Un fragment autobiographique centré sur l'année 1870 : l'écrivain allemand
Theodor Fontane évoque ses deux mois de détention en France pendant la guerre franco-allemande. Lors de son arrestation, il n'était pas soldat ; il suivait les troupes prussiennes en tant que journaliste de guerre.
Cette détention ne fut pas si rude et Fontane fit preuve d'égalité d'humour et de résignation philosophique. En prison, il causa avec les Français et les Allemands (chose étonnante, les ennemis vivaient en paix …). Fontane avait 50 ans, il n'était pas encore romancier. Ce n'est que quinze ans plus tard qu'il publia
Effi Briest, son oeuvre la plus connue.
Le propos me semble typique du 19è siècle : le bonheur de raconter éclate à chaque page. Les paragraphes les plus réussies : les portraits de ses hôtes et de ses camarades, mais aussi les réflexions sur les moeurs françaises. Et les moins réussis, à mon goût, les vingt pages où il reproduit les aventures de guerre de ses camarades.
Fontane avait peut-être un a priori positif à l'égard de ses hôtes : il descendait des Huguenotes qui avaient pris la voie de l'exil suite à la révocation de l'Edit de Nantes.
Extraits :
Fontane est emprisonné sur l'ile d'Oléron. « […] arriva mon futur domestique, le gérant de mon nouvel intérieur : Max Rasumofsky. Il me plut tout de suite. Les restes de son uniforme me montrèrent que j'avais affaire à un hussard noir ; à son nom je compris qu'il était Polonais ; et les premières recherches m'apprirent qu'il était tailleur. J'avais ainsi réuni en une seule personne tout ce qu'on peut raisonnablement attendre d'un bon domestique : qu'il soit hussard, Polonais et tailleur. [ ] Il était ce qu'en termes militaires on appelle tranchant et débrouillard : précieuses qualités toujours et en particulier ici. [ ] Dans les circonstances les plus difficiles que nous traversons, il sait toujours trouver quelque chose. [ ] Je vois venir des brosses à soulier, de cuillers à thé, des mouchettes, toutes choses dont je renonce très prudemment à scruter l'origine. » p158
Ils s'ennuyaient en prison, alors Fontane cite
Heinrich Heine : « Nous n'avons de distraction que s'il survient un enterrement. »
Une autre scène, dans une gare, pas loin de Besançon p63: « Il y avait environ cinq cents soldats [] Je ne pouvais pas les regarder sans repenser à un petit traité de Hugo de Blomberg : Sur ce qu'il y a du théâtral en France dans le caractère du peuple. Quelle science innée de l'attitude, du costume, de la parure ! Il n'y avait pas là un seul homme qui ne formât tableau. Beaucoup d'ailleurs avaient bien le sentiment de l'effet qu'ils produisaient, et ne pouvaient s'empêcher, en passant devant les glaces de la salle d'attente, d'y jeter un regard pour s'admirer. [ ] Chez personne d'entre eux, pas la moindre marque de mépris ou de haine contre le Prussien qu'ils reconnaissaient tout de suite en moi. Ils étaient trop bons diables pour cela, peut-être aussi trop occupés d'eux-mêmes ».
Fontane prend le parti de ne pas s'attarde pas sur ce qui est vilain, il dit : « Toute misère éveille un sentiment de pitié, mais aussi un sentiment de dégoût. » P69 On peut voir ces mots comme son credo.