier les lexicographes dans l'âme, Deville nous apporte les clés nécessaires à la compréhension d'une Indochine ceinte de feu et couverte de plomb durant plus d'un siècle. Ainsi périclitent les civilisations millénaires.

Jamais moralisateur dans les portraits qu'il peint, toujours modeste quand il s'agit de sa propre vie qu'il relate, il semblerait qu'ici l'objectivité du journaliste prenne le pas sur l'emphase de l'écrivain.

La main en visière et les yeux dans le vague, c'est déjà Siem Reap, dans le lointain. Kampuchéa, la voie royale, le Cambodge, son destin.
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Patrick Deville ou l'art de vous transporter dans le temps et dans l'espace. Ici, au Cambodge (Kampuchéa) de 1850 à nos jours.
En 2010, le procès de Douch, ancien responsable de la police politique des khmers rouge, auquel Deville assiste, est le point de départ d'un voyage dans le temps et dans l'histoire. Les atrocités du S-21 y sont évoqués, mais le Cambodge ne se limite pas à ces années de terreur.
Deville fait revivre sous sa plume alerte et brillante ces hommes oubliés, mi-aventuriers et mi-scientifiques, et qui sont venus pour certains mourir aux confins du Mékong. Il évoque les exploits de Mouhot bien sûr, mais aussi Loti, Lagrée et Garnier et plus récemment Malraux.
Les chapitres sont courts et alternent entre passé et présent; ils sont denses, mais le lecteur peut se permettre de ne pas tout connaître, ni tout retenir. le rythme de l'écriture participe de la compréhension.
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En 2009, un jeune homme vient assister au procès de Douch à Phnom Penh (Cambodge).
Né en 1942, Douch dirigea la prison S-21 de 1975 à 1978 et fut l'un des cadres de la police politique khmère de l'époque. Son procès est le premier instruit par un tribunal spécial (à la fois cambodgien et international) contre des responsables des crimes du régime Khmer Rouge. Douch a été condamné à 35 ans de réclusion pour crimes contre l'humanité. Des experts psychiatres et psychologues lui ont repéré une alexithymie (incapacité à ressentir et exprimer ses émotions et celles des autres). Douch a reconnu tortures et meurtres commis au S-21 mais avait demandé la relaxe, considérant que faute de Loi au Kampuchéa, il n'en avait enfreint aucune…

Pour tenter de comprendre ce procès, le jeune homme se penche sur l'histoire du Cambodge et des pays voisins (Vietnam à l'est, Thaïlande à l'ouest, et Laos au nord).
L'auteur nous fait ainsi voyager dans l'espace, avec le Mékong en fil rouge, et dans le temps avec les colonisations occidentales en toile de fond. Nous suivons explorateurs (le naturaliste, Henri Mouhot, et ceux qui lui ont succédé) et écrivains célèbres (Malraux, Loti, Conrad) dans leurs pérégrinations…
Ici, le romanesque s'efface devant l'Histoire.

L'écriture de Patrick Deville exige beaucoup d'attention de la part du lecteur. J'ai d'ailleurs dû avoir en permanence un atlas à portée de main, et l'ai consulté plusieurs dizaines de fois durant cette lecture.

Pour résumer : l'exercice de lecture fut exigeant mais cela en valait largement la peine.
Je reviendrai probablement vers cet auteur, mais après avoir relu "La Voie royale" de Malraux (dont je n'ai plus souvenir et n'avais probablement pas capté le plus intéressant ...).
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J'ai bien aimé ma lecture — alors que j'avais ouvert le livre sans grande motivation. L'auteur nous invite à la découverte d'un siècle et demi d'histoire du Cambodge, et en une cinquantaine de petits chapitres, il nous raconte essentiellement l'horreur de la période Khmer. Certains passages sont terriblement marquants et portent en eux la souffrance vécue par les Cambodgiens d'une façon très réaliste.

J'ai également bien aimé la façon de Patrick Deville de construire son récit par fragments, en nous perdant entre plusieurs espaces-temps. Tous ces fils narratifs emmêlés -au premier abord- se sont révélés peu à peu tous intimement liés et je me suis simplement laissées guider à travers le labyrinthe des chapitres avec plaisir.

Cependant, je pense que pour bien comprendre ce livre il faut déjà avoir quelques (bonnes) notions de l'histoire du Cambodge. L'auteur fait également référence à beaucoup d'écrivains voyageurs que je ne connaissais pas forcément, et cite de nombreux noms d'illustres inconnus (du moins pour moi), ce qui pouvait vite devenir agaçant. (J'aime bien ne pas rester trop dans le flou quand je lis, quand même. )

En somme, je suis contente d'avoir lu ce livre qui m'a appris beaucoup de choses mais je vous conseille de vous documenter solidement sur l'histoire du Cambodge avant de l'ouvrir, car vous risqueriez vite de vous y perdre !
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Ce livre ne pouvait que m'attirer, m'inviter au voyage et me replonger dans les émotions encore vives de mes deux voyages au Cambodge.
Je me revois arpentant les allées d'Angkor Wat, ébahie par tant de grandeur et de beauté, admirant le Tonlé Sap au coucher du soleil, dégustant une Cambodia assise sur une chaise en plastique face au magasin de réparation de motos à l'entrée du Marché russe. Je me revois, chantant face à ces femmes et ces hommes habillés de l'uniforme bleu des prisonniers lors de nos tournées musicales dans les prisons khmères. Je me rappelle du regard de ces enfants pas plus haut que trois pommes, alignés en rangées parfaitement parallèles, souriants, joyeusement troublés par notre groupe improbable installant le matériel technique et la sono pour partager avec eux des chants et des danses. Je me souviens de Naly, notre interprète cambodgienne, nous présentant fièrement sa trouvaille du matin en provenance directe du marché : des fruits dont nous n'avions pas soupçonné l'existence.
Je me souviens de tant de choses encore.... Des choses terribles aussi...
En un instant, j'étais à nouveau à Tuol Sleng, nauséeuse, dans cette prison S-21 qui m'avait fait prendre conscience de l'ampleur et de la folie de ce génocide . J'étais dans ces rues animées de Phnom Penh, pourtant vides de ces personnes âgées ayant été sacrifiées des décennies plus tôt sur l'autel cette idéologie révolutionnaire de l'Angkar. Je rencontrais à nouveau Pol Pol, Douch et ses acolytes que j'avais appris à connaître par souci intellectuel et de mémoire. Et cette partie de l'histoire-là me terrifie encore !

Du côté du dépaysement et de la plongées en eaux lumineuses ou troubles, Kampuchéa a parfaitement accompli sa mission.

Par contre - alors que j'ai un excellent sens de l'orientation - je me suis souvent sentie perdue dans les méandres des époques, des lieux, des personnages historiques que j'ai rencontrés tout au long du roman.
J'ai mélangé les décennies, les régions, les guerres, les tentatives d'apaisement, les rencontres au sommet, les colonisateurs, les aventuriers jusqu'au boutistes. Et cela ne m'a pas plu.
Certains chapitres m'ont captivée, d'autres m'ont éloignée.
Plus qu'un roman, j'avais l'impression d'une succession d'éditos ou d'articles journalistiques extraits de quotidiens asiatiques et français d'époques si diverses. Quand Pol Pot côtoie Pavie, quand Henri Mouhot rencontre le roi Sihanouk, je n'y comprends plus rien. Dommage !
Au final, je referme ce livre avec un sentiment d'admiration pour Patrick Deville qui a fait un travail de documentation et de synthèse énorme !
Je suis heureuse d'avoir passé à nouveau quelques jours dans ce Royaume de bout du monde auquel je me suis, ma foi, beaucoup attachée.
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