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sur 700 notes
Au décès de son père, Didier Eribon revient au pays. Des années se sont écoulées depuis son dernier départ, quand, séduit par les études supérieures, il décide de s'établir à Paris. La voie qu'il s'est choisi – bien qu'épanouissante au regard de sa vie – sonne aussi le glas d'une rupture précipitée avec sa famille : le milieu populaire dont il est issu, allié au poids solitaire d'une homosexualité qui le marginalise, cristallisent sa honte. C'est en sociologue et fils qu'il raisonne pourtant son retour, ponctuant son récit de ressentis et d'éléments d'analyse sur le déterminisme social, la domination de classe ou encore la subjectivité des valeurs morales.
Entre Annie Ernaux et Pierre Bourdieu, un essai à la croisée du récit.
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Je découvre vraiment (au-delà du nom et de la réputation) Didier Eribon à travers cet excellent ouvrage. J'avoue ne m'être jamais penché sur ses écrits, enfermé que je suis parfois par l'idée que certaines thématiques sont secondaires (et que celle de la question gaie en fait partie, voire qu'elle peut être instrumentalisée pour mieux enfouir la vraie, la grande la seule réelle question sociale).
Mais Eribon, qui a lui d'abord consacré ses analyses à cette question de l'identité sexuelle, revient précisément sur la question sociale de sa propre trajectoire et livre, dans ce brillant essai, une auto-analyse qui ne cesse de nous éclairer sur les mécanismes de la domination, aussi bien concernant les « déviants » (selon la théorie de l'étiquetage bien sûr) sexuels que s'agissant des exploités (à ce titre, et dans la période que nous connaissons, les propos d'Eribon sur le vote nationaliste des ouvriers sont vraiment très éclairantes et explique, n'en déplaisent à la gôôche – au sens de Michéa – le succès qu'ont connu certaines figures du prolétariat (Marchais, Krazuki) et que pourrait iej connaître l'actuel candidat du PC (un succès sans doute tout relatif mais dont je ne serais pas du tout surpris qu'il engage une « remontada » du PC par rapport aux scores de plus en plus lamentables du parti depuis 20 ans.
Ça donne une très, très, bonne introduction à ce que la sociologie peut donner de meilleur, me semble-t-il. Peut-être certaines formulation méritent-elles d'être déjà familier de la discipline, mais ce ne serait peut-être mêle pas rédhibitoire pour un novice réellement intéressé.
Et puis, cerise sur le gâteau, on fait ici connaissance avec un homme d'une telle honnêteté intellectuelle et si attendrissant parfois que la lecture même simplement curieuse de ce récit d'une des figures intellectuelles de notre temps vaut déjà la peine.
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Voici une agréable découverte de lecture. En s'appuyant sur son passé d'enfant issu d'un milieu ouvrier très modeste, Didier Eribon mène une réflexion sociologique sur la lutte des classes.
Le livre se divise en 5 parties plus un épilogue et une introduction sous forme d'interview d'Edouard Louis.
Dans les deux premières parties, l'auteur raconte sa jeunesse dans cette famille ouvrière qui avait du mal à joindre les deux bouts malgré l'acharnement au travail des parents. le quotidien est souvent glauque : violence, alcoolisme, beaucoup de regrets de la part des parents qui aspiraient bien évidemment à une toute autre existence. La place de l'école y est largement développée et on comprend qu'il est difficile d'échapper à sa condition même avec de l'instruction !
La troisième partie s'attarde davantage sur la place de la politique au sein des classes populaires. Didier Eribon y explique comment le Front National a su récupérer les voix autrefois accordées au Parti Communiste en tenant un discours populiste qui résonnait agréablement aux oreilles de ceux qui se sentaient méprisés par les représentants de l'Etat.
Dans les quatrième et cinquième parties, il revient sur son adolescence et sa vie d'étudiant à Reims puis à Paris en expliquant quelles difficultés il a dû braver du fait de son milieu social et de son homosexualité en accordant une large place à ce qu'on pourrait nommer ses mentors : Sartre, Bourdieu et Foucault.
Edouard Louis dit en préambule que ce livre a la capacité de changer des vies. Pour ma part, il m'a en tout cas éclairée sur la condition du milieu dont je suis issue et sur comment le système s'acharne à maintenir chacun à sa place dès le début de la scolarité. Il faut une détermination hors pair pour briser les barrières de classe et sans doute une intelligence brillante.
Je reste admirative devant le parcours de Didier Eribon qui a réussi tout cela.
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Je me suis aventuré dans ce livre par erreur en n'ayant pas regardé auparavant de quoi il retournait, je croyais me trouver face à un roman et suis tombé sur un essai sociologique et autobiographique. C'est à mille lieues de ce que je peux lire habituellement et je n'aurais sans doute pas franchi le pas volontairement.
Néanmoins, je suis très content de cette erreur car j'ai beaucoup apprécié ce livre. Didier Eribon retrace son parcours et celui de sa famille, la maladie de son père lui permettant de reprendre contact et de rendre visite à sa mère, retour à une vie et une famille desquelles il s'était volontairement éloigné depuis plusieurs dizaines d'années.
L'auteur nous explique comment il n'a eu de cesse de rejeter ce milieu familial dans lequel il était né, de changer de classe sociale malgré toutes les difficultés qu'érigent notre société. Son but: échapper à ce qu'il aurait dû devenir, tourner le dos à un destin tout tracé, revendiquer sa différence et affirmer son homosexualité et la vivre pleinement.
J'ai particulièrement apprécié la description des conditions de vie dans les années 50 et 60 que j'ai trouvé très intéressante ainsi que l'explication de la transformation du paysage politique français et le déplacement du vote ouvrier historiquement à gauche vers l'extrême droite.
J'ai moins aimé les parties traitant de la philosophie proprement dite n'ayant pas les bases pour en comprendre pleinement le sens.
Mais ce texte reste à la portée de tous, il suffit d'avoir la curiosité et l'envie de le découvrir.
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Disons-le tout de suite, ce roman est pour moi un vrai coup de coeur !
Je ne savais pas à quoi m'attendre : j'ai été gâtée. Cet essai biographique m'a replongée 25 ans en arrière, à l'époque de mes études en sociologie. Tout me parlait dans ce récit, chaque page faisait écho avec mes études, mes anciennes lectures ou ma vie tout simplement. A travers son récit de vie, Didier Eribon met en lumière les principes de courants sociologiques qui m'ont été enseignés lors de mes études. J'étais étudiante à Nantes, et Bourdieu était alors notre maître à penser... enfin, celui de nos professeurs au moins. Nous avons été façonnés par le prisme de la domination sociale, des Héritiers et de la Reproduction, de la conscience des classes sociales, de la conscience politique et des luttes des classes aussi. On nous a présenté les Habitus, qui sont tous ces codes qui façonnent un individu dans un groupe social et lui permettent d'avoir les clés pour se mouvoir dans son milieu. On nous a parlé des Transfuges, ces personnes que la vie déplace de milieu social, et qui parfois doivent s'éloigner de leur ancien milieu pour mieux s'intégrer dans le nouveau, qui ressentent la Honte sociale mais aussi une certaine forme de culpabilité vis à vis de leur milieu d'origine, de leur famille.

A travers son parcours personnel d'enfant de milieu populaire qui rompt avec sa famille pour mieux intégrer le milieu intellectuel qui est le sien aujourd'hui, c'est de tout cela dont nous parle Didier Eribon. Ce récit est passionnant, foisonnant, d'une grande richesse. Il y parle du monde "ouvrier" qu'il a connu dans l'Est de la France, des engagements politiques, du Parti qui était comme une famille, de la Gauche qui a trahit les siens pour parler au nom des ouvriers tout en étant issue des milieux bourgeois. Il y parle de l'école qui ne fait rien d'autre que de reproduire les élites, et ce, quelle que soit la bonne volonté des enseignants. Il nous parle de cette mythologie de la méritocratie qui a pour seul mérite de permettre aux classes dominantes de se donner bonne conscience.

Ce récit m'a passionnée aussi parce qu'il me parle un peu de moi, de ma famille aussi [...]
Par rapport à l'auteur, j'étais dans l'entre-deux : j'avais des codes et ma famille les ressources me permettant de financer mes études (à l'université s'entend), d'où une certaine culpabilité vis à vis de certaines de mes amies. Mais il me manquait sans doute des clés pour choisir des parcours plus en vogue (je ne saurais d'ailleurs pas dire lesquels). Contrairement à l'auteur également, je n'étais pas en rupture avec ma famille et mon milieu, je n'ai jamais aspiré à plus/mieux, pleinement consciente aussi de la chance et des atouts que je pouvais avoir par rapport à d'autres, et ce depuis le début de ma scolarité au cours de laquelle j'ai bien vu la sélection se faire (même si je ne m'en suis pas rendue compte tout de suite).

Didier Eribon, lui, a dû quitter le système plus rapidement, car il lui fallait gagner sa vie.

Le hasard des rencontres, son goût du travail, des lectures et ses capacités lui ont néanmoins permis de raccrocher les wagons, pour le plus grand bonheur de la lectrice que je suis devenue. La nécessité de la rupture aussi sans doute, a permis ce parcours atypique. Une rupture rendue nécessaire par ses aspirations "intellectuelles" mais aussi par une sexualité en dehors de la norme.

Et aujourd'hui, qu'est-ce qui a changé pour les jeunes de 2021 ? Rien. Tous ont le bac, beaucoup vont à l'université... mais cela ne vaut plus grand chose aujourd'hui : comme le souligne Didier Eribon, la sélection se fait ailleurs.

Bref, vous l'avez compris : j'ai adoré ce récit. Et j'ai noté tous ces auteurs dont Didier Eribon parle et que je me promets de lire très vite, au premier rang desquels Annie Ernaux que je me suis déjà promise de lire après avoir lu le coût de la vie, de Deborah Levy. Elle parlait alors de la place des femmes, Didier Eribon évoque la honte sociale.

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Après la mort de son père Didier Eribon à observer la d'où il vient. Il écrit donc sur sa famille dont il s'est fortement eloigné et sur sa honte sociale. Car s'il a su s'ériger au rang d'intellectuel en devenant un sociologue reconnu, il n'en vient pas moins de la classe ouvrière. Et si il a longtemps cru que son détournement familial s'expliquait largement par l'homophobie de sa famille, il se décide à admettre une vérité plus complexe qui lui révèle que son ascension sociale et intellectuelle l'a elle aussi amené à renier ses origines.
Didier Eribon raconte son enfance et l'histoire de ses parents et au travers de cela dépeint le milieu social dont il est issu. Il y aborde le mariage, la place de la femme, l'évolution de la pensée politique, l'homophobie et d'autres sujets encore dans un savant mélange entre récit familial et analyse sociologique documentée. Retour à Reims vous apprend à regarder votre propre vie d'une autre perspective, c'est extrêmement intelligent et questionnant. A mes yeux c'est aussi un livre sur le pardon, car en écrivant sur sa famille et ses complexités le sociologue y concède que ses pairs ont agi comme leur milieu les destinait à agir.
Comme l'explique Edouard Louis dans la préface de ce livre, Jean Paul Sartre à souvent relevé le fait que nous sommes aussi ce que nous n'avons pas fait, je me risquerai à en dire plus : nous sommes aussi ce que l'on aurait pu devenir car aussi loin que vous puissiez tenter de vous en éloigner : qui vous étiez, qui étaient vos parents ou ceux qui vous ont élevé et ce à quoi vous étiez destiné continue de vivre en vous et à forger qui vous êtes.
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Un ami m'a fait cadeau de ce livre pour mon anniversaire, une belle découverte.

Très bien écrit, Didier Eribon s'y livre avec courage, honnêteté et sans tabou à un bilan de son parcours de vie en n'hésitant pas à mettre à nue des blessures mal ou pas refermées.

Ce très beau livre est aussi pourtant pour moi un livre triste car Didier Eribon y révèle qu'il n'a jamais vraiment surmonté la tension, le conflit entre son milieu d'origine, dont il a encore honte, et la vie qu'il s'est choisie et construite à la force du poignet. Il n'a pas (encore) réussi à donner une unité, une harmonie à sa vie, ce qui le conduit à des paradoxes. D'un côté il rejette la classe populaire où il est née et refuse de retourner voir sa famille mais de l'autre il lui donne des grandes leçons politiques, se plaçant dans la situation inconfortable de « sachant méprisant ».

Le franc-maçon que je suis ne peut s'empêcher de penser qu'il manque à Didier Eribon une dimension ‘spirituelle' et qu'il illustre bien les limites de la rationalité et d'une vie centrée sur le cerveau. Il semble lui manquer la plénitude qui se découvre quand cerveau et coeur dialoguent.
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C'est un livre rempli de sincérité, de clairvoyance et de lucidité. Didier Eribon ne fait pas retracer un passé personnel et familial douloureux, mais analyse très sérieusement les causes sociologiques et politiques des agissements de ses proches et de son propre comportement.
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La fluidité de la pensée et la légèreté du maniement de concepts complexes m'impressionnent terriblement. En refermant le livre, j'ai eu la pensée fugace d'avoir été intelligente ! Que de savoirs, de connaissances, de maîtrise pour rendre accessible ces concepts, le tout servi avec une écriture fluide et agréable.

Je salue également le courage de l'auteur pour s'être immergé en lui même sans indulgence et avec la plus grande des sincérité et, d'en avoir publié les résultats.
Un essai / témoignage très bien écrit, d'une grande sincérité, d'une très grand honnêteté.

Je ne partage pas nombre de ses points de vue, mais je comprend que cette lecture puisse avoir des répercussions majeures pour bien de ses lecteurs.
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Didier Eribon est philosophe et sociologue. Cet ouvrage est celui d'un parcours, de ceux pour lesquels on ne parierait pas un kopeck quand on connaît le milieu dont il est issu.


Fils d'un ouvrier, et d'une femme de ménage, son parcours scolaire est très atypique, à l'aune de ce qui se pratique dans sa famille. Il fait partie des rares qui échappent, mais pas complètement, à la sélection liée, non aux mérites et aux capacités, mais à l'origine sociale. Et l'auteur insiste sur le fait que cette sélection n'est pas réservée aux années collège et lycée. Une fois passé le Rubicon du baccalauréat, les filières efficaces sont l'apanage d'une élite informée, qui n'ira pas perdre son temps sur les bancs d'une université qui n'est une aporie.

Cette situation hors norme au sein de sa famille le conduit à un rejet, et ce d'autant qu'il est homosexuel, ce qui est une infamie pour ses parents, et l'on imagine la jeunesse de l'auteur visé et atteint à chaque plaisanterie ou insulte à l'égard de « gens comme lui ».

Un parcours douloureux donc, et un ressenti qui n'est pas sans rappeler ce qu'Annie Ernaux a pu partager dans ses écrits, auteur d'ailleurs citée à plusieurs reprises.

On retrouve aussi ce sentiment d'équilibre instable entre deux mondes, volontairement à l'écart de sa famille, mais avec l'impression tenace de ne pas être accepté dans son nouvel environnement, qui pourtant le comble dans son désir de connaissances. C'est la même chose pour ceux dont la famille a du quitter ses terres d'origine, et qui deviennent étrangers à vie que ce soit sur la terre d'accueil ou sur celle qu'ils ont quittée.

Double question de l'identité sociale et sexuelle, sur le modèle d'une auto-analyse sincère.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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