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José-Flore Tappy (Autre)
EAN : 9782351501276
364 pages
Revue Europe (02/03/2023)
3.5/5   1 notes
Résumé :
En poésie d’abord, mais en prose aussi, Jude Stéfan (1930-2020) est l’auteur d’une œuvre à la fois très singulière et riche d’affinités avec des voix anciennes et toujours vives, de Catulle à François Villon, de Maurice Scève et Louise Labé aux poètes de l’âge baroque. Autant dire que la langue de ce poète, d’une extraordinaire invention, rebrasse dans sa modernité toute une tradition lyrique, Grecs et Latins compris. L’écriture était pour Jude Stéfan le seul recour... >Voir plus
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
 Chants croisés
      Tombeau de Stéfan et de Salabreuil

                     5
  
  
  
  
    « Où est mon pays ? » disait le poète. Le jour m’apporta sa réponse à
deux voix. C’était sur le rayon le plus fier de ma bibliothèque, voisins, sans
rien qui s’intercale, pas de Savitzkaya, je ne sais où perdu : Salabreuil et
Stéfan. Sa et Sté, Sté-Sa, Stase. Beaux comme la rencontre sur la table des
vents d’une machine à foudre et d’une averse de fleurs, comme l’éclair du
lézard sur un mur outragé ou comme le bond aérien d’archaïques soleils…
Beaux comme un grand parloir traversé par les voix obscures de l’ardeur
et du désarroi.
  Les lisant dans l’alternance, strophes et souffles mêlés, me baignant dans
leur fontaine, je me demandais à qui sont ces lilas ulcéreux, ces pluies froides,
cette forêt morte, cette barque ayant perdu sa chaîne, ce « vivre à l’obscur »
sous la neige des sapins, cet écorchement, ce mûrissement, ce pourrissement
et ces révérences agrestes, ce retrait dans je ne sais quelles interrogations, ces
escaliers d’illusions toujours descendus, toujours gravis, la symphonie des
vents et des grêles, sans rime ni raison on y vit de larmes et d’abandon, on
s’épuise dans l’âme lointaine des aubes, quelle amertume encore !... « Est-ce
du vent que tout cela ? » Et je n’ai pas dissocié depuis tant d’années où leur
aile se déplie, heureuse ou blessée, « le buvard du ciel mauve » de « l’artifi-
cieux pétunia », tel « paysage limpide » où j’entends encore « le cri des animaux
obscurs » du « souriant miroir » des amants, et « ces longues robes d’aube et
d’ombre » des « coquilles du cri blanc dans la nuit mouillée » ou « la buée des
très anciens étés » de cette « averse blanche de la lune ».


// Lionel Ray
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 Chants croisés
      Tombeau de Stéfan et de Salabreuil

                     2
  
  
  
  
    Le tombeau-miroir accroche un toit, une fumée, des collines bleues, des
matins dans la neige,  des jardins négligés,  des noms,  une histoire d’îles
lointaines, des jarres oubliées dans des ruines, des spectres ténébreux, des
paroles éteintes. J’écoute ce miroir qui est la musique même ou ce désordre
qui se met en moi lorsque chante cette porte ouverte sur l’infini et il me
semble que la pierre-miroir  n’est pas assez large pour mes mots, pas assez
profonde pour mes songes. Et « que l’instrument s’accorde en prévision de
l’orchestre » ( Aragon).


// Lionel Ray
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 Chants croisés
      Tombeau de Stéfan et de Salabreuil

                     7

  
  

   Jean-Jude-Philippe-Stéfan-Salabreuil : lequel abandonne à l’oubli ce
qu’il y a en lui de plus vivant, lequel ayant tendu les filets mentaux d’un
merveilleux langage pêche en eau troublée dans les aléas de la vague l’espoir
désespéré de vivre. Quand notre pourrissante époque ne sera plus que
sinistre grimoire à déchiffrer pour des générations heureuse (s’il s’en trouve),
peut-être restera-t-i ici ou là, le geste d’une bouteille lancée à la mer, leur
nom ayant pris le large comme une voile le vent, et de cette langue qui fut
la nôtre, obscurément, ces mots qui sont les leurs, brilleront, témoignant que
tout ne fut pas englouti, ni absurde, ni exsangue, et que tout n’alla pas valser
dans les cendres.


// Lionel Ray
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 Chants croisés
      Tombeau de Stéfan et de Salabreuil

                     6
  
  
  
  
   Il y a quelque chose d’insoutenable dans les chants croisés. Ces nuits
debout qui échangent leurs signes. Tout ce qu’il y a d’infirme dans ces gestes
tendus l’un vers l’autre, cendreux, poudreux, chant du chien reniflant des
sacs d’ombre.
   Ces déchirements dans l’arrière-pays de leurs poèmes dont on ne sait s’il
est celui des mots ou du silence. Ces encombrements comme d’une gare
affamée d’horaires avec trains en attente, affolement des quais, stridences,
piétinements. Est-ce que les mots et les morts se font signe, dans le travail
du temps, à des fins qui ne tendent à rien de formulable dans le giron de cette
interminable nuit, mère du monde ?


// Lionel Ray
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 Chants croisés
      Tombeau de Stéfan et de Salabreuil

                     1
  
  
  
  
     Le tombeau poétique.  Hugo, Mallarmé (par exemple) célébrant
Théophile Gautier, Edgar Poe, Verlaine : acclamation, célébration, filiation.
     Face aux modèles que je célèbre, je suis dans un rapport de filiation
mais  en même  temps  à travers eux,  je parle en secret  à  moi-même.
     Ils donnent à entendre « sous les paroles l’air de la chanson » (Proust)
ou ces appels mystérieux que s’adressent les dormants d’une rive à l’autre
du songe. L’écriture du tombeau procède d’une lecture intérieure toute en
écoute et en échos.


// Lionel Ray
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