******
La correspondance du peintre français Gustave Courbet m'a autant intéressé que celles de Vincent van Gogh ou d'Eugène Delacroix.
Présenté comme le père de la peinture réaliste au 19ème siècle, ses lettres couvrent une quarantaine d'années, depuis son entrée à 18 ans au collège de Besançon dans le Doubs jusqu'à son décès, exilé en Suisse après l'affaire de la Colonne Vendôme, à l'âge de 57 ans.
20 ans, une beauté physique époustouflante – voir son Autoportrait à la pierre noire et fusain, 1852, British Museum, Londres. Il ne sera pas, comme le souhaite son père, polytechnicien, inventeur, notable, ou chef d'industrie. Cette ambition n'est pas à la mesure de Gustave Courbet. Il a soif d'idéal et est bien décidé à mordre la vie et la peinture passionnément.
Notre homme débarque à Paris au début des années 1840. Orgueilleux, il écrit à ses parents : « Nous sommes sur le point de constituer une école nouvelle de laquelle je serai le représentant en peinture. » Puis, à nouveau : « J'entends la peinture en plus grand […] ce qui est sûr c'est qu'il faut qu'avant cinq ans j'aie un nom dans Paris. »
Devenir un grand peintre, telle est son ambition. Il y parviendra jusqu'à devenir un artiste de réputation internationale que certains considéreront comme un symbole de la liberté et de la contestation politique et intellectuelle.
Rarement un peintre ne suscite autant de polémique. Provocateur, il la recherche. Attraction et répulsion animent ses contemporains. Scandaleux, excentrique dans son allure, son accent franc-comtois et ses coups de gueules sont une aubaine pour les caricaturistes. Admirée, rejetée, critiquée, sa peinture paraît insaisissable pour beaucoup. Elle devient un enjeu pour l'art et les fidèles se regroupent autour de l'homme qui se considère médiatiquement comme le « maître d'Ornans » sa ville natale. Celui-ci refuse toute récupération vis-à-vis de l'Etat Napoléonien du second Empire et se vautre dans une allure de bravade et un mépris de l'autorité. Cela lui coûtera cher plus tard…
A cette époque, la peinture académique du Salon était considérée comme la peinture officielle. En dehors du Salon un peintre ne peut vendre un tableau. Un jury, soumis au pouvoir politique, fait le tri entre les toiles qui peuvent être exposées et les refusées. Il écrit à ses parents : « II y a pour juges un tas de vieux imbéciles qui n'ont jamais rien pu faire dans leurs vies et qui cherchent à étouffer les jeunes gens qui pourraient leur passer sur le corps. (…) Il n'y a rien de plus difficile que de se faire une réputation en peinture et de se faire admettre du public, et plus on se distingue des autres et plus c'est difficile. Pensez bien que pour changer le goût et la manière de voir d'un public, ce n'est pas une petite besogne. Car c'est ni plus ni moins renverser ce qui existe et le remplacer. Vous pouvez croire qu'il y a des jaloux et des intérêts froissés. »
Malgré son peu de respect pour l'orthographe qui le fait passer pour un crétin manquant de culture, la correspondance de Courbet nous montre un vocabulaire riche, des descriptions pittoresques, de vraies qualités littéraires. Certaines de ses lettres furent d'ailleurs reprises dans les écrits de certains auteurs comme Pierre-Joseph Proudhon et un bon nombre d'entre elles furent publiées de son vivant dans la presse.
Les mots du grand-père maternel, adoré vétéran de la vraie révolution, celle de 89 : « Crie fort et marche droit », ne seront pas oubliés par le jeune homme confronté au durs combats qui l'attendent en arrivant à Paris.
Même si je n'ai pas retrouvé dans sa correspondance le lyrisme qui m'avait séduit dans celle de Vincent van Gogh ou le talent littéraire de Delacroix, celle-ci m'a permis de découvrir l'homme et le peintre que je connaissais mal.
Lien :
http://www.httpsilartetaitco..