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4,09

sur 2191 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Publié en 2008, Les années sont un texte long pour l'auteure (250 pages) : elle passe en effet en revue toute son existence, de la naissance, et même d'avant (la mémoire familiale) jusqu'au début du XXIe siècle. Trois sortes de narration coexistent dans le livre. La première, la moins utilisée, qui n'intervient qu'au début et à la fin, consiste en une énumération, de moments, d'images, de personnes. Par la suite le livre oscille entre un récit à l'imparfait, qui utilise le nous ou le on, et qui détaille des événements, des pratiques sociales et culturelles, des normes, un monde en permanente mutation, fait de moments, il s'agit de traquer les marqueurs d'une époque qui vont la faire revenir, la rendre sensible et des sortes d'arrêts sur image, dans lesquels à partir de photos puis aussi de films concernant l'auteure, dans lesquels elle tente d'évoquer un moment de sa vie, en utilisant dans la narration, « elle » au lieu du nous et on. Les souvenirs d'une génération alternent avec des « arrêts sur mémoire » propres à l'auteur elle-même. le tout dans une approche relativement impersonnelle, distanciée.

La mémoire est donc le matériau essentiel du livre. Une mémoire à la fois collective, celle d'une génération, y compris dans les rapports qu'elle entretient avec la mémoire de la génération qui l'a précédée, et individuelle, celle d'Annie Ernaux, qui n'est au final qu'une représente parmi d'autres des gens qui ont vécu à la même époque dans une position sociale comparable à la sienne. L'auteure se place en retrait, se donne le statut d'une figure non singulière, et décrit une vie qui la dépasse qui n'est pas seulement la sienne. A travers le parcours d'une femme ordinaire, c'est le parcours d'un groupe qui prend vie. Annie Ernaux a utilisé pour qualifier son approche (pas seulement dans ce livre) « d'auto-socio-biographie », d'autres ont évoqué une « auto-ethno-biographie ». le moi baigne dans un monde social qui le dépasse, la voix du sujet est aussi la voix du monde, et l'individu ne peut s'extraire de son monde social, ne peut aller chercher une illusoire identité affranchie du contexte dans lequel il évolue. Les identité socio-culturelle, professionnelle, sont des identités authentiques du sujet. Chercher à se connaître, tenter d'élucider le soi, doit tenir compte du contexte social ; le soi se trouve quelque part à l'intersection d'un moi intime, et d'un moi social, c'est un soi éclaté, entre ses différents états et ses différentes identités. D'où des textes hybrides, qui essaient d'approcher une forme de vérité, entre littérature, histoire, sociologie.

Le temps d'Annie Ernaux est aussi fragmenté que le soi, il avance par vagues, il faut refuser la fausse sensation de stabilité, de continuité, il faut plutôt tenter de saisir la matière du temps, le flux du temps en soi.

Le tour de force, c'est que malgré la mise à distance, la mise en retrait revendiquée par l'auteure, et une construction qui peut paraître très cérébrale, le livre puisse sembler sensible, produire une émotion. Parce que les moments qu'évoque Annie Ernaux sont des moments partagés, qu'une forme de complicité peut s'établir autour d'eux, qu'on peut s'y reconnaître. Et que malgré tout, elle n'est pas si extérieure à ce qu'elle écrit, par exemple une sorte d'ironie, de mise en cause, de questionnement de ce qui paraissait être évident à une époque, est là, indubitablement. Aussi discrète soit-elle, une prise de position. le choix en lui-même de tel ou tel élément ne peut être neutre, et dessine aussi une personnalité, des opinions, des valeurs, qui ne sont pas que ceux communément partagés. Enfin son talent, son écriture, transforment tout cela en quelque chose d'unique, qui n'appartient qu'à elle.
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Choses éphémères.

Annie Ernaux raconte, au travers de 12 photographies, le passage du temps, l'évolution des moeurs et de la société.

J'avais apprécié la lecture de "La place" et de "la femme gelée", de plus l'annonce récente du Nobel pour Annie Ernaux, m'a motivé à lire ce livre considéré comme son chef d'oeuvre. Je confirme que Les années l'est.

L'auteure prend comme prétexte la description et l'analyse de photographies personnelles pour parler non-seulement de son évolution, mais aussi et surtout du passage du temps. Son style froid et clinique se prête parfaitement à l'exercice. Ernaux réussit à nous immerger et à nous faire revivre les périodes qu'elle décrit.

Elle parvient également à une forme d'universalité dans la description des périodes. J'ai réellement pu saisir l'évolution rapide de la société sur les soixante dernières années. Bien sûr il reste une part de subjectivité de l'auteure de par son parcours (milieu social, études, métier et positions politiques), mais cela n'est pas gênant.

Enfin, comme dit dès le magnifique incipit "tout disparaîtra". L'auteure essaye tout simplement de sauver quelques fragments du passé de l'oubli. Son objectif avec ce livre étant tout simplement de parvenir à laisser une trace, aussi infime soit-elle.

En bref, on peut clairement parler de chef d'oeuvre.
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Une vie française !
Pas de chapitres, mais 12 photos pour marquer les tranches de vie de 1941 à 2006 !
Une nomenclature de faits personnels, d'évènements, de réflexions sur sur ces dernières années dans un style télégraphique, neutre, objectif et rapide.
Une rétrospective de ces années qui ont vu la société évoluer rapidement : + d'un 1/2 siècle avec la technologie qui a remplacé l 'humain et, l'individuel par le collectif !
" pour sauver quelque chose du temps ou l'on ne sera plus jamais " !
Ces photos sont les témoins de votre vie de bébé, de fillette, d'étudiante, de professeure, de votre mariage et des enfants nés de cette union, de votre divorce, de votre nouvelle vie amoureuse et enfin de votre retraite !
Mais il en ressort ( à mon humble avis ) une grande nostalgie !
Nostalgie du temps ou l'avenir était espoir, la vie était certes plus difficile mais il y avait des valeurs essentielles et la volonté de prendre l'ascenseur social !
Pour ma part, il m'a fallu attendre les années 60 et surtout 1968 pour accrocher à votre style impersonnel, féroce, qui égratigne avec acuité, lucidité et intelligence ce qui fut notre passé commun c'est à dire cette mémoire collective qui fut la vôtre et que j'ai acceptée comme mienne !
Analyse sociologique d'une professeure militante, engagée qui m'a permis par ce roman -témoin de prendre du recul sur ce déferlement sociétal !
Ce récit m'a complétement emportée et, il a fait revivre en moi aussi ces saveurs que je croyais oubliées !
Beaucoup d'émotion que ce passé collectif que nous avons vécu !

L.C thématique d'avril 2021.
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Annie Ernaux est certainement un écrivain majeur de la littérature française contemporaine. "Les années" représentent un projet littéraire ambitieux qui vient compléter, chapeauter en quelque sorte, ses autres écrits ( "Les armoires vides", "la place", "une femme" ...).

Ici, il s'agit d'une oeuvre biographique qui à partir d'images (photographies ou vidéos) renvoie aux souvenirs à la fois personnels et collectifs. Annie Ernaux replace la mémoire individuelle dans un ensemble de faits collectifs qui ont marqué l'histoire de la France de la Libération à nos jours. Il ne s'agit pas toujours des événements majeurs, mais souvent des petits événements, de faits sociaux, qui ont marqué l'évolution de la société, et surtout qui ont marqué la vie des femmes depuis 60 ans.

Une oeuvre magistrale en quelque sorte. Essentielle, tant le style choisi par l'auteure reste froid et impersonnel, ce qui donne à la dimension collective tout son relief et permet à chacun de replacer son propre vécu dans les événements et les ressentis exprimés.

"Les années" un livre qui donne envie d'approfondir la lecture d'Annie Ernaux.
Lien : http://animallecteur.canalbl..
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Comme beaucoup, je redécouvre l'oeuvre d'Annie Ernaux depuis l'annonce de son prix Nobel de littérature. J'ai lu pas mal de ses textes à l'adolescence, je me souviens avoir adoré «Les armoires vides». Je ne me suis donc pas retrouvée en terre inconnue en me lançant dans l'écoute de «Les années».

Annie Ernaux a le talent fou de faire de cette autobiographie à la troisième personne un récit universel qui transcende les décennies et les générations.

À partir de photos de famille, minutieusement décrites, elle retrace sa vie, de sa naissance dans les années 40 jusqu'aux années 2010, dans un texte impersonnel, à l'écriture d'apparence simple, qui nous laisse à voir la société et l'évolution des moeurs.

C'est fugace, sensation accentuée par l'écoute. Les mots coulent, les années défilent, chaque événement marquant nous rappelle un moment, une époque de notre vie et pour cette raison, ce texte est nostalgique. Chacun y trouvera quelque chose, se souviendra de telle époque, de tel produit, de telle émission télé, de telle guerre...

Je suis passée à côté étant plus jeune et je n'en suis pas mécontente. C'est un texte qui s'apprécie avec le vécu et que j'aurai plaisir à redécouvrir plus tard, dans sa version papier.

Un texte puissant, intemporel. Je suis contente qu'elle ait reçu cette belle récompense 🏆
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Annie Ernaux vient de recevoir le prix Nobel de littérature et j'en suis enchantée d'autant plus que c'est la première française primée.
J'aime quand elle nous dit qu'il faut mettre des mots sur les souvenirs et la façon dont elle le fait. Alors, j'ai ouvert "Les années" livre héritage que j'avais offert à ma mère dès sa sortie en 2008 sans l'avoir lu.
Cela tombe bien car je me suis lancé un défi il y a quelques temps, celui de lire tout Annie Ernaux selon un ordre chronologique. J'en suis déjà aux années 2000, je reviendrai donc un peu en arrière après avec "La vie extérieure" mais j'étais trop motivée pour déroger un peu à ma règle. Et j'ai bien fait car "Les années" est un livre intelligent et cette lecture m'a profondément touchée.
Annie Ernaux restitue une époque allant des années 1950 aux années 2000 de façon cinématographique car elle utilise la photographie comme une accroche pour restituer ses souvenirs… j'ai envie de dire les souvenirs car elle ne personnalise pas son texte, elle utilise le Nous, le On ou le Elle. Ce n'est donc pas un journal d'autant plus qu'elle emploie l'imparfait, comme un témoignage de l'évolution de la vie politique et sociale et surtout de la place des femmes depuis 1950.
Je me suis sentie concernée par cette fresque dont l'intérêt est de montrer qu'il n'y a pas de vraie mémoire de soi, que l'on nait et grandit avec les autres et que l'on fait partie d'une génération.
J'ai été émue quand elle évoque les mouvements sociaux, la loi Veil pour l'avortement, les espoirs politiques avec l'élection de François Mitterrand, les beurs et Touche pas à mon pote mais aussi la mondialisation et les inégalités sociales qui augmentent. Annie Ernaux trouve la forme et les mots pour raconter les changements du monde dans lequel on vit.
Ce livre m'a bouleversée et je le place haut dans mes préférences littéraires. J'attends d'ailleurs le discours d'Annie Ernaux à l'Académie suédoise avec impatience.


Challenge Nobel illimité
Challenge ABC 2022-2023
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Entre autobiographie et histoire collective, un récit époustouflant!
[...]
Les Années font figure de mémoire collective des Français de la seconde guerre mondiale jusqu'au XXIe siècle. Qu'on ait vécu ces décennies qui jalonnent le récit ou qu'on soit trop jeune pour s'en souvenir, étonnamment tout fait mouche. Ainsi des discussions du dimanche midi autour du repas dominical: après-guerre, les anciens parlent de leurs souvenirs. Au cours des années 60-70, les échanges autour des bienfaits du progrès et de la consommation prennent le relais. En ce début de XXIe siècle, la jeunesse désabusée parle société, faits divers, politique (sujet anciennement prohibé à table : autre temps, autres meurs).

[...] Elle analyse avec finesse les incroyables bouleversements qu'ont entraînés les Trente Glorieuses, puis la Crise des années 70, le néo-capitalisme des années 80 et l'ultra-libéralisme des années 2000. Ou comment réaliser qu‘on a beaucoup perdu en croyant aux promesses de lendemains qui chantent.
.
Les années est aussi un récit intime relaté à la troisième personne. L'objectif n'est pas autobiographique: l'auteur se garde de toute dérive narcissique. Les tranches de vie qui essaiment le livre sont toujours resituées dans un contexte global. Comment avortaient les femmes avant la loi proposée par Simone Weil? Pouvait-on ne pas se marier et vivre en célibataire ou, pire, en fille-mère?
.
Annie Ernaux n'a pas seulement inventé une autre façon de se raconter et de nous raconter. Son style littéraire est complexe: phrases longues, alternant des listes d'évènements collectifs et des souvenirs personnels, ponctuation inexistante qui accélère le rythme de la lecture… On croirait une symphonie d'un nouveau genre, composée par un virtuose.
Lien : http://litteratureetchocolat..
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Formidable découverte ! Les années ont permis de mettre en image les souvenirs racontés lors de repas de famille par mes parents et grands parents.
Cette "presque" autobiographie où chaque grande période de la vie est illustré par une photo donne l'occasion de décrire toute une société, une époque et un mode de vie non au travers les yeux d'un narrateur mais plutôt par des généralités et anecdotes communes à une classe social, à une classe d'âge ou de lieux.

Un classique en devenir tellement il est le reflet d'une partie de la société française des années 40 aux début du XXIe siècle. Même si toutefois le style brute voire froid d'Annie Ernaux rend la lecture par moment dure, il colle très bien avec la forme original du livre.
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Annie Ernaux a accompli son devoir de mémoire, depuis sa naissance en 1940 jusqu'à la date de son écriture en 2006, à travers la vie fictive d'une professeure de lettres qui, à sa grande différence, n'a jamais trouvé le temps de se consacrer comme elle le rêvait à l'écriture avant d'atteindre le seuil de la vieillesse. Comme des jalons au fil du temps qui passe, des photographies, voire de petits films la représentent à différentes étapes de sa vie, depuis son plus jeune âge dans sa Normandie natale. le corps change, en bien comme en mal, les êtres chers apparaissent puis disparaissent au gré des naissances et séparations, des amours et désamours successives. Inventaire d'une vie, mais aussi de tous ces petits riens qui ont fait l'ordinaire de tout un chacun, au cours de ces soixante et six années qui ont vu le monde changer comme jamais auparavant. Slogans publicitaires, modes vestimentaires, façons de s'exprimer, petits et grands événements, allant de la vie quotidienne à la géopolitique, participent à ce joyeux inventaire à la Prévert, sous la plume allègre d'Annie Ernaux. Arrivé en fin d'ouvrage, on se dit qu'il est dommage que l'éditeur n'ait pas prévu quelques pages blanches pour nous permettre de le poursuivre. On aurait aimé y parler de la folie des portables et autres objets connectés, des réseaux sociaux fauteurs de suicides mais aussi des nouvelles routes de la soie tissant leur toile invisible, des catastrophes soi-disant naturelles s'enfilant comme des perles, d'un président américain fou à lier, des prêtres pédophiles, la jacquerie des gilets jaunes, les attentats (toujours), l'essor des religions, sous leur forme la plus sectaire et mortifère, des populismes de tout poil, et la grande frousse des années pandémiques, avec ses hordes de bandits masqués déferlant dans les villes, et la fin des bisous…
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De l'après guerre aux années 2000 ( le livre date de 2007), c'est 60 ans d'histoire collective et de mémoire personnelle mêlées que déroule Annie Ernaux dans « Les années ».

Ce livre qu'elle qualifie elle même d' "autobiographie impersonnelle" et qu'elle a porté en elle pendant plus de 30 ans, c'est l'histoire de toute une génération (presque la mienne à 15 ans près) et de tous les grands ou petits événements qui l'ont marquée.

Dans la vie politique bien sûr : la guerre d'Algérie,mai 68, mai 1981, la chute de l'URSS, le 11 septembre 2001, la guerre en Irak…et les désillusions devant la faillite de la gauche et la montée de l'extrême droite .
Mais aussi l'évolution de la société et des moeurs : des premiers supermarchés à la société de consommation, du transistor au téléphone portable et à l'ordinateur, du droit à l'avortement à la liberté sexuelle.
Il y a aussi les films, les livres, les chansons, les slogans publicitaires même, qui ont marqué ces années et qui réveillent en nous bien des souvenirs ! En 240 pages, c'est presque notre propre vie qui défile et c'est assez impressionnant.
Le livre est ponctué de souvenirs plus personnels de l'auteure, à partir de photos qu'elle nous décrit et qui jalonnent sa vie, de l'adolescente mal dans sa peau à la femme d'âge mûr serrant sa petite fille dans ses bras.

Nostalgie du temps qui passe, des souvenirs qui s'estompent et qu'on veut fixer avant que la mémoire ne se perde : « Sauver quelque chose du temps où l'on ne sera plus jamais. » conclut-elle.
L'écriture dépouillée d'Annie Ernaux convient à merveille à cette plongée dans nos souvenirs communs.
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