Voilà de cela un moment qu'un bon ami à moi me vantait les livres de Djian, qu'il vénère, et que je me disais qu'il fallait que j'en lise au moins un pour me faire une idée.
Au milieu de sa bibliographie pléthorique, j'ai hésité un bon moment avant de jeter mon dévolu sur cette histoire qui a aiguisé mon intérêt sur la base de la quatrième de couverture.
J'ai mis un peu de temps à rentrer dedans. Déjà, il faut s'habituer non pas au style (qui dans l'absolu est très bon), mais aux petites manies de l'auteur, mais j'y reviendrai. Je suis resté un moment sans comprendre grand-chose car le gars distille sa mise en place avec parcimonie.
J'ai peu à peu découvert un auteur qui sait dire énormément de choses avec finalement une grande économie de mots, ce qui je dois le dire n'est pas donné à tout le monde, et si l'évocation de détails descriptifs en apparence anodins peut déconcerter de prime abord (euphémisme pour dire qu'on s'en fout), en vérité il faut reconnaître que ces choses-là finissent par poser une ambiance.
Et peu à peu, on rentre dans une histoire accrocheuse et bien plus profonde qu'il n'y paraît dans les relations qui se font et se défont entre les malheureux protagonistes de ce théâtre un peu désespéré et désespérant d'une petite ville de garnison qui nous apparaît glauque et ennuyeuse.
Le final est saisissant.
Tout serait donc presque parfait, sauf que... sauf que j'en veux un peu à Djian pour ce que je considère un peu comme des caprices pour faire genre. Par exemple, cette manière de ne jamais mettre aucun tiret de dialogue, et de mélanger en freestyle le style direct et le style indirect dans un même dialogue. de se foutre complètement de la ponctuation en privant les questions de points d'interrogation. Je ne voudrais pas faire vieux jeu, mais ces conventions ont une utilité, celle de clarifier le propos, de donner une f
luidité de lecture et de ne pas risquer de heurter la compréhension du lecteur. Et je ne parle même pas de sa manie de changer de lieu et de personnage point-de-vue, autrement dit de sauter du coq à l'âne, non seulement sans changement de chapitre, mais sans même un saut de ligne, comme si c'était dans la continuité du paragraphe précédent.
Tout cela m'a énervé plus d'une fois, parce que ça provoque des accrocs, des incompréhensions qui obligent à relire, à réfléchir un peu, à revenir en arrière – voire à laisser tomber et à continuer, deux ou trois fois – dans une narration qui par ailleurs est de plus en plus prenante, comme une fuite en avant.
De petites frustrations, donc, et nous les lecteurs, nous ne sommes que des humains, nous n'aimons pas être frustrés.
Qui plus est, j'ai vraiment eu l'impression que ces petits artifices n'apportaient rien de plus à ce livre, mais plutôt quelque chose de moins, c'est pourquoi j'ai parlé de caprices.
ll n'en demeure pas moins que Djian est un écrivain puissant, et que j'en lirai d'autres de
lui... ne serait-ce que pour voir s'il fait ça dans tous ses bouquins.