Un livre que j'avais lu en ligne dans sa version originale, en russe et oublié de critiquer, essentiellement parce que je ne savais pas comment rentrer cet ouvrage sur Babelio. Un livre effarant et en même temps, rassurant, dans le sens où son auteur n'était ni un appelé, ni un mercenaire attiré par l'argent, mais un mercenaire d'élite issu d'une famille de militaires, quasiment un soldat de métier, et que ce n'est pas rien quand un tel homme prend la parole pour dénoncer ce qui se passe au front, questionner le sens de cette guerre et lancer un appel, un cri. Car tel est le sens du titre : ZOV, ce sont les trois lettres peintes en blanc sur les véhicules militaires (le Z étant resté le plus remarqué), mais qui peuvent aussi, placées dans cet ordre, se traduire par « appel ». J'ai lu parfois, tant en russe qu'en français, que
Pavel Filatiev était un déserteur, d'où son émigration hors de Russie. C'est faux, il n'a émigré qu'après avoir écrit ce livre, ce qu'il n'a fait qu'après avoir été blessé et avoir démissionné comme son dernier contrat, arrivé à échéance, le permettait à ce moment-là. On découvre, vu de l'intérieur, ce que l'on savait déjà, de l'extérieur : le délabrement du matériel militaire, la désorganisation et la corruption du commandement, l'habitude de considérer les hommes comme de la chair à canon (et là il ne s'agit pas encore des soldats de base ou d'appelés!), les mensonges des autorités (sur les soldes et les indemnisations promises), la mauvaise qualité des soins médicaux (là, d'après ce que j'ai lu, c'est plutôt encore pire que ce qu'il décrit!).
Côté écriture on est très loin d'un chef d'oeuvre littéraire, entre vocabulaire ordinaire de soldats, syntaxe basique, niveau de langue pas terrible. C'est une langue peu agréable à lire, mais ce n'est guère important, c'est le message qui compte, et en plus, ce n'est pas un texte très long. C'est souvent maladroit, parfois dans le fond, souvent dans la forme, mais cela montre que malgré toute la propagande russe (à laquelle, comme la plupart des Russes, il n'échappe pas totalement), il se montre fidèle à lui-même et à sa vision de l'armée : «Selon ma compréhension, mon éducation, ma conscience et mon coeur, il n'est justifié de tuer que si je sauve ma vie, la vie d'autrui ou si je défends ma terre contre un envahisseur.»
Malheureusement il semble bien que son appel n'a guère été entendu en Russie malgré une publication en ligne.