Dans une lettre du 28 juin 1854, Alexandru Hasdeu donnait à son fils, Tadeu-Petriceicu Hasdeu, des conseils sur la façon de se conduire à la guerre. Le jeune Tadeu (qui n’avait pas encore changé son prénom en Bogdan) s’était engagé depuis peu dans l’armée russe, et son père, qui ne cessait de s’inquiéter de son sort, lui envoyait de l’argent, des conseils, des encouragements. Mais voici l’extrait qui me semble véritablement significatif :
J’ai trouvé chez Criste (probablement Vasile Criste, un noble bessarabien ami des Hasdeu) un cahier écrit en moldave : « Conseil à celui qui part pour la guerre ». Ce doit être une composition des anciens temps, lorsque les Moldaves allaient en guerre. En voici un passage remarquable : « Si tu veux que la balle ennemie épargne ta vie dans le feu du combat, veille à la propreté de ton corps, soit chaste, ne suis pas ton corps et va en guerre avec autant de sainteté que tu vas recevoir les sept sacrément, que tu vas communier avec le corps et le sang du Christ, notre Sauveur ! Etc. Prends connaissance de ce conseil issu de l’expérience de nos ancêtres. [...] il illustre le caractère extra-profane, le caractère sacré du combat et de la guerre.
(Conseil à celui qui part pour la guerre)
Dans le roman roumain, il n’y a pas un mystique, pas un exalté, pas un cynique. Le drame de l’existence ne descend pas jusqu’aux racines de l’être. Les personnages roumains sont, encore, loin de participer à la grande bataille contemporaine qui se livre autour de la liberté, du destin de l’homme, de sa mort et de son échec.
Etre libre signifie, avant tout, être responsable vis-à-vis de soi-même.
Mircea Eliade et la redécouverte du sacré (4)