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sur 874 notes
Dostoïevski publie Carnets du sous-sol en 1864, une époque bien particulière pour notre écrivain (j'y reviendrai), il s'agit d'un monologue amer d'un homme méchant et déplaisant, petit fonctionnaire déchu de Saint Pétersbourg au milieu du XIXème siècle. On retrouvera dans ce texte beaucoup de points qui seront repris et davantage développé dans les grands romans qui le suivront (et notamment dans Les frères Karamazov, Crime et Châtiment).


Ici, Fiodor Dostoïevski utilise l'astuce littéraire des carnets retrouvés dans un souterrain pour débuter un roman. le narrateur explique s'être retiré depuis 20 ans dans son souterrain, il se vante de sa méchanceté, de sa bassesse, la façon dont il trouve son plaisir dans le malheur, dont il hait et méprise ses semblables (qui le lui rendent bien). le style est impeccable, le propos intrigant, la première partie du roman ne dure qu'une cinquantaine de pages. La seconde partie, qui représente les deux autres tiers du roman revient sur un diner donné en l'honneur d'un ancien camarade où, désagréable et encombrant il est méprisé par ses acolytes d'un soir puis sur sa rencontre manquée avec une prostituée qu'il rejettera alors qu'elle pourrait lui apporter réconfort et rédemption.


Un bon roman repose généralement sur de bons personnages, bien construits. Dans celui-ci, le roman EST le personnage : ses diatribes haineuses et décousues, ses actes méprisables et contradictoires dressent le portrait d'un homme, misérable, seul, dont l'esprit vagabonde à la frontière de la folie et sans autre qualité que, par moments, une troublante lucidité sur sa condition et celle de ses semblables. Un être méprisable certes, qui ne connait aucun sentiment altruiste, incapable d'amour mais avant tout pitoyable. J'avoue avoir éprouvé de l'empathie pour ce pauvre hère à la fois malheureux et abjecte. Autour de lui, les autres personnages masculins, plus adaptés à la vie en société semblent égoïstes et frivoles et seule Lisa, la prostituée parait vraiment capable d'humanité. La fenêtre ouverte sur l'espoir d'un amour et d'une rédemption sera, on s'en doute, vite refermée par le narrateur qui préfère courir à sa perte.


Difficile ici, de ne pas faire quelques liens avec la vie de Dostoievski. Ce dernier a connu un simulacre d'exécution, quatre années de bagne en Sibérie, la honte de devoir demander grâce au Tsar même dont il souhaitait le renversement ainsi que des années d'un amour déchirant et unilatéral pour Maria Dmitrievna qu'il finira néanmoins par épouser, avant de connaitre également les affres de la maladie : sept ans d'un mariage malheureux s'achèveront avec une tuberculose pulmonaire qui emportera sa femme en 1864 : son agonie et son décès coïncidant avec la rédaction et la publication de ce court roman. Après cela il faut bien admettre que notre écrivain connait mieux que quiconque le malheur et la cruauté de la condition humaine qui sont reflétés dans son roman. le texte est aussi un condensé des grands thèmes sur lequel l'écrivain n'aura de cesse de revenir les années suivantes : Perte des repères moraux à une époque où les idées de l'occident libéral infusent les sphères intellectuelles (on pense à Crime et Châtiment ou au personnage d'Yvan dans Les frères Karamazov), propension humaine à rechercher son propre malheur (Le Joueur, Les possédés), amour manqué, solitude, bassesse humaine et avilissement de l'âme par la pauvreté et la recherche d'argent.


Les Carnets du sous-sol n'ont sans doute pas l'ampleur d'autres oeuvres de Dostoïevski mais contiennent dans un espace resserré la plupart des ingrédients qui font la particularité et la force de cet auteur. Pour cela, Les Carnets du sous-sol constituent, avec le roman le Joueur, des portes d'entrée qui me paraissent idéales pour qui veut découvrir l'oeuvre de cet auteur. Pour tous ceux qui ont déjà gouté et apprécié celle-ci, les carnets restent un roman hautement recommandable et j'ai, moi-même, grandement apprécié mes « retrouvailles » avec l'écrivain.
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Un homme, la quarantaine, a fait le choix de vivre seul, cloîtré dans un souterrain, durant de nombreuses années. Un jour, il décide de prendre la plume pour expliquer ce choix - enfin, il écrit, selon lui, pour lui-même, et ne cherche en aucun cas à se justifier envers ses semblables - avant de raconter une de ses expériences, vécue il y a très longtemps, et qui paraît, finalement, être la raison de cette vie en sous-sol.

Monologue désabusé, très critique vis-à-vis de soi-même, mais plus encore vis-à-vis de l'être humain en général et de ses nombreux travers, que nous propose un narrateur cynique, désespéré tout autant que désespérant, à l'humour noir mais pas déplaisant, ces Carnets du sous-sol sont une lecture intéressante, qui mettent en jeu une vision violente, certes pessimiste tout autant qu'absurde, mais non dénuée de réalisme et de lucidité, de l'existence humaine.

Tout comme j'avais apprécié le joueur il y a déjà un moment, j'ai apprécié cette nouvelle lecture de Dostoïevski. Prochaine étape : me lancer, enfin, dans un de ses romans !
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Souterrain, certes ! Mais incroyablement bavard. « Les carnets du sous-sol » est comme un long monologue intérieur où l'écrivain russe défie l'homme dans ses comportements admis, et ses repères moraux et/ou sociaux.

«Je suis un homme repoussoir, voilà ce que je suis.», écrit Dostoïevski dans ses carnets ! Pour cause, son anti-héros (un petit fonctionnaire) est un homme mesquin et méprisant.
Emmarbré dans son sous-sol, et derrière une méchanceté sans borne, ce dernier déverse tout son fiel et ses angoisses contre l'espèce humaine.
Par sa franchise et sa subjectivité haineuse, il ne voit que des actions tendancieuses derrière les actes gratuits : tout son comportement découle de cette idée là !
Homme plat et sans relief, il se croit pourtant supérieur aux autres : « je suis seul, mais eux, ils sont tous ». En effet, dans sa quête de dévalorisation, notre anti-héros montre sa colère envers « les hommes d'action » : ceux qui vivent leur vie et agissent sans réfléchir.
En revanche, « l'homme de conscience » comme lui, est celui qui pense : trouvant dans la connaissance des raisons pour ne pas agir !
Parallèlement au thème de la conscience, le narrateur expose, également, dans les carnets du sous-sol, son deuxième grand thème : la raison ! le narrateur se révolte aussi contre le déterminisme au nom duquel l'homme essaie toujours d'expliquer ses actions sous l'égide des lois de la raison. Convaincu de son destin d'exception, l'anti-héros du roman de Dostoïevski, est un personnage qui doute (un doute omniprésent) et par corrélation, il ne peut comprendre les autres vu son conflit intérieur qui le ronge déjà.

Dostoïevski nous montre dans ce roman son grand talent en matière de psychologie. C'est un texte violent et tranchant dont les pages ouvriront la voie aux plus grands maîtres de la littérature contemporaine, notamment Kafka.
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A ce jour, je n'avais jamais lu d'ouvrage faisant état d'une névrose de façon si remarquable. Les Carnets du Sous-Sol mettent en exergue une écriture frénétique en immergeant le lecteur jusqu'au bord de la noyade. L'auteur fait part d'un combat incessant entre l'intériorité du narrateur que la symbolique du sous-sol vient matérialiser, et l'extérieur vécu comme une réalité profondément aliénante. Entre ces deux pôles, un gouffre au-dessus duquel une corde raide serait l'objet de toutes les tensions du personnage, gouffre qui s'ouvre dès les premières lignes dans un vertige à la croisée de questions existentielles, philosophiques, ethnologiques, et psychanalytiques avant l'heure.
Ce que je retiendrai du livre, c'est la grande question universelle de la liberté qui taraude les Hommes : quelle est la joie pour eux de s'aliéner dans le réel (qui plus est empirique) d'une société qui les bride ? Moi affranchi contre Sur-Moi rigide et inflexible, c'est là tout l'art de Dostoïevski de créer des situations entre ces deux pôles, situations dans lesquels des personnages mettent en relief la division d'un homme terrassé d'abord par lui-même. La "dialectique de la déviance" selon le titre de l'article de Louis-Thomas Leguerrier condamne une situation sans issue, et le critique affirme par les mots de Lukacs « [...] le tragique d'un homme qui vit directement, au plus profond de lui-même, ce qui est seul essentiel, mais qui ne peut qu'échouer de la plus pitoyable façon sitôt qu'il se heurte à la moindre réalité extérieure.»
Vous l'aurez compris, Les Carnets du Sous-Sol tentent de désaxer les lois statiques du réel par les faits et gestes déroutants et désespérés d'un protagoniste tout à fait conscient de la folie qui le guette. A lire absolument.
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Écrit brillant: monologue et divagations d'un homme amer, intelligent, mais brisé par la bassesse et la stupidité humaine. Je n'y ai pas pensé en le lisant, mais en écrivant la chronique je ne peux m'empêcher de me dire que Dostoïevski était ce qu'on nomme aujourd'hui un haut potentiel. Cette confession, dont certains passages sont certainement tirés du ressenti de l'auteur, montre l'hypersensibilité de cet homme. On est au-delà de la finesse d'analyse: il y a l'aveu d'un mal être, d'une incompréhension du monde, qui s'exprime ici par la méchanceté. On sent néanmoins toute la force que l'on peut tirer de cette profonde incompréhension du monde, force que Dostoïevski utilise sans doute pour écrire. (Plus sur Instagram)
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Qui est cet homme qui ressent le besoin d'écrire une confession ? Cet homme qui vit dans un trou, humide, noir et sombre comme son âme.

On saura juste qu'il a été orphelin, puis fonctionnaire. Un petit héritage lui aura permis de démissionner et de survivre dans la pauvreté.

Un homme méchant mais comme à contre-coeur. Un homme qui veut le mal, puis le regrette mais recommence.
Un homme bilieux, sombre qui semble se satisfaire d'être malheureux, qui réfléchit mais semble prisonnier de ses contradictions.

À vous lecteur de vous confronter à cette étrange et terrible confession divisée en deux temps : le premier où l'homme nous narre sa philosophie de vie et la seconde, où il se concentre sur un épisode terrible de son passé.

Ce roman est une expérience de lecture très intéressante. Dostoïevski nous peint un anti-héros, un homme que l'on déteste très vite. Un homme qui semble rejeter l'humanité, qui se plaît à haïr les gens, mais qui recherche leur compagnie à d'autres moments. Un combat perpétuel entre ses accès d'empathie, vite contrecarrés par des pulsions de méchanceté.

Au travers des pages, le lecteur se retrouve à explorer les recoins les plus sombres de la psyché, se perdant dans la logorrhée du narrateur.

Cet homme nous heurte par ses obsessions, ses fixations, ses prétendues offenses subies. le pire c'est qu'il est conscient de celles qu'il inflige, volontairement et malgré lui également.

Un homme enfermé dans ses paradoxes, malheureux au final.

Un récit incroyablement dérangeant que j'ai adoré et qui confirme, encore une fois, que Dostoïevski est un de mes auteurs préférés.
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L'homme dont il est question se présente d'emblée comme un homme méchant, détestable, voire monstrueux, mais au fil des pages, on le découvre bien davantage d'une lucidité acérée, pour dénoncer les tentatives "scientifiques" de faire le bonheur de l'homme. Et l'avenir, le goulag, lui donneront bien raison. Il recherche en outre la vérité absolue et donc la dégage de toute tartuferie, bons sentiment pour arriver à l'os - en prémice de la psychanalyse. L'homme n'est pas guidé par ce qui est bon pour lui, mais par des moteurs plus obscurs - on pourrait appeler ça les bénéfices cachés dont parle la psychanalyse. Dans un format court, Dostoïevsky parvient efficacement à imposer la littérature comme vecteur de connaissance de soi - et non comme "évasion", "distraction", et "recettes du bonheur". Il pose déjà les bases du personnage dostoïevskien que l'on retrouvera dans ses autres romans, comme l'Idiot, les Démons, où les personnages semblent animés par des pulsions chaotiques. L'orgueil aussi, le décalage du personnage par rapport à ses contemporains, qui grandit, au point de devenir une barrière empêchant toute évolution. Ces contemporains, "des moutons", exacerbent cette colère qui le renvoie également à son incapacité à donner une autre tournure à sa destinée, dans un mécanisme pervers et irrépressible. le décalage, ce surcroît d'intelligence et de sensibilité, naît aussi de sa condition - il est orphelin - comme plus tard le héros de l'Adolescent.
Donc un ouvrage court mais dense, qui prépare déjà les oeuvres magistrales à venir et qui consacre la littérature comme élément puissant et incontournable de la connaissance, de la résistance aux recettes de bonheur toutes faites et d'une universalité à fonder dans une introspection sans concessions - "Madame Bovary c'est moi", disait déjà Flaubert.
L'option "sourcière" de la traduction d'André Markowicz trouve ici également toute sa légitimité et sa pertinence. L'homme dont il est question habite dans un sous-sol comme il en existe beaucoup dans les villes modernes et non dans un mythique souterrain !
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Mais quelle horreur que ce roman!!
N'en déplaise à toutes les critiques optimistes lues sur ce site, j'ai trouvé "Les carnets du sous-sol" horrible.
Dans une première partie, constituée d'un monologue, le narrateur ne fait que se déprécier et critiquer la nature humaine: "mauvais", "ridicule", "mépris", "honte" ponctuent le récit, nous assenant l'image ô combien négative de notre espèce...
Si vous n'êtes pas à deux doigts de vous flinguer, continuez donc et lisez la partie deux. Ici le narrateur nous raconte des passages de sa vie. Il a beau être moche et méchant, il tente quand même d'approcher les autres énergumènes de son espèce. Ceux-ci se révèlent tous plus idiots les uns que les autres. Homme ou femme, tout le monde finit dans le même panier, celui de l'inutilité et de la laideur. Les dialogues rapportés n'ont ici d'autre but que d'attester d'une certaine culture du narrateur (Double de Dostoïevski? Pour le coup, je préfère ne pas y croire) agressant le manque de réflexion (pour ne pas dire la connerie) de ses semblables.
Bref, si vous lisez pour vous évader, passez votre tour, car ce texte ne peut vous envoyer que vers une seule destination: le fin fond de votre lit, boule "Quiès" comprises, pour échapper au vilain monde des humains qui vous entoure.
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Je veux parler de la traduction d'André Markowicz... Qui mérite qu'on le nomme, tant son travail détonne en comparaison des versions plus anciennes. C'est une langue venimeuse qui est prêté au personnage de Dostoïevski, cet homme méchant dont les faiblesses sont parfois les nôtres et celles de notre temps. Car le lecteur d'aujourd'hui sera troublé de lire avec quelle pertinence l'auteur, de son siècle, avait cerné toute la laideur de notre modernité. Un beau texte qui n'a pas fini de nous déranger.
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Enfin j'en termine avec cette première incursion dans la littérature russe. Un petit roman de moins de 200 pages que j'ai mis plus de 3 semaines à lire, pas que le récit soit inintéressant, bien au contraire. C'est dense et certains passages méritent qu'on s'y arrête. J'ai été tantôt happée par le récit de ce narrateur dépressif et paranoïaque, tantôt ennuyée par sa vision négative et noire de la vie et de la société dans lesquelles il vit. Mais c'est globalement une bonne surprise et le texte est très intéressant et puissant. Aucun doute que ma découverte de la littérature russe ne va pas s'arrêter là.
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