Ce n'est pas vraiment évident d'être celui qui ouvre le ban, qui est le premier à dire du bien ou pas d'un livre.
Je vais tâcher de faire de mon mieux.
D'abord, contextualiser... essayer de vous dire ce qui a suscité mon intérêt pour
Jean-Michel Cosnuau dont je n'avais jamais entendu parler avant de le découvrir interviewé par une célèbre journaliste officiant sur LCI un soir d'il y a quelques semaines, à l'heure où je prends quotidiennement des nouvelles de l'Ukraine depuis le 24 février 2022...
Depuis cette date - en devenant un résistant de salon -, j'ai pas mal lu sur ce pays que j'affectionne, ainsi que sur la Russie de Poutine... où, je l'ai déjà mentionné, j'ai vécu au début des années 2000 et où j'ai gardé liens et contacts.
Au nombre de ces lectures figurent - le livre noir de
Vladimir Poutine - de Galia Ackermann et
Stéphane Courtois ( présenté sur Babelio ), -
Les hommes de Poutine. Comment le KGB s'est emparé de la Russie avant de s'attaquer à l'Ouest - de
Catherine Belton ( je n'en ai pas "encore" parlé ; c'est une somme, un livre qui fait référence, et en faire un billet me semble trop ardu pour le moment...).
Toujours en quête d'une possibilité de pouvoir mieux parler du sujet brûlant qui tient aujourd'hui le monde en haleine est devenu pour moi une sorte de "priorité" ;
Jean-Michel Cosnuau de par la singularité de son expérience m'a paru être l'un de ceux susceptibles d'élargir mon champ de compréhension... j'ai acheté son bouquin, très vite lu...
"Le 17 juillet 1996, le Boeing 747 effectuant le vol TWA 800 explose en plein vol au large de Long Island 12 min après son décollage de New York JFK. L'avion de la Trans World Airlines, à destination de Rome Fiumicino, via Paris
Charles-de-Gaulle, transportait 230 personnes dont aucune ne survécut à l'accident."
Parmi les passagers se trouve Myriam, la compagne de JMC ; "la femme de sa vie".
"Comme on s'engagerait dans la Légion étrangère"... ce dernier émigre en Russie... sorte de Far-West pour aventuriers n'ayant plus rien à perdre et qui sait, peut-être tout à gagner.
Il ne parle pas russe.
Ce sont les années Eltsine, la seule parenthèse chaotique où la liberté est apparue aux Russes, qui n'ont pas su quoi en faire...
À Moscou, cet homme doué, cultivé, entreprenant et disons "libertarien" va très vite sentir les opportunités d'enrichissement qu'offre ce nouvel Eldorado où l'or se ramasse davantage dans le business "border-line" qu'en sondant la Volga ou la Moskva.
JMC va ouvrir des clubs, des restaurants... plus d'une vingtaine.
Tout le gratin local et international de passage à Moscou fréquente ses établissements.
L'or coule à flots.
Cette prospérité va durer quelques années, dans une tranquillité que lui autorise le "parrainage" d'un " toit", d'un "krysha", d'un protecteur... hautement placé et grassement rétribué.
Le " 19 ", ce club de renommée est situé en face de la Loubianka ( siège historique du KGB ).
Le temps passant, des "petits nouveaux" aux dents longues et aux appétits féroces succèdent aux anciens. C'est la loi dans ce pays hors-la-loi, exceptée celle du clan mafieux de Poutine.
Le FSB-USB lorgne sur le 19... Un Kompromat ( affaire compromettante montée de toutes pièces pour se débarrasser de quelqu'un ) est ourdi par des membres de l'ex-KGB... Un premier "masky show" ( un raid "bidon" de la police ) a lieu en février 2016...
C'est le début de la fin pour le 19 et pour l'équipe qui le dirige et l'anime ; la barbouzerie d'État va fonctionner à plein !
JCM tombe pour différents délits dont celui de complicité d'organisation de la prostitution et trafic de stupéfiants... charges initiales qui évolueront plus tard vers... le pire...
Assigné à résidence, la folle aventure de JCM commence... à vous de décider si vous avez envie de le suivre...
Ce petit livre nerveux de 220 pages nous permet de vivre, outre l'incroyable cavale de l'auteur, les expériences carcérales marocaines et russes vécues par ce dernier de l'intérieur, une approche détaillée du système judiciaire poutinien, et nous offre une immersion dans ce pays devenu la proie d'une clique de mafieux criminels... un voyage au pays des " siloviki " ( pluriel de silovik : personne dont le pouvoir résulte de la force et de la terreur ).
L'histoire est passionnante.
Mon regret est qu'elle ait été survolée.
Beaucoup de sujets sensibles et dignes d'intérêt sont esquissés sans que l'auteur ne s'y attarde et c'est dommage.
Julia, sa nouvelle compagne , aurait mérité la place qui lui revient et à laquelle elle n'a pas vraiment droit.
JCM a trop cédé au factuel. S'il parle de lui - c'est le narrateur et c'est sa vie -, c'est pour ne concéder que trop peu de sa "persona", de son intime ; il ne se livre qu'à travers un "minimal minimorum", et c'est dommage.
Il est très difficile d'être synthétique dans un ouvrage de 220 pages qui en aurait mérité au moins une bonne centaine de plus.
Mais c'est un témoignage qui offrira à beaucoup un ticket tout neuf pour un voyage en Poutinie que trop encore méconnaissent ou à propos duquel les fantasmes les plus incongrus détournent de la réalité de ce qu'est devenue la FDR.
Un petit mot sur la syntaxe qui, à mon avis, aurait eu le temps de s'accomplir tout au long d'un manuscrit de 350 à 400 pages et qui est à l'étroit dans ces 220 pages hâtées...
À noter l'excellente préface d'
Emmanuel Carrère, ami de l'auteur.
Cela étant, vingt-cinq ans en Russie à vivre au coeur du coeur inaccessible aux quidams, c'est loin d'être banal... et lorsque ces vingt-cinq années l'ont été par un Français, ça prend une tout autre dimension...
Vous trouverez des noms célèbres - pas que des Russes -, dont l'auteur nous laisse libres d'en penser ce que bon nous semble... Depardieu, Mariani,
Jack Lang etc etc etc...
À l'issue de cette lecture, j'ai du mal à me faire une idée de l'homme. Sympathique, certes... mais complexe, très complexe. Un vilain gosse qui aimait trop jouer avec les allumettes et qui a fini par se brûler... un dilettante surdoué aimant les milieux interlopes dans une quête de...
Un poutiniste repenti, installé en Géorgie à quelques kilomètres d'un thé "allongé", d'une fenêtre trop ouverte... allez comprendre !
Quelques courts extraits pour vous donner une idée de ce qui sera peut-être une prochaine lecture :
"-Le système qui a dévoré ma famille pendant les années de répression et fait de moi un orphelin a prétendu évoluer alors qu'il n'est rien d'autre qu'un serpent qui mue ; ceux qui tirent les ficelles, pillent le pays sont les mêmes, les siloviki, satanés kagébistes. Ils ont échangé leur adoration pour les portraits de Staline ou
Lénine pour celui de Benjamin Franklin sur les billets de 100 dollars ; ils contrôlent tout, de haut en bas. le FSB, c'est le KGB en pire, avant ils étaient au service du Parti, maintenant, l'État est à leur service."
-" Ils nous font chier avec leurs vieux films sur la grande guerre patriotique, tous les ans ce sont les mêmes conneries avant leur défilé à la con. À croire qu'ils n'ont plus que ça pour bouffer la cervelle des gens."
" Il me fait part d'une théorie originale sur Poutine.
Poutine, celui qu'on voit partout à la télé, ne serait pas le vrai Poutine.
Le premier Poutine serait mort en 2005 d'un cancer du foie, et remplacé par un double. Sur les photos, ce n'est plus la même personne. Avant il était maigrichon avec un petit air de voyou, le nouveau Poutine est bouffi, toujours avachi. Il donne d'autres éléments comme quand il parle à Merkel, maintenant il a des écouteurs, avant il parlait couramment allemand avec elle, et son chien ne le suit plus partout. Il termine en disant qu'en Russie plein de gens sont au courant.
Je n'insiste pas. Les Russes depuis l'Union soviétique ont tellement été abreuvés de mensonges que toute théorie, même farfelue, est à leurs yeux vraisemblable. Rien n'est vrai, tout est possible, dit un dicton populaire."
" Ceux qui sont restés à Moscou et avec qui je suis resté en contact m'affirment vivre comme si de rien n'était. Les restaurants et les bars sont pleins. Ambiance le Titanic et son orchestre avant l'iceberg.
Le rouleau compresseur de la propagande tourne à plein. Les masses sont zombifiées, amorphes, malgré les dizaines de milliers de jeunes soldats sacrifiés sur l'autel de l'hubris de leur président."