Découvert à ...douze ans, grâce à un magnifique disque dit par Marcel Lupovici ,accompagné de guitare andalouse, aujourd'hui introuvable je le crains- dans une maison où l'Espagne républicaine et les souvenirs sanglants de la guerre civile étaient encore des blessures ouvertes...
C'est dire si ce Romancero gitan -où la Guardia civil massacre les Gitans réunis pour fêter Noël - résonne encore dans ma mémoire avec les voix d'Esther, Celia, Maria qui en reprenaient en choeur les passages les plus célèbres... - Aah, cité des gitans, qui t'a vue et ne se souvient?-
Je déteste la corrida mais le LLanto pour le bel Ignacio à l'aine perforée par la corne du taureau continue à m'arracher des larmes, dont je ne sais si elles sont dues au souvenir, à la compassion ou à la rage (saloperie de corrida, quand même, combien de taureaux pour un toréador! )
Mais quand même...écoutons plutôt Federico -Aye, Quel terrible Cinq Heures du Soir, c'était juste cinq heures du soir,c'était cinq heures à toutes les horloges...
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Je propose ma traduction de:
LA NONNE GITANE
Silence de myrtes et de chaux.
Mauves dans les herbes fines.
Sur la toile couleur de paille
la nonne brode des giroflées.
Le lustre gris a capturé
les sept oiseaux de l'arc en ciel.
Des grognements d'ourse repue :
là-bas l'église qui fait la sieste.
Qu'elle brode bien, et quelle grâce !
Sur la toile couleur de paille,
elle voudrait y dessiner
des tas de fleurs à son idée.
Parmi paillettes et rubans ,
des tournesols, des magnolias
des fleurs de safran et la lune
pour un autel tout chamarré.
De la cuisine d'à coté
s'échappe un parfum sucré.
Cinq pamplemousses, cinq plaies du Christ,
fruits d'une lame d'Almería.
Au fond des yeux de la nonnette
deux cavaliers passent au galop.
Une rumeur ultime et sourde
qui s'est glissée sous sa tunique.
Devant nuages et maquis
peuplant les horizons rigides
son petit coeur de menthe explose
en mille morceaux sucrés.
Oh ! , quelle plaine basculée
et vingt soleils qui la surmontent.
Combien de fleuves redressés
s'imagine-t-elle entrevoir !
Mais elle revient à ses fleurettes
tandis que debout dans la brise
le soleil par la jalousie
dispute une partie d'échecs.
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" Mon art n'est pas populaire . Je n'ai jamais considéré qu'il l'était . "
Et je l'explique ainsi :
" Le romancero gitano " n'est pas un livre populaire , bien que le soient quelques uns de ses sujets . Seuls sont populaires , quelques-uns de mes vers , mais peu nombreux . La ' romance de l'épouse infidèle ' , par exemple , l'est , parce qu'elle a des racines culturelles villageoises et peut être accessible à tous lecteurs et émouvoir tous ceux qui l'écoutent . Mais la plus grande partie de mon oeuvre n'est pas populaire , même si elle le semble de part ses sujets , parce que c'est un art , je ne dirai pas aristocratique , mais si épuré , avec une vision et une technique qui contredisent la simple spontanéité populaire . "
Les chevaux sont de couleur noire .
Noirs les fers des chevaux aussi .
Des taches d'encre et de cire
luisent le long de leurs capes .
S'ils ne pleurent , c'est qu'ils ont
du plomb au lieu de cervelle
et une âme de cuir vernis .
Par les chemins ils s'en viennent .
Groupe nocturne et bossu ,
sur leur passage ils font naître ,
d'obscurs silences de gomme
et des pleurs de sable fin .
Ils vont où bon leur semble ,
cachant au creux de leur tête
une vague astronomie
de pistolets irréels .
Et d’autres filles couraient,
poursuivies par leurs tresses,
dans un air où éclataient
des roses de poudre noire.
Lorsque toutes les terrasses
furent des sillons en terre,
l’aube ondula des épaules
en un long profil de pierre.
Et tandis qu’elle raconte
son aventure en pleurant,
le vent sur le toit d’ardoises
plante, furieux, les dents.
Ses cuisses glissaient sous moi
comme des poissons surpris,
à demi pleines de feu,
à demi pleines de froid.
Découvrez l'émission intégrale ici : https://www.web-tv-culture.com/emission/sylvie-le-bihan-les-sacrifies-53498.html
Elle est présente en librairie depuis plusieurs années et Sylvie le Bihan a prouvé la qualité de sa plume même si elle reconnait elle-même ressentir encore le syndrome de l'imposteur quand elle voit ses livres en vitrine.
En 2013 parait son premier ouvrage, « Petite bibliothèque du gourmand », une anthologie de textes littéraires autour de l'art culinaire, un livre préfacé par son mari, le chef Pierre Gaignaire.
Elle est présente en librairie depuis plusieurs années et Sylvie le Bihan a prouvé la qualité de sa plume même si elle reconnait elle-même ressentir encore le syndrome de l'imposteur quand elle voit ses livres en vitrine.
En 2013 parait son premier ouvrage, « Petite bibliothèque du gourmand », une anthologie de textes littéraires autour de l'art culinaire, un livre préfacé par son mari, le chef Pierre Gaignaire.
L'année suivante, choisissant la plume romanesque, elle signe « L'autre », récompensé au festival du 1er roman de Chambéry, histoire saisissante sur le pervers narcissique. le livre est fortement remarqué. Dès lors, Sylvie le Bihan devient un nom qui compte. « Là où s'arrête la terre », « Qu'il emporte mon secret », « Amour propre » ont crée autour de la romancière un lectorat fidèle qui se retrouve dans ses intrigues, dans les sujets abordés, dans la fragilité des personnages, dans la subtilité de son écriture
Voici son nouveau titre, « Les sacrifiés ». Et quelle réussite ! Sylvie le Bihan choisit cette fois-ci la fresque historique et nous entraine dans l'Espagne des années 30, celle qui de l'insouciance va sombrer dans la violence et la guerre civile. Juan est le personnage central de cette histoire de soleil et de sang. Il est encore gamin quand on lui fait quitter son village d'Andalousie pour devenir le cuisinier du célèbre torero Ignacio Ortega. Dès lors, dans l'ombre, le jeune Juan va découvrir une nouvelle vie de luxe et d'insouciance où les stars de la tauromachie côtoie tous les artistes de l'époque. Fasciné, il va surtout devenir le témoin d'un trio exceptionnel, celui que forment, entre amour et amitié, le sémillant torero Ignacio, la belle danseuse Encarnacion et le fragile poète Federico Garcia Lorca. Mais bientôt, le ciel d'Espagne vire à l'orage. Juan et tous les protagonistes de cette histoire vont être balayés par le vent de l'Histoire.
Là est la force du livre de Sylvie le Bihan. A l'exception du personnage fictif de Juan, tous les autres sont authentiques. Au prix de plusieurs années de travail et de recherches, elle leur redonne vie dans ce roman foisonnant, flamboyant, douloureux, qui résonne étrangement avec notre époque contemporaine et interpelle : qui sont les sacrifiés d'aujourd'hui ?
Hommage à l'Espagne et à son histoire, hommage à la littérature et à Federico Garcia Lorca, Sylvie le Bihan signe un livre au souffle puissant, parfaitement construit, à l'écriture remarquable, un livre que vous refermerez le coeur déchiré
C'est un coup de coeur ;
« Les sacrifiés » de Sylvie le Bihan est publié aux éditions Denoël.
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