Bhoutan, royaume hors du temps

La préparation d'une doma donne lieu à un véritable cérémonial. D'une boite rectangulaire en argent, parfois finement ciselée, on sort un petit morceau de noix d'arec et une feuille de bétel. Le choix de la feuille de bétel n'est jamais laissé au hasard. On l'examine, la tourne et retourne en tous sens afin de juger de son aspect. Eventuellement, on en ôte un petit bout qui est abîmé et on l'essuye sur la manche ou toute autre partie de son gho ou de sa kira afin de la rendre plus belle et plus luisante. Délicatement, on ouvre alors une seconde boîte en argent, ronde cette fois, qui contient la chaux. D'une main délicate, on y trempe le fragment de noix pour l'enduire de chaux, puis on répartit celle-ci sur la feuille de bétel. L'étranger admiratif sent combien ces gestes ancestraux, qui confinent au sacré, sont empreints d'amour et d'émotion... ces doma s'offrent aussi. C'est une marque d'amitié et de convivialité.

Tranquillement,au pas de leurs animaux,ces caravaniers perpétuaient des traditions de commerce et d'échange qui,dans ces régions himalayennes,remontaient à la nuit des temps.A leur façon d'être j'imaginais un business prospère;ces montagnards au teint buriné semblaient heureux et sereins.En tout cas certainement davantage que ces golden boysqui,à la meme heure,échangeaient par téléphone et computer interposés,des actions sur les bourses de New York ou Tokyo.

Il est vrai qu'autrefois, dans nos histoires d'enfants, les animaux aussi avaient leur langage propre que nous savions comprendre. Mais, l'Occident leur avait peu à peu enlevé la parole ou, tout du moins, avait perdu cette faculté de comprendre. La place du rêve et du merveilleux s'étiolait chez nous. Pas chez les Bhoutanais.

Le Bhoutan demeura pendant de nombreux siècles une terre fermée aux étrangers. Depuis les années quatre-vingts, il surveillait le visiteur pénétrant au coeur de l'antique forteresse. Grand comme la Suisse, ce royaume d'un petit million d'habitants, jamais colonisé, restait avec détermination à l'écart du monde moderne, fier de ses propres valeurs et de sa tradition.