Paul Blick est, d'après son auteur, un enfant de la Ve République. Il a huit ans en 1958 quand la nouvelle constitution est adoptée et il décide d'en finir avec la vie en 2002, donnant ainsi une mort symbolique à notre régime politique qu'il juge sans doute usé jusqu'à la corde. La vie de Paul Blick se confondrait avec l'histoire de la France, une vie morose, rageuse, ennuyante et, sur la fin, dépressive. On nous prévient en 4ème de couverture, une vraie série noire attend notre non-héros. Comme chaque changement politique est désastreux, qu'il soit de gauche ou de droite, chaque événement est calamiteux dans la vie de Blick.
Jean-Paul Dubois réussirait la prouesse de faire revivre notre histoire au travers de la vie de son personnage. Hélas, ne surnagent dans cette fresque historique que des clichés qui finissent par nous donner une image caricaturale du demi-siècle écoulé. Les années 60 : « une 403 bleu marine ou grise, intérieur en velours ras,
De Gaulle au volant, les deux mains sur le cercle, Yvonne à ses côtés ». Mai 68 : « le bordel pour le bordel ». La présidence de
Georges Pompidou : « le natif de Montboudif avait remis le pays au pli et la nation au travail ». le giscardisme : « en plein XXe siècle on est gouvernés par un président de la République, et j'insiste sur le mot République, qui s'est marié avec une femme du nom de Anne-Aymone de Brantes et a appelé ses deux filles
Valérie-Anne et Jacinthe ? ».
François Mitterrand, un « socialiste en poulaines élevé chez les maristes, ancien membre des Volontaires nationaux et oscillant tout au long de sa carrière au gré de ses intérêts personnels, entre une gauche amollie et des droites opportunistes ». Bref, un « social-traître ».
Jacques Chirac « qui n'était pas grand chose » incarne l'une des « deux formes de bassesse et d'indignité » que la France choisira pour la gouverner (l'autre étant le Pen ). Finalement Paul Blick qui se vante de n'avoir jamais cédé à la tentation du vote, reproche aux Français de s'être laissés berner par une bande de détrousseurs de grand chemin alors que lui-même s'enfermait dans son laboratoire de photos, dans un repli presque infantile.
Paul Blick serait-il une allégorie de la mollesse des Français, de leur caractère velléitaire, de leur incapacité à changer ? Ou, au contraire, incarne-t-il le rejet des compromissions, des petits arrangements, de l'argent ? Les deux sans doute, mais
Jean-Paul Dubois construit son personnage avec un tel manichéisme qu'on ne s'y retrouve pas. Qui est Paul Blick ? le jouisseur qui, entre deux biberons, lorgne sur sa belle-mère et culbute la meilleure amie du couple ou l'ermite qui s'enfuit dans les forêts profondes ? le quadragénaire qui roule en cabriolet MG ou le fils qui nourrit sa mère à la petite cuillère ?
Jean-Paul Dubois ne nous donne pas la clé de son personnage à force de brouiller les pistes. C'est peut-être la mère de Paul Blick qui nous donne la réponse en disant à son fils qu'il est un enfant gâté.
Jean-Paul Dubois atteint cependant une sorte de justesse et de profondeur quand il accepte de mettre de côté les atermoiements de son personnage pour le confronter à ce qui fait de la vie une redoutable épreuve : la perte de ceux qu'on aime. Là, son écriture se fait simple, émouvante et directe, enfin débarrassée des stéréotypes qui nous ont tant pesé.