Dans la bibliographie de Gaëtan Faucer prédominent les œuvres théâtrales. On y trouve aussi des aphorismes, des nouvelles, et trois biographies parues dans le format court des Articles aux éditions Lamiroy. C’est peut-être dans ces formats, courts, et dans cette forme, le théâtre, qu’il faut aller identifier l’art singulier d’écrire une poésie narrative et fulgurante, lyrique et étincelante. Il s’agit dans la brièveté de cette poésie-récit, d’aller à l’essentiel, comme dans l’aphorisme ou la nouvelle, mais aussi de pouvoir passer l’épreuve de l’oral, comme pour le théâtre.
Au catalogue de la maison Bleu d’encre, le titre de Lance-flammes (et l’illustration de couverture signée de Hugues Hausman, artiste protéiforme, comédien, réalisateur et dessinateur) happent d’emblée. Lance-flammes à lire comme projections à la fois de feu et de lumière. « Incandescences », est un titre qui aurait pu convenir à certains poèmes de ce recueil, comme
Noir et blanc
– (Le sacré l’immaculé le pur/Lui me provoque l’effroi/Le vide la chute sans attache (…)-,
Près de nous –
(Or quelque part/ Proche de nous/ règnent des secrets (…) –.
L’ironie n’est pas absente de ces flammes poétiques, comme dans « Sous les feux », une ode gourmande (..) au festin/ Que l’on festoie tandis que, future ripaille, Seule sur la broche/Tu pivotes/ En tournant (…).
La réalité n’est pas absente de la rêverie poétique. L’affrontement du vide revient à plusieurs reprises. L’angoisse de la page blanche et l’énigme de l’écriture accablent le poète qui les combat en les exprimant dans de très beaux moments d’émotion, exprimant Plusieurs maux pour / Cette douleur sans mots (…)
Écrivain de théâtre et lui-même comédien, Faucer imprime à sa poésie le rythme d’une voix, d’une scansion portée par la puissance des allitérations – (Cette indigence / Indigeste (…) –, et la justesse des répétitions. Sous le titre « Facilité », il évoque l’entrelacement du geste et de la parole dans un texte qui semble être le mode d’emploi du recueil. Il invite à lire à voix haute pour lutter contre la prépondérance du geste… Où sont passés / Les bons hâbleurs / Ceux auxquels on ne résiste… ? Et de s’indigner : Le geste ! / Quelques mots bâclés / Et l’on croit que le tour / est joué
Le recueil qui s’ouvre par des textes qu’aucun fil ne réunit, se partage ensuite en séquences identifiées par les titres Charnel, Pur-sang, Vacuité, et Arcanes.
Ce dernier titre, qui évoque le mystère, la dissimulation, la manœuvre secrète est paradoxalement le plus lumineux. Au terme de son cheminement, le poète se tourne vers l’univers, le cosmos, le soleil depuis La terre / Unique lieu où tout s’observe. Il y relativise la place de L’homme face à l’univers. Mais, dans « Soleil secret », la rêverie emporte le poète : Le soleil / Enfouit sous ses flammes / Un secret jamais / Dévoilé…
N’y a-t-il pas là, dans une flamboyante métaphore, l’interrogation incessante du poète face à son art ? Cette énigme qu’est la poésie que rien ne définit vraiment mais qui est comme « l’aube », Le commencement de la création / Découvrons le soleil / Dépouillons-le / De ses rayons / De ses arcanes les plus profonds / (…) Pour enfin accéder à certaines / Connaissances…
Jean Jauniaux https://le-carnet-et-les-instants.net/2023/11/29/faucer-lance-flammes/
Gaëtan c’est, comme disent les commentateurs sportifs le « couteau suisse » de la littérature, il sait tout faire ou presque, avant de lire ce recueil de poésie, j’avais déjà lu un recueil d’aphorismes publié par Cactus inébranlable éditions et je viens de recevoir le texte d’une pièce de théâtre, édité par Lamiroy, qui sera bientôt donnée sur scène. Il a su convaincre des éditeurs à la réputation bien établie, ça prouve sans doute qu’il ne manque pas de talent.
Ce recueil se compose de poèmes de forme souvent différentes, un par page, construit avec des vers courts, quelques mots seulement. Comme tout bon poète, Gaëtan choisit scrupuleusement ses mots qui pour moi et apparemment pour lui aussi, ont plus d’importance encore que les vers, ce sont eux qui donnent le sens, la musique et le rythme aux vers et aux poèmes. « …// Le long des lignes / Une histoire se tisse / Qu’importe celle-ci / Le mot lui est partout // … ». Les histoires sont toujours les mêmes mais la façon de les raconter et de les mettre sur la page est très personnelle, il y a mille et une bonnes manières d’écrire une bonne histoire en choisissant habilement ses mots et en le agençant adroitement. Gaëtan le sait et le fait !
Chaque poème raconte quelque chose, décrit un morceau de vie, Gaëtan y exprime sa joie de vivre son plaisir d’être sur terre, de jouir de l’existence mais aussi ses sensations, parfois, son mal être, ses états d’âme. « … // Vivre en connaissance de cause / Exister et déguster sa raison d’être / Entrevoir les règles de l’histoire / Les pourquoi des défenses imposées … ».
En quelques mots, il construit un poème dont la seconde et dernière strophe évoque l’infini, le temps qui coule dans le sablier du maître du temps, celui qui tire inéluctablement les ficelles de l’espace de notre existence. Le poète s’interroge : « … // Qui commande ses actes / Qui tire les ficelles ? / Triste sort / Pauvre destin / Qu’est celui de mener / Le monde / a son inéluctable perdition ».
Pauvres ères, vous qui devez subir la quantité de temps qui vous est allouée sans que vous sachiez qui détermine cette mesure. Ce recueil est plein de l’ambigüité de l’humanité où le plaisir de jouir de l’existence est souvent contredit par les contraintes que celle-ci impose.
Bleu d’encre éditions
Denis Billamboz
http://mesimpressionsdelecture.unblog.fr/2024/02/02/lance-flammes-gaetan-faucer/?fbclid=IwAR12gs0AXoL6I_sjoT-ANT2ZpMT6LrZoFmBL8x4SJ7EGp0wnwTJQXCuVvhU
Mots de Sagesse de Gaëtan Faucer | Pensées et Citations Inspirantes sur la Vie