C’est arrivé à moi
Extrait 2
Je n’ai pas reconnu tout de suite
qu’elles pouvaient l’une et l’autre toucher
d’un doigt semblable un cercle de même rayon ;
et l’une et l’autre se toucher
à travers des fenêtres semblables.
J’avais déjà beaucoup à faire
à ne pas me tromper d’œil pour les voir
et à les toucher sans colère l’une après l’autre
comme les seins d’une troisième qui semblait
me venir d’elles par moments.
Étais-je seul dans leur pensée
et dans leurs quatre mains à la manière des pianos ?
Les vêtements que l’une m’enlevait
étaient ceux-là dont au même instant je sentais
l’autre me vêtir.
Elles s’en sont allées, la perle de l’une à l’oreille de l’autre
et inversement,
tandis que je voyais mes mains faire deux ombres
sur une seule table avec un seul soleil.
Si le bruit recommence…
Si le bruit recommence à prendre mon oreille
comme un arbre sa pomme ;
Si je ne suis plus moi-même au volant des vagues
pour conduire la mer où la mer serait mieux ;
Si j’ai des horizons qui m’entrent dans les yeux,
un cri pour ne toucher que le tympan des morts ;
Si un rien m’étrangle, et encore !
sans gorge pour les doigts de l’oubli fouillant la mémoire
comme une veste son armoire ;
Si cela recommence et si cela se réinstalle et si
je dois signer ma propre figure et me scier ma scie
comme un clou se clouerait soi-même dans son fer ;
Si cela est vraiment la chose nécessaire
et le dernier bélier par quoi s’ouvre la porte
et si c’est par ici qu’il faudra que je sorte,
je veux bien! mais, alors, que quelqu’un me le dise !
Que quelqu’un me le dise et je reste sur terre,
fixe dans mon sourire et droit sur mon derrière.
C’est arrivé à moi
Extrait 1
Une étrange
fille, tout à fait l’envers
d’une autre qui était
venue un jour et ne s’en allait pas ;
une fille offrant d’abord
ce que l’autre ne m’avait
donné qu’en suite ;
achetant les boîtes pour leur couvercle
et réservant pour dans longtemps
le plaisir de se découvrir ensemble, par exemple,
à la même fumée deux cigarettes différentes ;
ronde vers le dehors et satisfaite
comme de fournir des fruits,
tandis que l’autre était creuse et secrète
comme d’aimer manger des coquillages.
Est-ce pour épargner au ciel
la vue du sommet de ton crâne,
que tu portes ce grand chapeau ?
La pluie, semblable aux larmes,
tombe, dit-on, comme un regard.
Extraits du spectacle "Les diablogues", de Roland Dubillard.
Mis en scène par Stéphane Eichenholc et avec Eric Guyonneau,
en Février 2009 au Théâtre de la Semeuse (Nice).