J'ai noté cette Prière sur la montagne de Marco Basaïti. On ne saurait omettre, peint par ce même Basaïti, le tableau des Fils de Zébédée, composition tout aussi froide' au point de vue expressif, mais où les qualités de couleur prennent une importance décisive et où le paysage fait son apparition dans un décor d'exceptionnelle étendue : trait d'autant plus notable qu'il est plus rare en cette école ! N'en faut-il pas chercher la raison dans ce fait que leur ville fut tout pour eux et que les spectacles quelle offrait à leurs regards suffisaient amplement à satisfaire leurs exigences. Encore, lorsque le paysage apparaît, comme dans la peinture de Marco Basaïti, le voyons-nous ordonné et composé, avec des tours et des châteaux forts et, dans le fond des perspectives, ces arrière-plans de montagnes toutes vêtues de neige, que l'on découvre de quelque île voisine de Venise et qui prennent, sous la caresse des dernières lueurs du jour, ces tons irisés et changeants de la nacre, si voluptueux et si doux au regard !
Entre toutes les écoles de peinture qui se développèrent dans un milieu fixe et précis, sans doute n'en est-il pas qui, plus que l'École vénitienne en ses successives évolutions, présente un caractère de rigoureuse unité. Si nous examinons les maîtres essentiels depuis l'origine de l'École jusqu'à son final accomplissement, toujours nous retrouvons les mêmes traits essentiels aussi ; et les préoccupations qui modelèrent le talent d'un Cima ou d'un Carpaccio ne nous apparaissent pas sensiblement différentes de celles qui préparent l'oeuvre d'un Titien ou d'un Tintoret.