Publié en 2015, "
Propaganda" est la première bande dessinée de
Joanna Estrela, jeune illustratrice indépendante portugaise.
Je me suis inscrite pour recevoir cet album dans le cadre d'une opération masse critique parce que je trouvais le sujet intéressant : la vie de militants homosexuels dans le cadre d'une association, la Ligue Gay Lituanienne (LGL). Et effectivement,
Joanna Estrela réussit plutôt bien.
Elle propose de nous montrer son journal de voyage à Vilnius, en Lituanie, entre octobre 2012 et juillet 2013 car elle a été bénévole à la LGL pour la préparation de la Baltic pride, avec l'objectif d'apporter ses talents de graphistes pour l'évènement.
C'est d'abord une grande rencontre : les gens viennent de Pologne, de Finlande, d'Italie, d'Autriche, d'Allemagne, des Pays-Bas et du Portugal comme Joana, pour être à l'aise avec leur homosexualité et s'engager contre l'homophobie.
C'est aussi une histoire de filles avec Elena la tutrice de la LGL qui ressemble un peu à un garçon et Khati ou Ceren avec qui Joana va aller à sa première fête lesbienne et avec qui elle va rire de blagues « goudou ». Et puis, rencontrer l'amour est aussi au coeur des personnages et on découvre que loin des clichés, l'amour entre deux femmes est tout aussi compliqué que partout ailleurs.
C'est surtout un livre engagé contre l'homophobie. La LGL montre que les statistiques européennes sont sans appel : la quasi-totalité des personnes LGBT (lesbiennes, gays, bi et transsexuels) se disent victimes de discriminations – harcèlement à l'école, exclusion, agressions physiques, menaces de mort. Dans l'est du continent, on pourrait presque parler d'homophobie d'État. L'un des partis au pouvoir en Lituanie, pays catholique et conservateur, soutient une loi visant à empêcher la "propagande" en faveur de l'homosexualité tandis que la municipalité de Vilnius a interdit la Baltic Pride. Il est fait référence à Petras Gražulis, ancien président du Parti chrétien-démocrate de Lituanie, devenu membre d'Ordre et justice et connu pour ses positions homophobes.
Mais les jeunes militants, filles et garçons ne vont pas en rester là et la Baltic Pride va bien avoir lieu. Joana montre bien la difficulté d'expliquer, de convaincre, sans braquer.
Il y a aussi un bel hommage à la poète américaine
Eileen Myles qui est venu les soutenir.
Le format et la couleur bichromie sont vraiment très agréables avec des dessins naïfs plutôt sympas. Par contre, ce que je n'aime pas c'est l'absence de pagination ; j'ai l'impression que c'est le cas de plus en plus souvent et je ne vois pas l'intérêt de supprimer ces repères. Mais, sur le fond, c'est très bien.