J'ai lu
La Douleur d'une seule traite, comme l'on boirait un verre d'eau, assoiffé, en plein désert.
Ce roman m'a insufflé des sentiments paradoxaux : calme et fulgurance ; confusion et lucidité.
Duras a traversé l'Histoire. La Seconde Guerre mondiale, elle l'a vécue dans l'attente, l'angoisse et le désespoir. Femme dont le mari fut déporté à Buchenwald puis à Dachau, femme résistante, femme écrivain. Pendant cette période, elle a tenu un journal dont elle n'a pas le souvenir ni de quand ni de où elle aurait pu l'écrire mais elle reconnait l'avoir écrit. Un texte frappant d'émotions justes, de descriptions sans fioritures. Je pense notamment aux pages consacrées au retour du camp de Robert L., son époux. Elle relate la manière dont il a du être nourri pour éviter la mort. Elle relate jusqu'à l'odeur écoeurante et la couleur révulsante de ses excréments. Poignant d'authenticité. Insoutenable parfois.
Ce récit témoigne non seulement de l'espoir éreintant de ceux attendant le retour de leurs proches mais aussi de certains éléments historiques sur la fin de la guerre : le retour des déportés, Jacques Morland (un des noms de guerre de
François Mitterrand),
De Gaulle…
Livre d'un naturel indiscutablement immersif. Je l'ai lu à voix haute intérieure, avec les silences propres au parlé de
Duras. Un seul mot pour en dire dix. Récit dense. Apprendre le passé à travers les confidences de ceux qui l'ont vécu s'avère être une leçon plus pénétrante que celle dispensée par un quelconque documentaire ou cours universitaire. le vivre en outre à travers la prose incisive de
Duras le rend effroyablement palpable. Elle transmet comme personne des états d'humanité pourtant indicibles. J'étais aux côtés de
Duras dans les files d'attente pour avoir des nouvelles des déportés. J''ai mangé à sa table avec
Monsieur X. dans l'espoir de rompre la violence du silence. J'étais dans son ventre pour ressentir la culpabilité de certains de ses sentiments. J'ai ressenti
La Douleur.
Duras, une plume magistrale !