Comment fonctionne un stagiaire amoureux? Telle est la question à laquelle s'efforce de répondre, avec un talent et un esprit certains, le petit roman "
Le Stagiaire amoureux" de Thierry du Sorbier. Rapide rappel des faits: Amory est un stagiaire peu débrouillard, plumitif au sein de la rédaction d'un petit journal régional de province. A ce titre, l'incipit de ce bref roman est magistral: "Mais qui m'a trouvé un tordu pareil? Je dois vous dire une chose, Amory, corriger votre copie, ça donne l'impression de récurer des chiottes." Rien de tel pour vous camper un personnage.
Que faire avec un client comme cela? Impossible de le virer: il est pistonné. le rédacteur en chef l'envoie donc dans un village où, preuves à l'appui, il ne s'est strictement jamais rien passé. On pourrait voir dans cet exil forcé (mais qu'Amory prend comme une promotion) une forme de voyage initiatique. Soit! Faisons-le. Comment Amory va-t-il réagir dans un tel patelin?
Il trouvera toujours quelque chose à raconter, débitant des articles entiers sur rien du tout, suscitant des avalanches de lettres de lecteurs favorables ou défavorables à sa prose. Mais voilà qu'une équipe de cinéma américaine débarque... des vedettes. C'est là que se noue le drame.
Le lecteur peut s'attendre, en effet, à ce qu'Amory réagisse comme un vrai journaliste, et saute sur le scoop afin de l'analyser sous toutes ses coutures. Il n'en sera rien: Amory préfère s'intéresser aux champignons de M. le Maire. C'est là que le rite initiatique prend un sens: l'aspirant journaliste ne réagit justement pas comme tel, ce qui le rend profondément différent. le pire, c'est qu'il fait ce qu'on attend de lui: brasser de l'air plutôt que chercher l'information alors qu'elle est là. Autant dire que nous avons affaire au ravi de la crèche, plus proche de la vérité que d'autres parce qu'il regarde le monde avec un regard naïf plutôt que de sauter sur les choses à la mode.
L'ouvrage est par ailleurs traversé par le fromage: tous les villages évoqués portent le nom d'une gomme savoureuse, ce qui devrait donner faim à plus d'un. Mais l'un des détails les plus fondamentaux de ce roman reste le caractère irrémédiablement amoureux du stagiaire: dès qu'il rencontre une fille de son âge, il ne peut s'empêcher d'avoir un coup de foudre. Cela, avec le coup de coeur "à part" qu'il réserve à la standardiste de la réception du journal. Son exil initiatique à Saint-Paulin va le séparer de cette femme, et le jeter dans les bras d'une starlette hollywoodienne - une brève aventure qui lui vaudra les honneurs de la presse à scandale.
Et dès que Hollywood met les pieds quelque part, il faut un happy end conforme à ce que le public sent venir de manière énorme - et
Thierry du Sorbier joue le jeu jusqu'au bout, avec une pointe d'humour. En effet, la standardiste tombe dans les bras de "celui qui a sorti une starlette hollywoodienne" au moment du générique de fin, avec les baisers passionnés de rigueur. Et par-delà ce happy end, on peut dire que l'épreuve initiatique est réussie... bien que d'une manière non orthodoxe. Alors, "
Le Stagiaire amoureux", ouvrage plein d'une apparente légèreté, serait-il aussi un hymne à la différence? A vous d'en juger.
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