Première enquête du duo Holmes-Watson, qui ne devait pas vraiment être un duo pour
Conan Doyle...
Watson revient de la guerre en Afghanistan. Convalescent, il cherche un logement pas trop cher. Un ami lui parle d'un original qui fait des expériences médico-chimico-physico-(il)légales dans son laboratoire. Watson et Holmes se rencontrent et optent pour le 221B Baker street. C'est emballé pesé en très peu de pages. Car l'essentiel pour
Conan Doyle est ailleurs. J'y viens.
Ensuite, on a quelques pages sur ce qui va devenir la marque de fabrique de
Conan Doyle, et les prémisses de la police scientifique: les déductions et la pensée analytique de Holmes.
Puis survient le double meurtre de deux ressortissants américains. le premier empoisonné dans une maison abandonnée, le second poignardé dans la chambre de la pension où il demeurait avant de partir pour Liverpool. Holmes proclame qu'il voit clair dans ce double meurtre. Fin de la première partie, assez courte.
Début de la deuxième partie qui projette le lecteur en Utah, où une caravane de mormons recueille un homme (John Ferrier) et une jeune fille (Lucy) en plein désert, où ils seraient morts de soif et de faim, assurément. N'écoutant que leur bon coeur, les mormons monnaient leur aide contre une conversion à leur foi... de sacrés gaillards, ma foi !
A Salt Lake city qui se construit peu à peu, John Ferrier fait fortune au sein de la communauté, mais ne se marie pas. Il élève Lucy, devenue sa fille adoptive. Les pressions mormones sont de plus en plus vives pour que Ferrier soit polygame, ce qu'il refuse, et ensuite pour qu'il marie Lucy à un fils d'un des deux plus hauts dignitaires de la communauté. Or, Lucy aime Jefferson Hope, un "gentil", c-à-d un extérieur à la communauté. John Ferrier n'a qu'une possibilité : fuir avec Lucy et Hope. Hélas ils sont repris, Ferrier est assassiné, Lucy est obligée d'épouser un homme qu'elle n'aime pas, elle meurt peu après. Hope jure de se venger, il suit Stangerson et Drebber en Angleterre, où ces deux péquenots pensent être en sécurité (ils ont peur de Hope...). Fin de la deuxième partie.
Cette partie est longue, le style est plus travaillé que dans la première partie. C'est le corps du court roman. On est à l'origine dans du pur roman d'aventures. Pour l'anecdote,
Conan Doyle emprunte le propos à
R.L. Stevenson (qu'il apprécie). Il veut faire de Hope le personnage central du roman. Se mêlent également des influences de
E.A. Poe (
Auguste Dupin) ou de Gaboriau (influencé lui-même par
Poe).
La troisième partie est très courte. On a droit (petit pataquès) de nouveau aux mêmes déductions et pérégrinations analytiques de Holmes. Redite assez étrange, d'ailleurs. Clap de fin.
Conan Doyle mettra un moment à fourguer son roman. Il en vend les droits (selon Wikipedia) contre 25 livres sterling de l'époque. Ce n'est pas un mauvais deal, mais ce n'est pas une somme fabuleuse non plus. le roman mettra ensuite 1 an à être publié. On ne peut pas en vouloir à l'éditeur... On se demande qui est le personnage principal. Holmes, Watson, Hope... sans oublier Gregson et Lestrade. Watson, outré par le fait que les lauriers reviennent à deux policiers qui n'ont rien fait, proclame haut et fort, face à un Holmes magnanime, qu'il va faire éclater la vérité... les carnets du
Docteur Watson sont nés.
Au final, cela manque d'équiilibre, comme si
Conan Doyle était devenu le prisonnier de Holmes (calqué sur un professeur d'université qu'il a fréquenté avec
R.L. Stevenson)... comme si ce dernier avait pris le pas sur Hope.
Simenon a dit un jour que le personnage principal échappait souvent à son auteur... Ici, Holmes n'est clairement pas encore "fini" ou défini. C'est un original, mais pas encore le misantrhrope imbu de lui-même que l'on aura par la suite. Mais tous les ingrédients sont là, et bien là, et
Conan Doyle saura le reconnaître. Plus étrange, on découvre un
Conan Doyle se dressant contre la communauté mormone. Il écrira plus tard un roman sur le Congo où il dénoncera les exactions de Léopold II, devenu roi des Belges. Ici, il dresse un portrait des mormons qui conduirait presque le lecteur à absoudre Hope pour son double crime.