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sur 331 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Euripide le dit à travers le coryphée : c'est lorsqu'il n'y a plus d'espoir (ce sale espoir) que le tragique surgit. Les dieux sont omniprésents tout au long de la pièce : dans les rites, les oracles, le char de Médée. Les discours de celle-ci sont parcourus par de nombreuses allusions à la condition féminine et à la sexualité.
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Voici une excellente version du mythe de Médée.
Je ne vais pas le redétailler – l'ayant déjà fait pour la pièce de Corneille. Pour rappel, Médée est une magicienne. Tombée amoureuse de Jason, elle l'a aidé à récupérer la Toison d'Or. Elle est prête à tout pour lui : tuer son propre frère, éliminer l'usurpateur du trône de son homme, toujours avec la manière (plutôt cruelle et ne manquant pas d'originalité). Ils vivent ensemble à Corinthe jusqu'à ce que Jason – quel enfoiré ! – la largue pour la fille du roi Créon. Médée est sommée de quitter Corinthe. Ainsi trahie, elle se venge de la pire des façons : elle tue la fille du roi en lui envoyant en cadeau un voile empoisonné qui s'enflamme au contact (le roi y passe aussi d'ailleurs) et abat ses propres enfants afin de laisser Jason sans descendance.

Euripide n'insiste pas sur la magie de Médée, ni ne fait intervenir de dieux. C'est une femme qui agit, certes prête à tout et douée dans l'art du poison, mais surtout une femme qui met son intelligence au service de ses crimes. La magie n'apparaît guère qu'à la toute fin. Elle est une femme à bout de nerfs face à Jason qu'elle pourrit d'insultes et qui se défend si mal (« oui tu comprends, je fais ça pour nos enfants, pour qu'ils soient à l'aise, vois le bon côté des choses ». Un enfoiré je vous dis). Elle ne prend pas sa décision de gaieté de coeur ; le choeur d'ailleurs essaie de l'en dissuader. Elle hésitera longtemps à tuer ses enfants.
Elle met beaucoup d'intelligence dans la manipulation de Jason. Euripide emploie à nouveau beaucoup ses phrases à double sens – un sens pour l'interlocuteur, un autre à destination des spectateurs qui savent ce qui se trame –, par exemple quand elle dit :
« Prenez ces cadeaux de noces, enfants, et allez les porter de vos mains à la princesse – cette jeune épouse que cela va mettre au paradis – pour les lui offrir »
Mettre au paradis : en apparence cela veut dire « en joie », et sous l'apparence c'est à prendre littéralement « cela va la tuer ». J'adore.
Les scènes de mort, même si elles se passent en coulisse, sont délicieusement insupportables.

L'auteur incruste toujours quelques éléments sociaux de son Athènes contemporaine. Dans Médée, il parle avec amertume à travers son héroïne de l'hostilité que rencontre les intellectuels comme Socrate ou lui-même : pour l'opinion, ce sont soit des inutiles et fainéants, soit des gens qui se croient supérieurs et peuvent saper l'autorité des croyances et des coutumes.

Il faut bien avouer que j'ai du mal à considérer Médée avec compassion. Tuer ses enfants… ça ne passe pas. Jason, en revanche, a beaucoup baissé dans mon estime depuis que je connais son attitude. Venant de terminer Ada ou la beauté des nombres, de Catherine Dufour, je trouve que la condition féminine ne s'est guère amélioré entre l'Athènes antique et l'Angleterre victorienne.
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Quelle pièce! Terrible, fascinante, énorme.

Bon, Jason est une sacrée tête à claques, en particulier quand il fait le lamentable sophiste en argumentant pitoyablement pour justifier l'abandon de la femme qui lui a permis de conquérir la toison, trahissant les siens pour lui, tuant aussi bien frère que dragon pour lui assurer le succès. Carrément mufle dans son absence de reconnaissance pour Médée - Eh! il ne lui doit rien puisque c'est Éros qui, par ses flèches imparables, l'a contrainte à lui sauver la vie ( je ne voudrais pas justifier Médée, mais il y a quand même de quoi être sérieusement agacé non?). Après il faut avouer qu'il est très drôle dans la conclusion de son discours, pas gêné l'Argonaute qui doit quand même sa gloire à cette engeance féminine qu'il sait si bien utiliser pour ses intérêts:
« Il faudrait que les hommes
fassent naître les enfants d'un autre endroit, n'importe, et qu'il n'y ait pas la race femme.
De cette façon, le mal n'existerait pas chez les humains. »

Mais Médée la ravageuse, la monstrueuse, est elle un personnage d'une intensité extraordinaire, dans sa folie vengeresse comme dans ses déchirements. Incandescent mélange de détresse, d'humanité et de puissance destructrice no limit, elle captive, on compatit, on s'horrifie.

Un chef-d'oeuvre!
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Et encore une Médée, la première au théâtre, celle d'Euripide!

Si je me réfère à mes critiques de la Médée de Sénèque, la Médée d'Euripide est un contre-exemple parfait!

Voici une vraie tragédie, - et non une noire caricature- faite pour être jouée - -et non pas seulement lue-, construite sur une structure bien balancée - et non à la va -comme-je-te-pousse- , avec un vrai choeur - un choeur de femmes d'ailleurs, c'est important! qui joue son rôle d'humanité moyenne à laquelle le spectateur s'identifie- et dont le point de vue évolue avec les péripéties, de la compassion à l'horreur.

Et surtout voici une héroïne qui commet un acte monstrueux mais qui n'est pas un monstre .

Elle a encore des larmes, des fragilités, des doutes, des hésitations, des attendrissements et si elle se décide au crime atroce d'infanticide, c'est parce qu'elle est arrivée au bout de sa route.

Voici aussi des personnages secondaires qui ont un vrai poids et se partagent entre deux camps: la nourrice et Egée pour Médée, Créon et Jason contre Médée.

L'histoire n'a pas changé- mais tout est changé.

On n'est pas dupe de ce beau parleur de Jason, le roi des arguties, le champion de la mauvaise foi, qui même après la mort atroce de ses enfants n'en demeure pas moins un triste individu que le choeur renvoie dans ses cordes comme un boxeur sonné..

Et on peut plaindre Médée, suivre les méandres de sa douleur. Malgré son acte impardonnable, elle reste une mère, une mère frappée d'égarement et de folie, mais une mère "sublime, forcément sublime"..si vous voyez ce que je (ne) veux (pas) dire!!

Corinthe, c'est un peu la Vologne, parfois...

La sombre folie, la perfide Erynie la guette, et elle est beaucoup moins la noire magicienne un peu kitsch peinte par Sénèque, qui nargue Jason sur le toit du palais en flammes et s'envole avec son char de serpents ailés, façon Game of Thrones, qu'une étrangère malheureuse, abandonnée en terre hostile, à qui, étrangement, Egée , en échange d'un dénouement d'aiguillettes -il ne peut avoir d'enfants- promet un passeport estampillé, une intégration modèle, un F3 et un nouveau départ dans sa ville -lumière, Athènes, la belle, la généreuse...

Alors ça, si ce n'est pas un signe que même les Dieux redonnent à Médée une seconde chance..

Une pièce d'Euripide assez réussie, en somme, avec ses ambiguïtés et ses contradictions, pour nous donner du grain à moudre et nous empailler quelque peu autour du personnage central!

Noir c'est noir, comme dirait quelqu'un, mais ici le noir est la dernière couleur avant l'extinction des feux...et le passage de l'autre côté...
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La tragédie Médée d'Euripide fut, d'après les sources historiques, interprétée dès 431 ap. J.C.
Tirée de la légende des Argonautes partis avec Jason à la recherche de la Toison d'Or à bord de l'Argo, Euripide concentre ici l'action de sa tragédie sur la séparation de Médée et Jason sur l'île de Corinthe. Jason s'est laissé convaincre par le roi Créon d'épouser sa fille Créuse. Médée, son épouse et la mère de ses deux enfants, abandonnée à son sort, sommée par Créon en personne de quitter l'île sous peine de mort, va sombrer dans une démence vengeresse. Elle implore cependant la clémence pour ses deux fils, pour qu'ils ne soient pas eux aussi contraints à l'exil. Son souhait sera exaucé par Créuse. La nouvelle ne fera cependant qu'attiser son extrême souffrance. La voici seule, forcée à partir, loin de ses deux enfants. Poussée par le désespoir, résolue à se venger de son sort et de Jason, elle va commettre l'irréparable en donnant successivement la mort à Créuse, Créon et à ses deux fils.

Dès la fin de la lecture d'une tragédie antique (grecque et latine) ou d'une pièce du théâtre classique, je suis toujours frappé par leur aspect intemporel et si prégnant. Certes, comme dans Médée, les dieux ne décident plus du destin des hommes et n'exercent plus sur eux leur courroux, mais il y a dans la tragédie d'Euripide des thèmes qui ont tout à voir avec la condition humaine comme ici, le statut de la femme, l'honneur, l'offense, la vengeance, le désespoir.
Médée est une tragédie troublante, saisissante, qui fait partie de ces oeuvres que je qualifie d'inoubliables.

La version que j'ai lue de « Médée » est celle traduite par Marie Delcourt-Curvers – éditions Gallimard, 1962.

Bien qu'écrivant ici sur un site dédié à la lecture, je ne peux m'empêcher de recommander le DVD de « Médée », jouée au Festival d'Avignon en 2000 avec dans le rôle titre, la remarquable Isabelle Huppert, dans une mise en scène de Jacques Lasalle (éditions Arte Vidéo).
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Chef d'oeuvre, incontestablement! Cette tragédie est une angoissante descente vers l'horreur. Euripide lance sa pièce quand Médée est répudiée par Jason, après leur exil à Corinthe. Il y épouse la fille du roi Créon. Médée est alors sommée de quitter le royaume avec ses deux enfants. Mais Médée n'est pas le modèle docile de la femme grecque, c'est une barbare (étrangère). Femme forte, libre et passionnée, elle va rendre coup pour coup et aller jusqu'au bout de sa volonté de vengeance. Loin de peindre une folle et une inconsciente, Euripide nous donne à voir une Médée résolue, appliquée et obstinée qui tue ses enfants parce qu'elle sait qu'ils sont inévitablement perdus.




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Une des toutes meilleures pièces d'Euripide et sans doute l'une des (voire la) plus connues. D'une cruauté extrême, elle dépeint cependant une Médée qui arrive à nous toucher et nous bouleverser. La description de la mort de la fille de Créon est tellement bien écrite qu'on a l'impression de la voir et on est glacés d'horreur. Une pièce à lire absolument et à voir (Personnellement j'ai eu la chance de la voir avec Isabelle Huppert dans le rôle titre il y a des années, je ne sais pas s'il y a un DVD). Et pour les amateurs d'opéras celui de Cherubini vaut le détour.
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Bien que la lecture de cette pièce m'a été difficile, en termes lexicales, je l'ai apprécié. Très dramatique, on observe la folie de Médée prendre de l'ampleur jusqu'à arriver à son apogée. J'en retiens que les problèmes de cette époque restent finalement les mêmes qu'aujourd'hui : lorsque les parents se battent, ce sont les enfants qui en font, le plus, les frais.
Lien : https://sorbetkiwi.wordpress..
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Que de chemin parcouru depuis cinquante ans et les premières tragédies d'Eschyle ! Exit les dieux de l'Olympe, ici c'est de passion amoureuse dont il est question. Médée follement éprise de Jason devient folle tout court après sa trahison. Et loin de la condamner, Euripide en fait le héraut de la cause féminine contre les conventions du temps et la rend éminemment humaine. le premier drame romantique de l'histoire de la littérature est né.
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La version à laquelle je reviens toujours, aux répliques criantes d'actualité, l'amour, la haine, la politique, le statut de l'étranger, le statut de la femme, tant de thèmes universels...
Une lecture qui m'a poussée à chercher d'autres versions du mythe de Médée, dans les livres et l'art.
Lien : http://lecture-spectacle.blo..
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