Avec le temps, va, tout s'en va
Pour moi c'est une relecture, et je me souviens parfaitement de cette découverte en 2008 et de cette phrase liminaire qui cingle le lecteur : « Toutes les images disparaîtront. »
Comme pour tout grand livre, grand écrivain, une relecture c'est faire de nouvelles découvertes en restant éblouie.
Plus d'un demi-siècle défile sous nos yeux, et si comme moi vous n'êtes pas de la génération de l'auteur, et si vous prenez le train en marche vous vous sentirez concernés par cette mémoire de l'intime vers l'universel, ce « moi » ou « soi » intégré à la marche du monde.
Réminiscences des tablées familiales :
« On vivait dans la rareté de tout. Des objets, des images, des distractions, des explications de soi et du monde, limitées au catéchisme et aux sermons de carême… »
Toujours fascinée par ce fil rouge qu'est la lucidité d'
Annie Ernaux sur son époque, sur le monde et ce travail sur l'écriture, l'emploi de l'imparfait, du « on » parfois du « elle ».
Le rythme des phrases qui vont à la ligne sans faire précéder d'un point et sans la majuscule, fait que le temps s'écoule, qu'il glisse avec ses évolutions inexorables qui nous entraîne avec lui.
« Dans le cours de l'existence personnelle, l'Histoire ne signifiait pas. On était seulement, selon les jours, heureux ou malheureux. »
L'évolution se fait dans la manière dont le corps est appréhendé, celui des femmes particulièrement, le langage des origines, famille, milieu social, les modes de consommation, l'arrivée de la publicité, du marketing, des médias.
L'écriture est précise, il n'y a pas de place à l'enveloppement, il peut y avoir de la brutalité à dire, pas de préciosité dans l'écriture.
Les années, est un livre précieux pour dire le travail, la création littéraire, souvent un clef éclairant les ouvrages précédents.
C'est un livre unique dans la manière qu'il a d'ouvrir le temps et non pas de clore ces années-là.
C'est un livre à partager avec sa descendance car il éclaire le chemin.
Annie Ernaux explore le temps jusqu'à la moelle, en se dévoilant, se mettant à nu.
En conclusion reprendre les mots de
Pierre Desproges :
« S'il vous plaît, continuez d'exister et d'écrire des livres. Vous êtes l'Écrivain. »
Même si ce dernier n'a pas pu lire ce livre, ce sont des mots qu'il a écrits après la lecture de
la Place et
Une Femme
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2023/01/30/
les-annees/
Lien :
https://jai2motsavousdire.wo..