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sur 1083 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'avais décidé de rester zen par rapport à la rentrée littéraire, une PAL conséquente et une volonté de fer de ne pas céder à la tentation mais voilà comme un enfant rentrant dans un magasin de jouets (en faite un tour dans ma librairie préférée) et me voilà avec quelques nouveaux livres sous les bras, quelle volonté !

Paul Katrakilis s'est expatrié à Miami pour vivre de sa passion . Ces dernières années ressemblent à un rêve éveillé, une vie tranquille, une amitié solide, l'arrivée miraculeuse d'un petit chien, seul un amour manque peut-être à l'idyllique tableau. Mais le suicide de son père médecin l'oblige à rentrer en France. Paul ne semble pas plus déboussolé que ça, grand-père, oncle et mère ayant choisit la même disparition.
On retrouve chez Jean-Paul Dubois tout ce qui fait le charme de son écriture, ton désabusé, regard lucide sur ses contemporains, les mêmes obsessions chez ses personnages de livre en livre. Comme si après tout, le second degré et l'humour mélancolique étaient les meilleurs remparts pour donner un sens à nos brèves existences. Puis le roman perd de sa légèreté pour glisser insidieusement vers des émotions plus profondes. Dubois brasse un flot de sentiments qui nous met la boule au ventre, et c'est alors en tout point remarquable, le deuil, la fin de vie, la filiation, la folie autant de thèmes que l'auteur d' »Une vie française » déroule avec justesse et force.
Un très grand roman, de ceux qui trottent longtemps dans ma petite tête. Coup de coeur évident 
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Par où commencer une chronique quand un roman bouleverse les pages de ta vie. Je découvre Jean-Paul Dubois, son écriture, sa plume, avec ce livre sur « la succession », le deuil, la vie et l'amour impossible.

Par où ?
La Floride, bien sûr, Miami. du soleil, des boites de nude girls, et le paradis des strings, bien sûr. Non oublie toutes ces émotions, tu n'es pas dans un roman de Tom Wolfe qui a tant su me vanter les charmes de Miami et ses atouts proéminents. Florida, orange sanguine et sex on the beach… Je me dois donc de délaisser la plage, ses marais de crocodiles et ses danseuses latinas pour me concentrer sur cette corbeille en osier que les aficionados nomment en bon basque chistera, ces trois murs qui se dressent devant moi, une foule hurlante, les paris sont fous, parier sur moi, le pauvre type, le jeune médecin un peu fou qui a plaqué la médecine de papa pour vivre de sa passion, la pelote basque.

Quelques années de bonheur. Un bonheur pur même, une insouciance idyllique, l'homme ne vivant que de sa passion, qui s'est arrêtée promptement le jour où le consulat de France lui apprend le décès de son père, médecin reconnu de Toulouse. Ô Toulouse… Je ne te sors pas la vieille rengaine, tu connais le refrain, l'homme doit faire un choix. Dilemme. Comment abandonner sa passion et prendre la succession de son père. Mais quelle succession d'ailleurs ?...

Retour en France, un chien en soute et les souvenirs qui remontent à la surface. Des moments d'enfance, des instants d'incompréhension. Une famille pas vraiment aux normes, où est donc l'amour ?... Une famille qui ne s'est jamais comprise, qui n'a jamais communiqué, qui a laissé dériver le mal-être de chacun. Succéder aux gênes familiaux ? Succéder au sacerdoce familial ? La médecine, pffff… c'est plus vraiment ce que c'était…

Alors je le revois traverser les Pyrénées pour descendre jusqu'au Pays Basque, admirer au détour d'un virage l'étendue bleutée de l'océan, les bruits sourds de la pelote cognant contre le jaï-alaï, et mon coeur qui cogne encore et encore, la sueur sur les tempes, sentir le goût de l'huile emplir ta bouche quand tu mords dans un churros. Je l'imagine aussi à l'autre bout de la planète, au milieu des culs rebondissant des latinas dansant face au jaï-alaï de Miami, et un vieux bateau pour se promener sur cette autre étendue bleutée. Un Fisherman's Friend ? Oui ne pas oublier l'ami des marins avant de s'embarquer sur la mer, sur ce livre, sur cette succession. Puissant roman, putain de roman j'ai même envie d'écrire, un roman qui m'a parlé, qui m'a ému.
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
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La rentrée littéraire 2016 n'est pas sous le signe de la gaudriole, c'est le moins qu'on puisse dire : meurtres (California Girl's, the Girls, Laëtitia…) et suicides à tous les étages, si j'ose dire.

C'est du huitième étage, en ce qui le concerne , que le père de Paul Katrakilis, médecin généraliste toulousain, va sauter, la bouche bâillonnée de scotch, quant à la mère de Paul, italienne et horlogère,elle a préféré les gaz d'échappement d'une Triumph, son grand-père, ancien médecin du regretté Staline, en tenait pour les armes à feu et pour l'oncle de Paul, frère quasi incestueux de sa mère, rien ne vaut une bonne moto projetée contre un mur…

On comprend que Paul, médecin lui aussi, décide de fuir à toutes voiles cette généalogie aussi cosmopolite que suicidaire et préfère envoyer contre un mur…une balle de cuir, balancée avec vigueur par un gant d'osiers tressés, sur les frontons de pelote basque de Miami, mettant ainsi un océan et quatre années de bonheur, de sport et d'insouciance entre lui et cette famille hautement toxique…

Il se fait un copain, joueur de chistera comme lui, et adopte un chien qu'il a sauvé de la noyade et qu'il appelle Watson. La vie semble lui sourire à nouveau.

Mais on ne fuit pas un héritage aussi lourd sans qu'il vous rattrape au bond, comme une balle pelote…C'est à Miami que lui parvient la nouvelle de la mort de son père. Il rentre pour liquider une bonne fois pour toute la succession familiale. Pas facile.

Paul tente d'échapper à l'emprise sournoise et macabre de ses disparus, il fait la navette entre Toulouse où le réclament les formalités, les patients de son père et deux carnets de moleskine où son père tenait une étrange comptabilité, et Miami où l'attendent ses copains, sa pelote, et bientôt un grand amour pour une belle norvégienne un quart de siècle plus âgée que lui qui le quitte sans crier gare.


J'ai adoré le livre de Jean-Paul Dubois : il m'a d'abord fait rire, oui, rire, tant l'humour caustique, jamais cynique, rend les situations les plus tragiques cocasses, absurdes, ou délirantes.

Mais c'était un piège subtil : captée, amusée, divertie, je n'ai pas senti venir la gravité, tapie dans cette ironie, et bientôt mise à nu : elle m'a cueillie à l'improviste.

Touchée, coulée.

Ces histoires familiales pleines d'ombre, parce qu'on les cache, et d'incompréhensible désespoir,- car comment les expliquer ?- ne me sont pas étrangères. Je les reconnais. J'ai senti et j'ai fui leur spirale vertigineuse, même si je ne joue pas à la pelote basque et ai peu de goût pour les jeux de balle en général…

La fin du livre est toute imprégnée de cette ombre-là, et des interrogations que déclenche un autre « héritage » paternel découvert dans les carnets de moleskine : faut-il laisser la mort accomplir ses ravages et ses désastres sans apporter la réponse qui délivre ?

Faut-il soi-même venir à sa rencontre ?

Graves questions, aussi graves que la mort pathétique du dernier quagga – une sorte de zèbre blanc- dans un zoo, à la fin du XIXème siècle – un passage inoubliable et bouleversant.

Les animaux en effet nous donnent des leçons d'empathie et de fidélité à revendre. Ils sont parfois si proches des hommes : il ne leur manque que la parole. Et le regard de souffrance ou d'affection qu'ils nous lancent n'en est que plus poignant.

Paul Katrakilis est, comme Paul Snijder , un narrateur ami des chiens. Jean-Paul Dubois parle des chiens avec tendresse, avec justesse : il a dû être chien dans une autre vie. C'est au souvenir de Watson que le narrateur, qui en a vu d'autres pourtant, se met « à pleurer comme un enfant parce que c'était la seule chose qu'un homme raisonnable puisse faire à un moment pareil. »

Car ce livre drôle est un drôle de livre et fait presque pleurer.

Alors pour le quagga exilé dans un zoo , pour Laïka, spationaute carbonisée, pour Watson, chien sauvé des eaux, pour Invild Lunde, au joli nom d'oiseau des mers, dont l'esprit sombre avec élégance, drapé dans ses ailes de plume, pour le chat ensoleillé du poème de Maurice Carême, pour Paul et ses hespérophanes irréductibles, pour tous ces moments de tendresse partagée avec les souffrants, les mourants, les mal lotis, les mal aimés, il faut lire ce livre étonnant, si drôle et si triste à la fois.

On en sort ému, secoué, avec un drôle de picotement au coin des yeux et le coeur un peu à l'envers, et on a envie, comme Paul le marin-qui-avait-le-mal-de-mer, de suçoter un Fischerman pour se remettre.
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Cela fait plusieurs années que Paul Katrakilis est pelotari professionnel au Jaï-Alaï de Miami, ce casino où l'on parie sur les joueurs de pelote basque. Diplômé de médecine, il a préféré s'écarter de la voie tracée par son père et son grand-père, eux-mêmes médecins, pour vivre modestement d'une passion qui lui permet en outre de prendre ses distances avec une famille aux tendances névrotiques et suicidaires. le décès paternel le rappelle toutefois à Toulouse, pour y régler une succession qui va s'avérer bien plus encombrante qu'escompté : on n'échappe pas si facilement à ses atavismes…


On se délecte chaque fois autant de la plume et de l'humour de Jean-Paul Dubois qui, du rire aux larmes, entre gravité et légèreté, nous embarque pour notre plus grand plaisir dans l'exploration de ses thèmes de prédilection. Nous nous retrouvons donc à nouveau aux côtés d'un narrateur prénommé Paul, appliqué à se choisir une vie outre-atlantique pour se retrouver irrémédiablement rattrapé par un destin familial aux allures de malédiction. Si le propos s'habille d'une fantaisie cocasse, accentuant avec dérision les névroses qui ravagent chaque membre de la famille Katrakilis, il n'en suinte pas moins une profonde mélancolie, alors que l'envie de vivre, grignotée par le deuil, la solitude et la désillusion, y cède peu à peu la place à l'aliénation et à la dépression. Les personnages, enlisés dans le sillon de vie tracé par leur filiation, subissent un destin qui les emprisonne et leur coupe les ailes, au point que leur liberté finit par se résumer au seul choix de leur fin de vie.


De la pelote basque convertie en business mafieux au droit de grève quasi inexistant aux Etats-Unis, de la médecine aux ordres de la dictature soviétique à celle qui se résout discrètement à pratiquer l'euthanasie réclamée par ses patients, d'automobiles miteuses à d'autres presque mythiques, ou de la disparition du dernier quagga dans un zoo d'Amsterdam au touchant attachement à un chien sauvé de la noyade, la balade finit, malgré tous ses détours, par nous ramener à l'essentiel : « Je regrette de ne pas avoir su trouver ma place. » « Il ne faut jamais se tromper de vie. Il n'existe pas de marche arrière ».


Ce texte admirablement écrit, dont la désespérance se pare élégamment d'un humour désabusé, est un curieux cocktail de tristesse et de drôlerie qui vous empoigne le coeur comme il vous séduit l'esprit. Il ne déroge pas à la règle : les romans de cet auteur sont irrésistibles. Coup de coeur.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Ici le héros s'appelle Paul.
Comme dans "Le cas Sneijder".
Comme dans "Une vie française".
Comme dans "Les accommodements raisonnables"…
En fait chez Jean-Paul tous les héros s'appellent Paul. Et si leurs péripéties s'inscrivent chacune dans un registre différent, les Paul de Jean-Paul ont souvent en commun cet humour mélancolique et un poil dépressif auquel je ne résiste pas.

Ici voici un Paul joueur professionnel de pelote basque et accessoirement médecin, installé en Floride et accessoirement en région toulousaine.

C'est compliqué ? Certes, et encore, ce n'est qu'un aspect succinct de la vie de notre Paul, bringuebalé entre ses affres existentiels de trentenaire approximatif, et une famille pour le moins névrosée dont il cherche désespérément à s'affranchir.

Mais finalement peu importe l'intrigue, car Jean-Paul Dubois est décidément une sensibilité à part, un univers à lui seul, et quel que soit le drame qu'il nous conte c'est avant tout la grâce de son imagination décalée qu'il s'agit d'apprécier.

Absurdité de situations, intime alchimie entre tragique et comique, émotion, ironie, dérision, poignantes introspections… c'est bien simple, moi, chez Dubois, tout me plait.

Courez-y, si ce n'est déjà fait.


Lien : https://minimalyks.tumblr.com/
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« Je regrette de ne pas avoir su trouver ma place. »
« Il ne faut jamais se tromper de vie. Il n'existe pas de marche arrière. »

Tout est là…enfin presque. Pour en arriver à ces constatations existentielles assez définitives, il faut suivre les aventures de Paul Katrakilis, quadra toulousain un tantinet déboussolé, médecin de formation comme son père et son grand-père ; éprouver son bonheur de pratiquer en pro la cesta punta à Miami tout en vivant au jour le jour ; apprendre le suicide du paternel et finalement revenir en France pour affronter les fantômes familiaux qui ont tous choisi le suicide pour tirer leurs révérences.

On fait plus enthousiasmant comme trame romanesque.

Et pourtant, ce roman est diablement efficace, enlevé, oscillant avec brio en permanence entre humour et gravité.
Il faut dire que le personnage principal est attachant malgré sa solide dose de mélancolie, voire de dépression. La fantaisie n'est jamais loin malgré un propos mordant et foncièrement triste. C'est cette subtile alchimie qui m'a plue et me poussera à tenter à nouveau l'expérience Jean-Paul Dubois.

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Si le bois ne se bonifie pas forcément avec le temps comme le vin, je lis pourtant Dubois comme je bois du (bon) vin ^^
Il est des auteurs comme ça qui réussissent à créer un lien de fidélité avec les lecteurs, Jean-Paul Dubois en fait partie, en ce qui me concerne du moins. Je suis toujours avide de découvrir son dernier opus, et plus le temps passe plus le plaisir est là. Mille mercis Monsieur Dubois.

Après le cas Sneijder (prononcez Chnéyeuder... enfin je crois), pas loin de figurer au top de mon palmarès Dubois, voici La succession (prononcez dépression... il me semble).
Superbe roman dans lequel les refrains de l'auteur sont poussés à leur paroxysme : le désenchantement, la douce ironie, la drôlerie... jusqu'à la fin de vie. Car oui ce roman ci traite de la fin de vie, à travers une famille marquée par le gêne du suicide, à l'instar de la famille Hemingway. Tout cela n'est pas drôle pensera-t-on, et pourtant, avec cet auteur le cocasse effleure le propos, le rire ne manque pas de percer au détour d'une phrase, une situation, un bon mot. Humour noir, désenchantement ou douce mélancolie désespérée, si la mélodie reste toujours la même le morceau quant à lui touche au suprême (re ^^).

Comme si tout cela devait se rapprocher d'une fin.
J'espère que cette supposée fin n'est pas celle d'une production, j'attends déjà avec impatience de voir le bouchon s'éloigner encore un peu plus de notre rivage, dans son prochain livre.
En attendant, je la relirai à coup sûr, cette succession.
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Une vieille voiture, un petit bateau, un ami cubain, un chien sauvé des eaux, la cesta punta et le soleil de Miami...Depuis quatre ans, Paul Katrakilis s'est construit une vie simple et heureuse, loin de Toulouse et de son père, le docteur Adrian Katrakilis. Mais quand celui-ci se jette du huitième étage d'un immeuble, Paul rentre en France. Dans la maison familiale déserte flotte encore le souvenir d'une famille mortifère qu'il a fuie sans vraiment réussir à s'en détacher. Ces êtres qui ont partagé sa vie sans qu'il les connaisse et qui ont tous mis fin à leurs jours : son grand-père Spyridon, un des médecins de Staline qui a quitté l'URSS en catimini avec dans ses bagages un petit bout du cerveau du Petit père des peuples, suicidé par arme à feu; sa mère, une femme éthérée et distante, plus proche de son frère que de son mari, suicidée dans les gaz d'échappement de la Triumph paternelle, son oncle qui vivait sous leur toit, suicidé au volant de sa moto. le seul bon souvenir de sa jeunesse, ce sont les vacances sur la côte basque, la pelote qu'il découvre et qui devient sa passion puis son métier. Paul est médecin mais n'a jamais exercé, préférant les frontons aux cabinets médicaux. Pourtant son père avait prédit qu'il prendrait un jour sa succession. Paul s'y refuse et pourtant...


Encore un Paul, encore Toulouse, encore la petite musique mélancolique de Jean-Paul Dubois et toujours le même phénomène d'addiction quand on ouvre un de ses livres. Ici, son Paul traîne son mal-être jusqu'en Floride, tentant d'échapper au déterminisme familial en profitant des petits riens de la vie, une promenade en bateau malgré le mal de mer, un lever de soleil, vivre de sa passion. Dans un monde souvent cruel, - et les joueurs de pelote basque sont une marchandise inter-changeable, corvéable à merci, sous-payés et exploités, - il reste tout simplement heureux, de pratiquer le sport qu'il aime, d'avoir mis des milliers de kilomètres entre lui et ses souvenirs. Pourtant, peut-on vraiment échapper à son héritage ? Peut-on fuir une succession toute tracée ? En revenant en France, Paul découvre toute l'étendue de ce que lui laisse un père que finalement il n'a jamais connu. Encore une fois, c'est un fardeau. Mais si son père l'assumait derrière une nonchalance de façade, lui ne sait pas comment marcher dans les pas de son géniteur...
Sombre mais émouvant, ce roman laisse son empreinte, une trace dans la mémoire du lecteur comme tous ces livres tellement touchants qu'on voudrait ne jamais les refermer.
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Imaginer que l'on peut changer le cours des choses en s'exilant de l'autre côté de l'Atlantique, c'est ce que notre héros Paul a fait en refusant de rester à Toulouse. Mais peut-on vraiment échapper à son destin ?

La Succession nous donne à voir comment les personnages désabusés se débattent pour quelques moments d'éclaircies. Paul a érigé en véritable art de vivre la pelote basque sous le soleil de Miami, trouvé un amour qui s'est évaporé avant de découvrir la face cachée de cette famille dont il est issu et dont il n'a jamais rien compris.

Jean-Paul Dubois manie tout à la fois la tendresse, l'humour mais surtout beaucoup d'humanité. Un mélange qui m'a une nouvelle fois conquise et profondément touchée.


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J'avais deux, trois idées en tête sur ce que je voulais voir traiter dans un roman qui s'appelle La succession aussi, quand, dès la première page, Paul m'a emmenée à Miami dans le petit cercle des professionnels de la pelote basque, je me suis dit que j'allais être décontenancée. Ce qui a été le cas.

Le monde des joueurs de cesta punta, le Jaï-alaï donc, type de fronton spécifique à ce sport mais aussi, par métonymie, lieu où il se pratique, incluant parfois un endroit dévolu au public essentiellement des parieurs qui engraissent tout un microcosme un peu louche (je précise pour les comme moi qui n'auraient pas su). En Floride. Tout ceci résonne dans mon entendement à peu près autant que l'industrie des parapluies pour un bulot, le calcul de la courbe retour d'un boomerang pour un panda. Autant dire pas. Pas du tout.

Et j'en ai bouffé de la pelote basque. le roman est court mais ça occupe tout de même beaucoup de pages (ressenti 300). Mais comme le narrateur précise dès les premiers mots de son récit que cette période de sa vie constitue la meilleure, ces « années merveilleuses. Quatre années prodigieuses durant lesquelles je fus soumis à un apprentissage fulgurant et une pratique intense du bonheur », j'ai poliment tout lu. Ca m'a rappelé un peu Houellebecq. Une manière d'écrire à la première personne sans y toucher, de parler de sa vie comme on mentionnerait quelque chose de lointain, mais de très précis, sur les effets de quoi on ne se répandra pas même s'il est indéniable qu'il s'agit de quelque chose d'aussi essentiel que radical. le lecteur comprend bien mais son empathie est priée de rester à distance, faudrait pas que le pathétique devienne mièvre, que la solitude soit autre chose que de l'âcre. On ne compatira donc pas, on rira doucement jaune pour faire chorus.

Mais dans les premières lignes, le narrateur est « un homme profondément heureux, comblé en toutes choses ». Ce bonheur inouï placé en initial est constitutivement construit dans un rapport d'opposition et de distance bienvenue avec ses origines « ce territoire désarticulé que j'avais abandonné, et surtout loin de ceux qui m'avaient mis au monde par des voies naturelles, m'avaient élevé, éduqué, détraqué et sans doute transmis le pire de leurs gènes, la lie de leurs chromosomes. »

Tout un programme cet incipit. Maintenant que j'ai fini le livre, je peux bien le confirmer, tout est là, une vraie scène d'exposition. L'humour, le désespoir qui rode et la succession, aussi.

En attendant : cesta punta. Et Watson. le chien que le narrateur sauve littéralement des eaux lors d'une sortie en mer sur son petit bateau à moteur. Un amour indéfectible liera à jamais Watson à Paul. Tout en même temps qu'on fait des ronds dans l'eau, qu'on manie le chistera, on en apprend un peu plus sur les ascendants de Paul.

Katrakilis pour le côté paternel dont on retiendra un grand-père Spyridon qui a ramené de sa vie russe une lamelle du cerveau de Staline conservée dans du formol, et un père, médecin ayant la particularité d'exercer en short ou en slip. du côté maternel, les Gallieni résumés à la mère de Paul et au frère de cette dernière. Entre les deux, des relations fusionnelles au point que lorsqu'il se suicidera, elle le suivra un mois plus tard. Comme le grand-père paternel aura fait de même et que le père de Paul prendra le même chemin, on commence à entrevoir un arbre généalogique vide et pour le moins torturé.

« Notre histoire commençait avec mon grand-père, en URSS, aux alentours des années 40, et il était hors de question d'espérer remonter plus avant dans le temps. Pas un mot sur ma grand-mère, son prénom, la ville où elle habitait, sa vie ou sa mort, comme si Spyridon voulait laisser croire qu'il s'tait reproduit par scissiparité. Pas davantage d'explication sur la consonnance hellène de notre nom, les raisons de notre établissement à Moscou ou sur les circonstances d'éventuelles migrations familiales. Même vide et identique silence en ce qui concerne les Gallieni. (…) Ils travaillaient au magasin. Puis ils étaient morts. Fin de l'histoire. »

Finalement, le soleil de Floride et la cesta punta, c'est pas pire.

Je ne vais pas vous raconter tout le roman même si j'en ai très envie. Sachez seulement que le bonheur n'a qu'un temps. Des circonstances extérieures à la volonté de Paul vont mettre fin à sa carrière de pelotari. Il va devenir serveur dans un restaurant où trône la gorgeous Ingvild Lunde. Norvégienne, élégante, apaisante, « cette Ingvild Lunde incarnait à peu près tout ce à quoi peut rêver un homme depuis son adolescence, à savoir un être symbiotique ayant à la fois la taille de son père et le corps de sa mère. (…) Si les saintes existaient, elles auraient cette carnation. » Amoureux transi, notre Paul. Que la belle ait 26 ans de plus que lui ne change rien à l'affaire, « partout où était cette femme était ma maison ». Venant d'un homme qui n'a jamais entendu « des choses que tous les enfants devraient entendre, des mots qui enlèvent la peur, bouchent les trous de solitude, éloignent la crainte des dieux et vous laissent au monde avec le désir, la force et l'envie d'y vivre », on comprend l'absolue nécessité, l'émerveillement du miraculé que contient cette déclaration.

Comme le récit de Paul n'est pas chronologique, ces événements sont tissés avec d'autres. Là encore, je ne veux pas trop en dévoiler. Peut-être simplement que « Lunde » est le nom du macareux moine, un très bel oiseau. « En mer, lorsqu'il est fatigué, il se laisse flotter, repliant son bec sous son aile. » Alors Paul rêve un instant qu'il aurait pu passer sa vie à Saint-Sébastien, en pays basque, ouvrir un magasin de souvenirs norvégiens avec des petits drakkars et « accrochées partout, des photos d'Ingvild Lunde, la femme que j'aimais, dans sa plus belle et plus noble posture, flottant sur l'eau, la tête repliée sous son aile. »

Et la succession alors ? Très vite le père de Paul meurt. Un suicide, je vous l'ai déjà dit je crois. L'héritage, le retour en France. Plein de choses se passent. Enfin, pas tant que ça, mais tout de même, un chemin, disons. de croix ? Possible. « Ensuite la maison et tout ce qu'elle contenait me tomba dessus. Les plafonds s'écroulèrent, avec ce que l'on avait entassé dans les greniers, les vieilleries et les lunes de de cette famille de cinglés alignés à la morgue, pareils à des cierges à brûler, laissant leurs merdes derrière eux, avec le sang, les viscères, les os brisés, tout ça pour l'héritier, à charge pour lui de tout nettoyer ». Là, on est au coeur du sujet que j'avais en tête et la pelote basque n'aura été qu'un divertissement au sens où l'entend Pascal, pauvre Paul !

Ensuite, ça déroule. Inexorablement.

La dernière ligne lue, dans une stupeur admirative, j'ai compris : la Succession n'est rien d'autre qu'une splendide parce qu'inéluctable tragédie grecque. C'est construit comme cela, pour cela. Une mécanique aux ressorts parfaitement bandés, quoi qu'on y prétende. Contre le destin et les hespérophanes, que peuvent les lunde, hélas ?
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