Dans son essai Why. How Great leaders Inspire Everyone To Take Action, Simon Sinek se demande comment les frères Wright, Wilbur et Orville, réussirent face à Samuel Pierpont Langley qui disposaient pourtant d'une meilleure équipe en termes d'équipement, de financement et d'éducation. Selon lui, et c'est la thèse de son ouvrage, les frères Wright réussirent parce que, contrairement aux frères Langey, ils commencèrent par se poser la question « Why », question que se posent toutes les personnes (et leaders) qui réussissent même si elles doivent pour cela échouer auparavant.
Dans Les premiers aviateurs d'Alexandre Fontaine Rousseau et Francis Desharnais, on retrouve évidemment les frères Wright en compagnie d'autres inventeur et pionniers de l'aviation comme Besnier le serrurier*, Sir Hiram Stevens Maxim, père de la mitrailleuse moderne et inventeur du piège à souris, les frères Pathé (après avoir acheté leur invention aux frères Lumière, ils envoyèrent à travers le monde des équipes de tournage afin de ramener des images filmées dont des images filmées d'engins volants et de tentatives de vol) et Franz Reichelt.
En exergue du livre, une citation d'Antoine de Saint-Exupéry, aviateur de son état, rappelle que « L'homme ensuite, d'erreur en erreur, trouve le chemin qui conduit au feu ». Le thème de cette bande-dessinée est en effet clairement le thème de l'échec (à travers l'aviation) : « On oublie souvent que l'échec occupe une place de choix dans l'histoire de la réussite, et l'épopée des premiers aviateurs ne fait certainement pas exception à cette règle ancestrale. le présent ouvrage retrace les grandes lignes de l'histoire de l'aviation en s'intéressant plus particulièrement à ses innombrables chutes ainsi qu'à la petite poulie qui fait que le rêve tombe toujours en morceaux » (2ème de couverture).
Dans ces cinq chapitres inspirés par quelques (vrais) pionniers de l'aviation, le dessin de Francis Desharnais est clairement mis au service du texte d'Alexandre Fontaine Rousseau. Le dessin n'est pas en retrait car de moindre qualité mais réduit à une forme minimale - par exemple, dans le chapitre 5, le saut mortel de Franz Reichelt, le dessin est le même dans toutes les cases : à savoir, la Tour Eiffel vue du dessous - et met en valeur le texte, les discussions entre les différents protagonistes et leurs réflexions. Ainsi celle de Besnier le serrurier qui en 1678 déjà essayait de voler et auquel Alexandre Fontaine Rousseau fait dire « Même si je continue d'échouer systématiquement, je sais qu'un jour, quelqu'un réussira et ce jour-là, on dira que j'ai été un pionnier. On ne souviendra pas du ridicule de mes échecs. On ne fera pas de blagues à mes dépens. Quel genre d'être méprisant prendrait prendrait plaisir à rire de ma ténacité après ma mort ? Je dis bien si je continue d'échouer. »
Les textes sont non seulement très drôles - à la fin du chapitre, Besnier le serrurier entonne le refrain de I believe I can fly de R. Kelly; certes c'est plutôt de l'humour noir car ces pionniers sont rarement venus racontés leurs exploits** - mais également très instructifs*** (on sent bien que les deux auteurs se sont bien documentés sur leur sujet), notamment la discussion sur les brevets ou les réflexions sur l'échec. Sur les brevets dans le chapitre 4, L'avion des frères Orville et Wilbur Wright, une discussion entre les frères Wright dans laquelle apparaît Thomas Edison se déroule :
« Les brevets sont déjà prêts. Il suffit d'un test concluant et tout est en règle.
- Comme tu es prévoyant.
- Oh, ce n'est rien. En fait, j'allais complètement oublier jusqu'à ce que je croise Thomas Edison , l'autre jour.
- Et comment allait cette vielle fripouille ?
- Il m'a demandé comment avançaient nos travaux. Il m'a posé une foule de questions. Nos recherches semblaient l'intéresser énormément. Évidemment je me suis précipité au bureau des brevets IMMÉDIATEMENT après notre rencontre.
- Ta vigilance t'honore, Wilbur.
- Bien entendu, Edison était déjà au bureau des brevets lorsque je m'y suis présenté. Il tentait tant bien que mal d'obtenir un brevet pour un nouvel appareil volant du nom d'Edisonflyer.
- du classique Edison. Quand même quelle ordure. Une vraie poubelle humaine, cet Edison.
Ne sois pas trop dur avec lui, Orville. Après tout, Thomas a compris que l'important n'est pas d'inventer mais de devenir indécemment riche grâce à des inventions. Il a prouvé que la créativité est grossièrement surestimée. En ce sens, je dirais qu'il s'agit tout de même d'un pionnier. Pourquoi créer quelque chose quand on peut tout simplement reproduire ce qui existe déjà ? »
À la fin de ce chapitre, Besnier entonne
« I believe I can fly
I believe I can touch the sky
I think about it every night and day
Spread my wings and fly away
I believe I can soar
I see me running through that open door
I believe I can fly
I believe I can fly
I believe I can fly »
et rajoute « Bouhou… Snif ». De même pour moi « Bouhou… Snif » d'avoir du écouter R. Kelly pour écrire cette chronique, tant il y a de biens meilleures chansons qui parle de vol. Au hasard le Tonight we fly de Neil Hannon/Divine Comedy :
« Tonight we fly
Over the houses
The streets and the trees
Over the dogs down below
They'll bark at our shadows
As we float by on the breeze
Tonight we fly
Over the chimney tops
Skylights and slates -
Looking into all your lives
And wondering why
Happiness is so hard to find
Over the doctor, over the soldier
Over the farmer, over the poacher
Over the preacher, over the gambler
Over the teacher, over the rambler
Over the lawyer, over the dancer
Over the voyeur, over the builder and the destroyer,
Over the hills and far away
Tonight we fly
Over the mountains
The beach and the sea
Over the friends that we've known
And those that we now know
And those who we've yet to meet
And when we die
Oh, will we be
That disappointed
Or sad
If heaven doesn't exist
What will we have missed
This life is the best we've ever had ».
Pour conclure, Les premiers aviateurs est un livre formidable notamment pour appréhender l'échec - bien plus intéressant que Les vertus de l'échec par exemple - et qui rend hommage aux pionniers de l'aviation.
* Sur le serrurier Besnier, voir :https://www.le-petit-manchot.fr/p-besnier-serrurier-de-sable-1678/dans-les-airs/articles/35018/.
** Voir le « saut mortel de la Tour Eiffel » de Franz Reichelt filmé par Pathé : https://www.youtube.com/watch?v=6gsnVntGoxM, vidéo dans laquelle on voit Reichelt s'écraser au sol.
*** J'ai ainsi appris que la censure cinématographique avait été inventée après que Pathé ait tournée une bande d'actualités présentant une quadruple exécution capitale. Pour plus de détails, voir l'entrée la « Naissance de la censure cinématographique avec la quadruple exécution de Béthune » sur le blog Histoire pénitentiaire et Justice militaire.
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Une proposition originale et audacieuse qui permet surtout de mettre l’écrivain en valeur.
Lire la critique sur le site : BDGest
- Les brevets sont déjà prêts. Il suffit d'un test concluant et tout est en règle.
- Comme tu es prévoyant.
- Oh, ce n'est rien. En fait, j'allais complètement oublier jusqu'à ce que je croise Thomas Edison , l'autre jour.
- Et comment allait cette vielle fripouille ?
- Il m'a demandé comment avançaient nos travaux. Il m'a posé une foule de questions. Nos recherches semblaient l'intéresser énormément. Évidemment je me suis précipité au bureau des brevets IMMÉDIATEMENT après notre rencontre.
- Ta vigilance t'honore, Wilbur.
- Bien entendu, Edison était déjà au bureau des brevets lorsque je m'u suis présenté. Il tentait tant bien que mal d'obtenir un brevet pour un nouvel appareil volant du nom d'Edisonflyer.
- Du classique Edison. Quand même quelle ordure. Une vraie poubelle humaine, cet Edison.
- Ne sois pas trop dur avec lui, Orville. Après tout, Thomas a compris que l'important n'est pas d'inventer mais de devenir indécemment riche grâce à des inventions. Il a prouvé que la créativité est grossièrement surestimée. En ce sens, je dirais qu'il s'agit tout de même d'un pionnier. Pourquoi créer quelque chose quand on peut tout simplement reproduire ce qui existe déjà ?
On oublie souvent que l'échec occupe une place de choix dans l'histoire de la réussite des premiers aviateurs ne fait certainement pas exception à cette règle ancestrale. Le présent ouvrage retrace les grandes lignes de l'histoire de l'aviation en s'intéressant plus particulièrement à ses innombrables chutes ainsi qu'à la petite poulie qui fait que le rêve tombe toujours en morceaux.
- Même si je continue d'échouer systématiquement, je sais qu'un jour, quelqu'un réussira et ce jour-là, on dira que j'ai été un pionnier. On ne souviendra pas du ridicule de mes échecs. On ne fera pas de blagues à mes dépens. Quel genre d'être méprisant prendrait prendrait plaisir à rire de ma ténacité après ma mort ? Je dis bien si je continue d'échouer.
Le seul véritable échec serait de ne rien apprendre…
… de chacun des échecs qui nous attendent sur le chemin menant à la réussite.
- Le seul véritable échec serait de ne rien apprendre de chacun des échecs qui nous attendent sur le chemin menant à la réussite.
À l'occasion du mois de la BD, le Salon du livre de Montréal et le Festival BD de Montréal proposaient une discussion avec Jeik Dion et Mélanie Leclerc le 17 mai 2021, à 21 h, sur Instagram.
PATRICK SENÉCAL
Livres suggérés:
Jeik Dion
Temps libre, par Mélanie Leclerc aux éditions MECANIQUE GENERALE
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Tintin, par Hergé
Le journal de Jules Renard lu, par Fred aux éditions FLAMMARION
Leonard Cohen : Sur un fil, de Philippe Girard Éditeur aux éditions Casterman
La conquête du cosmos, de Alexandre Fontaine Rousseau et Francis Desharnais, aux éditions Pow Pow
La vingt, par Audrey Beaulé aux éditions MECANIQUE GENERALE
La grande école, par Nicolas Mathieu et Pierre Henry Gomont, aux éditions ACTES SUD
Balado: Jeik Dion, The Joy of Digital Painting à voir sur YouTube
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ALISS, Jeik Dion et Patrick Sénécal, une co-édition de Alire et Front Froid
Dragon Ball (, Doragon Bru) par Akira Toriyama, aux éditions Glénat
Berserk, Kentaro Miura, chez Hakusensha
La pitoune et la poutine, par Alexandre Fontaine Rousseau et Xavier Cadieux, aux éditions POW POW
Far Out, T 1 2 et 3, par Gautier Langevin et Olivier Carpentier, aux éditions FRONT FROID
L'esprit du camp, Axelle Lenoir et Cab chez Studio Lounak
Khiêm, Yasmine Trinh Morissette Phan et Djibril C. chez Glénat
Le petit astronaute, Jean-Paul Eid chez La Pastèque
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