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4,09

sur 2191 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'avais dit à ma femme qui travaille en bibli : "Je n'ai jamais lu de Prix Goncourt, si tu en as un sous la main je serai curieux de voir pourquoi et pour qui on donne ce prix". C'est comme ça que ce livre est arrivé chez moi.
Je l'ai lu en moins d'une semaine. Je m'attendais à quelque chose d'ampoulé, avec une préciosité dans le langage, un apriori à la con en sommes et au contraire je suis tombé sur un livre écrit simplement avec quelques mots savants tout de même, mais pas tant que ça. Bref, autant le dire c'est un livre à la portée de tous, pas le genre qui s'écoute écrire. Et pourtant, que c'est bien écrit ! Les formulations sont tellement parlantes, tellement visuelles, l'auteur (oui moi l'autrice j'ai du mal, je dois être déjà trop vieux pour ces conneries comme Danny Glover) nous emmène et arrive même à nous rendre mélancolique d'époques que nous n'avons pas connus !
A travers la description de vieux clichés issus de sa vie, de son histoire, Annie se raconte à travers son époque. Personnellement il s'agit de l'époque de mes parents, ce que les jeunes appellent les boomers (ceci dit ils sont tellement cons qu'ils m'appellent aussi comme ça...) Avec elle, on traverse le temps depuis la fin de la seconde guerre mondiale à nos jours (ou plutôt les années 2000). Elle va parler d'elle, mais jamais à la première personne, instaurant ainsi une nouvelle manière d'écrire une biographie, à la fois personnelle et sociale. Beaucoup d'introspection mais jamais narcissique au point de ne faire que se raconter, Annie nous parle avant tout du contexte et ça rend l'exercice vraiment passionnant.
J'ai retrouvé beaucoup de Zola dans sa manière de décrire son époque, très dans la description de son temps, mais sans jamais juger sa génération. Même si parfois le ton donne un air désabusé, il se veut avant tout assez neutre, comme le témoignage d'un visiteur de passage qui ne joue pas vraiment de rôle et qui ne fait qu'observer. Annie est une observatrice de son temps et elle nous l'offre.

En fin de compte, vous l'aurez compris, je suis conquis par ce livre que je vous recommande chaudement.
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UNE VIE
Une oeuvre autobiographique et sociologique sans concession ciselée dans un style d'agrégée de lettre. Cette vie commence en 1940 avec son journal qui s'appuie sur des témoignages, documents et films d'époque. C'est beau et croustillant de vérité. C'est un éloge du passé par immersion dans ses (nos) propres souvenirs. Tous les Babyboomers apprécieront entre autre les repas de famille avec les souvenirs de guerre écoutés par les enfants qui ne peuvent sortir de table avant le dessert, les premiers flirts pudiques, ou poussés mais préservant la virginité, les amphis de 1968 avec ses slogans abscons ( « il est interdit d'interdire »), la lutte du féminisme, la liberté sexuelle tolérante jusque sur l'éloge de la pédophilie, puis la rentrée dans la routine de la vie adulte : mariage, enfants, divorce, amants , cancer...La fin est transcendantale avec une recherche sur le temps qui passe et les nourritures évanouies.
Style : Cette vie est décrite à la 3ème personne, « elle » malgré « l'extériorité et l'éloignement que cela entraîne», plutôt que « je » qui implique «  trop de permanence, quelque chose de rétréci et d'étouffant ». le temps est l'imparfait continu «  dévorant le présent au fur et à mesure » et se prolongeant jusqu'à la fin, même pour le présent, comme narré depuis un futur lointain.
Un bijou. Cinq étoiles méritées.
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On a dit de ce livre qu'il était une "autobiographie impersonnelle", ce qui me paraît tout à fait juste.
"Autobiographie", car Annie Ernaux évoque dans cet ouvrage plus de 60 années de sa propre vie, son enfance dans les années 40, sa jeunesse de jeune femme instruite dans les décennies 50/60, son existence de professeur de lettres, ses rapports avec ses élèves et ses enfants, et bien sûr ses relations avec les hommes.. Elle raconte en fait tout ce qui constitue une vie.
"Impersonnelle", car en parlant d'elle-même, elle n'écrit jamais "je", mais "on" ou "nous", rattachant par la même sa vie et celles des gens, et notamment des femmes, de sa génération. Elle exprime ainsi qu'une existence, même dans ce qu'elle a de plus intime, est toujours vécue dans un contexte politique et sociologique.
Destin individuel, destin collectif.... Annie Ernaux analyse très habilement les évènements de sa vie à travers une époque, la seconde partie du 20ème siècle.
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Les deux citations dans l'épigraphe reflètent bien l'esprit de cette autobiographie unique et intéressante. J'adore le style d'écriture de l'auteure, sa poésie et son immense sagesse. J'aime sa façon de décrire les vieilles photos, ce qu'elle voit dedans, même l'invisible, sans jugement. J'aime surtout les pages où elle parle d'elle-même. Quel précieux ouvrage pour les Françaises de sa génération qui ont la chance de se laisser transporter dans leurs « jours d'avant » grâce aux événements et aux faits divers qu'elle évoque dans son récit, leur rappelant comment étaient les gens du temps, ce qu'ils faisaient et ce qu'ils ressentaient à l'époque ! Dans son autobiographie impersonnelle, LES ANNÉES, Annie Ernaux a réussi avec brio à « sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais. » Quel bel exploit ! J'ai adoré.
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Une oeuvre singulière, magistrale qui retrace à travers la vie particulière d'une femme (l'auteure?) tous les événements et l'esprit de ce qui ont fait l'histoire de la France et de la société française depuis les soixante dernières années. Il s'agit de fixer par les mots la quintessence des jours, des minutes vécus par la narratrice depuis sa naissance depuis les événements familiaux, personnels aux événements historiques.; il s'agit de fixer les souvenirs, les images, les sensations gardées de toute une vie, avant que tout ne disparaisse.
Le récit est ponctué par des photographies puis des films qui permettent de fixer à un instant T le flux de la vie.
La lecture est une balade nostalgique au coeur des années 40, des années 50 puis 60, 70; on remonte le temps et on découvre aussi l'histoire de cette femme, à la fois si particulière et singulière et à la fois, la représentante et l'incarnation des femmes de son temps, de son milieu.
En résumé, un roman entre l'autobiographie et l'analyse sociologique. Magnifique!
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L'histoire d'une femme, des femmes, de la France d'après guerre à nos jours. Une merveilleuse façon de s'inscrire dans une lignée. 60 ans de souvenirs entremêlés, souvenirs personnels, anecdotiques et majeurs, et histoire collective, où, là encore, événements insignifiants et événements politiques et bouleversements majeurs se succèdent. Brillant exercice de style : comment garder une trace du temps qui passe, de ce qui fait une vie au milieu de tant d'autres vies...
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Ce livre est un chef d'oeuvre.

Déjà, stylistiquement, il est hyper original : une autobiographie à la troisième personne qui chronique l'histoire de sa vie qui grandit et son époque.

Ensuite sur le contenu. Il joue sur plusieurs cordes : l'intérêt de découvrir une époque que je n'ai pas connue, puis, quand je partage son époque, la nostalgie de retrouver les éléments oubliés.

Enfin, bien sûr, l'analyse du temps qui passe, des époques qui s'effacent et du monde qui changent. L'arrivée de cette société partagée par tout le monde, celle de la consommation, du consumérisme, puis celle du numérique. Rien est oublié : le féminisme, le combat LGBTQI+, l'anti-racisme, notamment l'arabophobie.

À lire de toute urgence.
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Page Facebook : Pascale Bookine
Blog: pascalebookine.eklablog.com

« les images réelles ou imaginaires, celles qui suivent jusque dans le sommeil
les images d'un moment baignées d'une lumière qui n'appartient qu'à elles
Elles s'évanouiront toutes d'un seul coup comme l'ont fait les millions d'images qui étaient derrière les fronts des grands-parents morts il y a un demi-siècle, des parents morts eux aussi. » *****

S'il fallait choisir un livre pour découvrir Annie Ernaux, ce serait sans doute celui-ci. À partir de photos et de souvenirs personnels, elle parcourt plusieurs décennies de sa plume subtile et aiguisée à la fois, soucieuse de « sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais ».

Le lecteur découvre à la fois les phases de sa vie et celles de la vie collective, qu'elle soit idéologique, politique ou sociale. À titre d'exemple, cette petite phrase savoureuse, « Avoir lu Simone de Beauvoir ne servait à rien qu'à vérifier le malheur d'avoir un utérus », qui rappelle le quotidien de nos aïeules et la menace permanente de voir s'arrêter « le temps mortel de leur sang ».

Ceux qui connaissent déjà ses oeuvres ne manqueront pas de les détecter en filigrane de ces Années. Les huit semaines de retard, ce sont peut-être celles qui mèneront à l'avortement clandestin de "L'événement", et l'on se dit que l'homme auquel elle fait référence lorsqu'elle parle d'une « passion violente pour un Russe » est probablement celui de "Passion simple".

On retrouve également son sentiment de transclasse, par ailleurs magnifiquement exprimé dans "La place" (« Elle ne pense pas non plus avoir rien de commun avec le monde ouvrier de son enfance, le petit commerce de ses parents Elle ne se sent nulle part, seulement dans le savoir et la littérature. »).

Annie Ernaux voulait « écrire une sorte de destin de femme qui ferait ressentir le passage du temps en elle et hors d'elle, dans L Histoire, un roman total ». Une vraie réussite et un incontournable pour ceux qui souhaiteraient entrer dans son univers et (re)découvrir les dernières décennies écoulées.

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C'est idiot, je le reconnais, j'avais une certaine réticence à lire les romans d'Annie Ernaux. Des prises de position trop fréquentes dans l'arène politique, des soutiens à des anti-républicains notoires au nom de la liberté d'expression et, en dépit de cette même liberté d'expression, des anathèmes envers d'autres personnalités, écrivains comme elle, m'avaient durablement dissuadé de m'intéresser à son oeuvre. Il a fallu que l'attribution d'un Nobel de littérature transforme la réticence en titillement de curiosité pour que je m'exécute en une première tentative de lecture : j'ai choisi, pour ce faire, « Les Années ».
Belle découverte pour moi ! J'ai vite adhéré à la fresque proposée mêlant itinéraire personnel et une soixantaine d'années d'histoire de notre pays, les deux récits intriqués s'alimentant aux seuls souvenirs de l'auteur. Je veux bien admettre qu'un certain âge – le mien – stimule considérablement l'intérêt, le lecteur retrouvant, au gré des pages de cette autobiographie assez singulière, des événements ou, à dire vrai plus fréquemment, des « tranches de vie » de cette période qui fait se succéder les – sans doute mal nommées – Trente Glorieuses et les – parfois appelées, plus justement en l'occurrence – Trente Piteuses. La vie de l'auteur lui fait fréquenter, de près ou souvent de très loin, les épisodes marquants qui se sont succédé à partir des années 50 : la guerre d'Algérie, mai 1968, la victoire de la gauche en 1981, les attentats terroristes… Ces faits de la « grande histoire » se mélangent à son quotidien, un quotidien qui, d'ailleurs, prend bien plus de place dans le récit. Les occupations journalières l'emportent sur les grands engagements ; les courses au supermarché davantage que les manifs ; les programmes TV bien plus que les programmes politiques… À cet égard, un recours massif au « brand-name dropping » – comme disent les anglo-saxons – nous aide à nous rappeler les marques commerciales d'antan et les émissions de l'ORTF… Certains thèmes aussi ressortent plus particulièrement dans le récit (révélant leur poids dans la vie d'Annie Ernaux) : la crainte de la grossesse non désirée, notamment, et son corollaire qu'est l'apaisement après la diffusion des moyens de contraception.
Mais il ne suffit pas de remuer le passé pour susciter l'adhésion. La très grande force de ce livre, me semble-t-il, est sa construction narrative originale. En particulier, Annie Ernaux fait varier, avec intelligence, les pronoms personnels – notamment le « elle », le « nous » et le « on » –, changeant ainsi les angles de lecture. Elle y procède avec subtilité, si bien qu'on s'interroge souvent sur ce « on », représentant, tour à tour, un cercle étroit d'amis, ensuite la société en général, puis revenant aux proches ; et montrant alors qu'elle parvient à se démarquer de l'opinion dominante ou, tout au contraire, qu'elle semble s'inscrire totalement dans cette dernière, la distinction entre les deux n'étant pas si aisée qu'on veuille bien le dire habituellement.
Et puis, de même que les souvenirs les plus lointains sont naturellement les plus parcellaires, le livre commence par une collection d'images, jetées pêle-mêle sans verbe et sans suite logique. Et de même qu'en vieillissant on s'attache à des images qui pourraient être les dernières, le livre se termine comme si l'auteur se concoctait d'ultimes réminiscences. : « Sauver quelque chose du temps qui ne sera plus jamais », dit-elle pour finir.
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J'ai été emportée par le rythme des mots, la cadence des phrases, comme un kaléidoscope d'images qui m'ont fait traverser six décennies sans la moindre sensation d'effort. Trop forte, cette Annie Ernaux ! Ce qui m'a le plus touchée, c'est quand je l'ai offert à ma petite Mamie, qui est née la même année, et qu'elle m'a appelée pour me dire : "c'est ma vie qu'elle raconte, ma chérie, c'est ma vie".
Lien : https://www.marionjoceran.fr..
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