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« Minuit dans la ville des songes » est avant tout un roman autobiographique dans lequel René Frégni nous ouvre les portes de son passé, tout en nous racontant l'origine de son amour pour la littérature. Grand fidèle de l'école… buissonnière, René Frégni fait donc tout d'abord l'impasse sur sa scolarité, avant de déserter également l'armée. Fuyant l'école et le service militaire au profit d'une vie rebelle faite de liberté, de coups tordus et de voyages, il se retrouve finalement incarcéré en tant que déserteur. C'est l'aumônier de la caserne qui lui donnera finalement les clés qui lui permettront de s'évader de prison…en l'approvisionnant en livres. C'est plus tard, en rédigeant des rapports journaliers salués par tous ses collègues d'un hôpital psychiatrique, que son amour des mots trouvera le chemin de l'écriture…

« Minuit dans la ville des songes » est donc également le roman initiatique d'un rebelle marseillais qui a dû passer par la case prison pour croiser le chemin de la littérature, transformant cet enfant allergique à l'école en amoureux des livres, qui organise dorénavant des ateliers de lecture au sein des prisons afin de permettre l'évasion à grande échelle de nombreux détenus.

« Minuit dans la ville des songes » n'est pas seulement un magnifique ode à la littérature, mais aussi une invitation au voyage car la fuite de ce grand fugitif nous emmène de Londres à la Turquie, en passant par le Sud de la France, l'Espagne et la Corse. En tournant les pages de ce roman, le lecteur s'imprègne des décors gorgés de soleil que l'auteur décrit et restitue avec beaucoup d'affection.

« Minuit dans la ville des songes » est un livre parsemé de rencontres, qui ne rend pas seulement hommage à la littérature, à la nature et aux choses simples de la vie, dénuées d'artifices, mais surtout un hommage vibrant à sa maman, qui l'aura toujours soutenu, peu importe le chemin emprunté.

« Minuit dans la ville des songes » est l'histoire d'un cancre rebelle, tombé amoureux des livres, un homme qui a multiplié les bêtises, mais ce roman n'en fait certainement pas partie. Un autodidacte de la vie, qui dans un style alliant honnêteté et modestie, parvient à livrer un récit foncièrement humain… ainsi qu'un très beau personnage… celui qui m'avait déjà séduit sur le plateau de la Grande Librairie.
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MINUIT DANS LA VILLE DES SONGES - René Frégni - Éditions Gallimard - lu en mars-avril 2022 - Roman autobiographique.

Cher René,

Avec un titre aussi poétique que celui-là, votre livre aurait dû se placer au centre de la vitrine de tous bons libraires, comme tous vos autres livres d'ailleurs à mon humble avis (je les ai tous lus), mais mon libraire A Livre Ouvert dans la commune de Bruxelles où je vis, l'avait dans ses rayons, je n'ai pas dû attendre pour l'acheter.

Vous me faites entrer dans votre univers familial par la petite porte, celle
qui s'ouvre sur vos souvenirs, ceux de votre enfance, de votre scolarité, dans cette ville des songes, Marseille, vous qui ne rêviez que de vous échapper dans les chemins des forêts, ce que vous faisiez d'ailleurs très souvent, comme je vous envie d'avoir eu ce courage-là, celui de fuir les sentiers battus bien entretenus pour aller vers la vie sauvage et libre.
"Je détestais les livres d'école, je n'aimais que la voix de ma mère. Durant toute mon enfance, aux confins de Marseille, je suis allé à l'école au bout de notre impasse, avec la peur au ventre d'être interrogé, avec ce rat de peur qui me rongeait le ventre". page 14 Comme je vous comprends.

Vous êtes né déserteur dites-vous, et vous avez déserté l'armée, vous avez fui vers des horizons plus vastes, cela n'a pas été simple, vous avez fait des rencontres parfois un peu douteuses mais desquelles l'amitié a surgi. Vous êtes resté fidèle à vos convictions.

Le petit garçon qui n'aimait pas l'école s'est mis à dévorer les livres, vous deveniez les héros de vos lectures, elles vous ont bouleversé.
"J'étais Edmond Dantès, Fantine, Jean Valjean, Rémi de Sans famille".

Vous êtes passé par la prison aussi, on ne déserte pas l'armée sans conséquence, et là aussi, grâce à l'aumônier, vous vous êtes plongé dans les livres, vous avez eu votre premier cahier rouge, vous preniez des notes, sans savoir qu'un jour vous deviendriez écrivain et que vous animeriez un atelier d'écriture dans une prison.

La dernière porte de la dernière école que vous avez franchie vous aviez 16 ans, "Je quittai la classe et traversai la cour dans un silence de sépulcre. Personne n'osait croire à ce qu'il venait de voir. Pour la dernière fois de ma vie, je franchis les portes d'une école. Je venais d'avoir 16 ans". page 32

Je ne vous raconte pas ce qu'il s'est passé, lisez le livre !

Vous me présentez à votre famille, votre maman, je la connait déjà bien, vous en parlez dans tous vos livres, "Ma mère était plus douce et affectueuse que la Vierge Marie". On découvre votre père un peu mieux, c'est Noël, la crèche, les santons, il vous raconte l'histoire du boumian qui "emportait dans son sac ceux qui désobéissaient à leurs parents".
Il travaillait beaucoup votre papa.

Votre maman est loin maintenant, mais vous lui parlez chaque jour.
"Il y a autour de moi, depuis tant d'années, tant de Noëls, la tendresse de ma mère qui écarte à chaque instant l'inquiétude et la peur, et qui est aussi merveilleuse que nos jardins d'enfance, la marche des saisons et la beauté du monde". Page 17

Et puis, quel étonnement de découvrir que vous avez une soeur et un frère !
Une soeur chez qui vous vous êtes réfugié quelques temps. C'était mai 68.

Votre passage dans cet hôpital psychiatrique est aussi important pour vous, vous l'avez évoqué dans un de vos livres, vous y avez découvert "un monde de misère, de délires et d'oubli." Vous avez fait des études d'infirmier, vous leur faisiez la lecture à l'ombre d'un grand arbre à ces pauvres hères et ils aimaient ça.

Vous avez atterri dans la prison de Vincennes, dernière étape de votre fuite et de votre vie de nomade avant d'être libéré et votre dossier de déserteur clôturé grâce à l'aide d'un avocat généreux.

Et puis, enfin, vous vous êtes essayé à l'écriture d'un roman, puis d'un second, mais hélas ils ne rencontrèrent pas le succès, ils ont été ignorés. Puis un troisième qui celui-là attira l'attention d'un éditeur et ce fut le début de votre vie d'écrivain, vous le mauvais élève, la tête dure, le révolté, vous avez réussi. Quelle victoire, quel bonheur pour votre maman qui vous rêvait instituteur.
"Ce livre, dans la vitrine d'une librairie, un jour de septembre, c'était une façon de dire ce que l'on n'ose plus, quand on est devenu un homme, dire tout simplement "je t'aime plus que tout, maman", comme on le faisait, chaque jour, quand on était enfant". page 244.

A la fin de votre livre, vous revenez au temps présent, et votre écriture est empreinte de nostalgie et de tristesse, vous me parlez du virus qui a semé l'angoisse et la mort et "escaladé à pas de loup des escaliers, s'est glissé sans bruit dans les maisons".
"Il faudrait oublier toutes ces terres chimiques, ces forêts en flammes, ces rivières mortes... Partout la main de l'homme , l'oeuvre de l'homme. Comment oublier".

"Voilà mes journées maintenant, j'écris, je marche, je caresse la tête de mon chat devant les braises qui s'effondrent. Ça durera bien encore un peu... Qui s'occuperait de mon chat" ? Page 254

Cher René, je vous trouve bien pessimiste là, il y a encore de la beauté sur la terre, des âmes bonnes, et puis, non, vous n'êtes pas "vieux", vous avez vécu non pas une vie, non pas deux vies, mais mille vies et je suis certaine que vous avez encore des choses à me raconter là devant l'âtre avec Solex sur vos genoux, vos cahiers rouges aux pages blanches n'attendent que votre plume pour se mettre à vivre pour le plus grand plaisir de vos lecteurs.
Ne nous abandonnez pas.




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💕René Fregni💕Je découvre enfin la plume poétique de cet écrivain attachant qui m'a emportée dès les premières lignes. Un roman magistral sur le pouvoir de la littérature et la rédemption par les mots. Ode à la fois à la littérature, à la liberté mais aussi au voyage.
L'auteur anime depuis des années des ateliers d'écriture en prison et vit désormais retiré du monde, dans une maison au bord de la forêt à Manosque. Sa vie n'a pourtant pas toujours été paisible. Ce cancre rêveur, à la limite de la phobie scolaire, celui dont les écoles et institutions ne voulaient pas, celui qui rêvait d'escapade au dehors loin des salles de classe, devient très tôt une graine de voyou traînant dans les quartiers pauvres de Marseille avec des petites frappes, commettant des larcins ou dansant le be-bop, revendiquant une jeunesse « insouciante, libre et amorale ». Au grand dam de sa mère très inquiète et en dépit de leur relation fusionnelle. Sa voix qui « écartait de mon corps les odeurs grises des livres de grammaire..de la peur » imprègne le roman. Cette voix rassurante qui lui contait les aventures de Jean Valjean, d'Edmond Dantès ou encore du petit Rémi de Sans famille.
Écrivain autodidacte, il nous raconte comment sa passion pour la littérature et l'écriture l'ont sauvé.  
« Je suis né déserteur ». A 19 ans il déserte l'armée et sera incarcéré dans une prison militaire avant une vie d'errances devenue parcours initiatique.
Dans cette geôle il retrouve une figure du Banditisme Ange-Marie Santucci et découvre grâce à lui le pouvoir des mots « lis, René, tu leur feras peur! …J'ai beaucoup mieux qu'un calibre aujourd'hui, j'ai des mots, j'ai leurs mots ! » et grâce à l'aumônier qui les fournit en livres, René Frégni lit Jean Giono et se trouve propulsé dans le Sud brûlant où il a grandi retrouvant les odeurs du maquis et de la garrigue, thym, oliviers, genêts, pierres calcinées et bruits de son enfance « … Je compris soudain ce qu'était la lecture, la puissance colossale des mots. Cette journée allait déterminer le reste de ma vie, ce voyage infini vers les mots. Au fond de ce puits d'ombre, j'étais un évadé ».
D'abord « machines de torture » les livres deviennent des « machines d'évasion » écartant les barreaux, faisant éclater les verrous d'acier, raccourcissant le temps et peuplant sa cellule de personnages.
Avec une infinie délicatesse Frégni parle de son amour des livres. A chaque ville ou pays qu'il visite lors de sa cavale correspondent un livre et un auteur, de l'Italie à la Grèce en passant par Istanbul ou Londres, d'Almeria à Ankara en passant par la Corse…
Son séjour à Bastia (ma ville qu'il décrit si bien ) restera inoubliable « une ville à flanc de montagne, qui de tous ses yeux, regarde la mer et l'Italie … Bastia est un amphithéâtre dont l'immense scène est la mer. Vous grimpez entre deux falaises de maisons et vous débouchez tout en haut, sur le ciel et la mer. Chaque venelle obscure plonge dans le bleu. Partout, c'est un combat aphrodisiaque, entre l'odeur sauvage du maquis et celle des embruns. »
« J'étais un arbre qui lit…Je n'étais qu'un morceau vivant du maquis et je partais dans des voyages de mots qui m'emmenaient de l'autre côté du monde ». Un peu plus tard travaillant en tant qu'auxiliaire en psychiatrie tout en préparant un diplôme d'infirmier, il commence à se familiariser avec l'écrit. Comment devient-on écrivain quand rien ne nous prédestinait à écrire?
On suit ce délicat « vagabond de mots dans un voyage de songes » de ses échecs jusqu'à sa première publication.
Terriblement beau, immensément touchant.
Merci à @HordeDuContrevent de m'avoir convaincue de le lire avec sa magnifique chronique
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Me voilà silencieuse face à la page blanche après lecture de ce livre « Minuit dans la ville des songes » de René Frégni. Ma plume tournicote et hésite. Comment trouver les mots justes après avoir lu de telles phrases emplies d'humanité, ce style à la fois simple, modeste et sensoriel, écriture d'autant plus magnifique lorsqu'on sait quel a été le parcours de vie de René Frégni ? Lorsque l'on connait son aversion viscérale dès le plus jeune âge pour toute institution portant atteinte à sa liberté, à savoir l'école et l'armée. Ce qui lui vaudra des années de cavalcade, d'errance, de fuite, de vagabondage.

« Je détestais les livres d'école, je n'aimais que la voix de ma mère. Durant toute mon enfance, aux confins de Marseille, je suis allé à l'école au bout de notre impasse, avec la peur au ventre d'être interrogé, avec ce rat de peur qui me rongeait le ventre ».

Autobiographie d'un mouton à cinq pattes. Autobiographie d'un poète rebelle et vagabond. Autobiographie d'un déserteur provençal. Autobiographie d'un amoureux éperdu des livres. Que de qualificatifs possibles pour résumer René Frégni, que d'adjectifs réducteurs aussi. René Frégni c'est tout ça à la fois tant il a eu mille vies, homme rare, poète profondément humain, vagabond, personnage parfois sauvage et inconscient, voire irresponsable, révolutionnaire, antimilitariste, homme simple plaçant sa vie sous le signe de la sobriété loin du tumulte et des turpitudes des villes, être éminemment solaire, méditerranéen dans l'âme, lecteur passionné…et surtout, surtout, écrivain unique. Un personnage ce Monsieur Frégni. Un beau personnage.

L'histoire d'une étincelle indomptable devenu feu bleuissant tranquillement dans l'âtre, un feu nourri aux livres se faisant de plus en plus chaud, grand et puissant au fil des années. Même si nous percevons à la fin du livre comme un feu étouffé, une légère fumée noire, funeste. Minuit aurait-il sonné pour la Terre et pour notre homme ? Je ne veux pas le croire, non…

Ma lecture fut imprégnée du son mélodieux de sa voix, de son accent aux éclats de soleil, je l'ai comme entendu se livrer pour nous dire sa passion des livres, son besoin viscéral d'écriture, « ce grand voyage des mots, d'émotions, de paysages imaginaires qui estompaient ceux que je traversais » ; je l'ai entendu clamer tout son amour aux personnes ayant été des étoiles dans sa vie. Des boussoles. Sa mère ainsi que Ange-Marie Santucci, prisonnier corse avec qui René avait fait quelques menus larcins alors qu'ils étaient minots, sont les deux personnes les plus importantes me semble-t-il, la première pour l'amour infini et patient prodigué malgré son côté indomptable, le second pour lui avoir insufflé en prison la passion des livres, le meilleur vecteur d'évasion et de pouvoir. Les mots abolissant les barreaux, les murs de la prison. Les mots apportant savoir, connaissance, respect.

« J'essaie de retrouver, avant de m'endormir, toutes ces femmes et tous ces hommes que j'ai croisés, ces fantômes agités ou silencieux qui ont glissé devant mes yeux, comme des barques dans la nuit ».

Un éloge aux paysages provençaux et à la Corse, voilà ce que nous offre également René Frégni. Quelle façon merveilleuse de décrire ces décors aimés du Sud de la France et de l'île de beauté, gorgés de soleil, aux odeurs saturés de thym, de garrigue, de mer bleue. Alors qu'il est épaté par la façon dont Jean Giono arrive en quelques pages à l'emporter dans ce Sud natal, j'ai ressenti la même chose en le lisant, je fus avec lui dans ses pérégrinations méditerranéennes, ressentant la chaleur s'infiltrer en moi, sentant l'odeur des citronniers, des orangers et des figuiers, rêvassant dans ces chambres de bruyères et de genêt, admirant les façades ocres des maisons, écoutant le bruit des cigales. L'observant, dans ce décor aux mille couleurs, aux mille senteurs, lire Giono et être lui-même émerveillé. Effet miroir.

« Bastia est un amphithéâtre dont l'immense scène est la mer. Vous grimpez entre deux falaises de maisons et vous débouchez tout en haut, sur le ciel et la mer. Chaque venelle obscure plonge dans le bleu. Partout c'est un combat aphrodisiaque entre l'odeur sauvage du maquis et celle des embruns ».

« Minuit dans la ville des songes » est également un éloge vibrant aux auteurs qui ont marqué et façonné à jamais sa vie, le premier d'entre eux étant Jean Giono, puis Dostoïevski, Rimbaud, Céline…Chaque auteur lui apporte un savoir, une émotion, et pour chaque auteur René Frégni prend le temps de nous expliquer ce premier rendez-vous, ce premier contact et l'émotion associée. Sans oublier le tout premier livre réellement lu, une autobiographie de Lucky Liciano, émigré sicilien qui allait devenir le plus célèbre gangster des Etats-Unis.
Un bel hommage aux femmes aussi. Lire René Frégni c'est vouloir être tour à tour sa mère, sa soeur, son amante, son âme soeur. Respect, délicatesse, tendresse, sensualité, voilà ce qui se dégage de lui lorsqu'il parle des femmes, lorsqu'il écrit les femmes. Pas étonnant qu'il ait un fan club ici sur Babelio, fan club assez féminin…nous sommes toutes amoureuses de René je crois bien.

« On a toujours raison de penser à nos mères, où qu'elles soient elles nous montrent le chemin le moins périlleux, le plus tendre ».

De grands auteurs, des femmes, une poignée d'homme de parole, des rencontres salvatrices, formatrices, essentielles. Ne rien ajouter de plus. Je pourrais faire miens ses mots, murmurés alors que René Frégni vient de terminer Cent de solitude : « La beauté mélancolique de ce roman flotte encore autour de moi, comme ces nuages de papillons »
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Les mots à mort

Les mots pour se sentir vivre.
Les mots pour se donner une nouvelle chance .
Les mots pour faire resurgir les ombres du passé avant qu'elles ne disparaissent définitivement.

René Frégni, le fabuleux conteur, habile manipulateur de mots, met en scène une vie tumultueuse entremêlée d'errance et de lectures.
Une vie aux antipodes de celle évoquée par Jean-Paul Sartre dans "Les mots".
Et pourtant, c'est bien cette soif insatiable de liberté autour de laquelle Sartre a bâti son oeuvre qui va guider celle de René Frégni.
Le "né déserteur" , enfant turbulent et chapardeur, préfèrera se livrer aux rues De Marseille plutôt qu'au conformisme de l'éducation nationale.
Les biographies de gangters le fascinent alors bien davantage que les écrits De Balzac qui le font mourir d'ennui.

René Frégni, l'insoumis, frondeur et rebelle face à la "Grande Muette" qu'il plantera sur place au bout de quelques mois avec une révélation foudroyante pour la littérature.
Un long chemin fait de vagabondages et d'errance s'annonce avant la rédemption qui lui permettra de retrouver sa véritable liberté, l'écriture..

René Frégni, lecteur passionné, écrivain attachant au parcours fascinant, souvent découragé jamais résigné, est un modèle ahurissant de détermination pour tous ceux qui veulent aller au bout de leurs rêves.




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René Frégni a obtenu le prix des lecteurs du Var en 2022 pour ce livre qui le mérite vraiment. Il en était tout étonné lui-même, le jour même de l'attribution, nous avions eu l'occasion d'en parler ensemble à la fête du livre de Toulon en novembre.

Et c'est encore un livre que j'ai souhaité attendre pour le savourer ces jours-ci quand la Provence a déjà pris les couleurs de l'été et attend elle aussi les premiers crissements des cigales qui ne vont pas tarder.

Cette attente est très largement récompensée tellement cette lecture est belle. René y raconte essentiellement ses jeunes années, sa découverte de la lecture, avec Balzac, puis tant d'autres qui suivirent au fil des journées de prison militaire dont il écopait car n'acceptant aucune forme d'autorité. Il cite ainsi de nombreux auteurs classiques pour arriver à Giono, le plus grand en Provence dont il respecta l'intimité manosquine, s'approchant simplement des abords de sa maison sans oser tenter la rencontre avec celui dont il avait suivi le hussard sur les tuiles brûlées de la cité.

Les déboires militaires de René l'amènent à fuir Verdun dont il ne pouvait supporter les frimas, mais c'était surtout son immense désir de liberté qui le poussa vers le sud, particulièrement vers la Corse où il égrène ses journées dans la haute ville de Bastia. Là, entre lecture et admiration de beautés de la nature, il chemine dans le ciel à "l'âge du hasard" qui l'y a conduit et livre à ses lecteurs peut-être les plus belles pages de son livre.

Jeunesse, insouciance, amour croqué avidement, tendresse pour sa mère éloignée par cette fuite, René explore tous les sentiments mêlés de la jeunesse en continuant de dévorer les livres. Nous avons tous des lectures partagées avec lui et nous pouvons frémir avec lui lorsqu'il livre ses découvertes, son attirance pour Hemingway, Sartre, Vian, Camus, Céline, tous ces grands écrivains dont les idées, contestables ou admirables, ont été exprimées avec un talent qui génère le même enthousiasme que celui ressenti par René Frégni.

Il évoque bien sûr aussi Marseille, Manosque, Valensole, tous ces villages de la haute Provence, il se réjouit d'avoir eu la chance de naître dans cette terre exceptionnelle et, lorsqu'on la connaît, on partage à cent pour cent son ressenti.

Dans la dernière partie, adulte, il raconte ses premiers pas dans l'écriture et, surtout ses tentatives malheureuses pour être publié. Il m'avait d'ailleurs confié ces difficultés le jour de l'attribution de son prix.

René aime les gens, les prisonniers auprès desquels il a animé un club de lecture aux Baumettes, les "fous" qu'il a soignés quand il était infirmier, leur faisant aussi la lecture qui apaisait leurs tourments, les infirmières qui dévoilaient pour lui leurs poitrines pleines de générosité, le peuple des bars, des cinémas, des placettes, celui rencontré sur les chemins, noirs ou éblouissants de la lumière de la Provence.

A minuit, on ne lâche pas cette ville des songes et on avance jusqu'au matin pour atteindre les ultimes pages, synthèses d'une vie mêlant liberté, lecture, poésie, écriture et on n'a même plus besoin de sommeil pour vivre le jour qui vient.


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C'est un livre qui ne peut que ravir un babeliote. René Frégni y fait à travers le récit de sa vie l'éloge des livres.

Ces livres qu'il va découvrir en prison militaire, grâce à un ami et un aumônier bienveillant : ces livres qui lui donnent chaque jour l'évasion, ces livres qui lui font oublier là où il est, ces livres qui feront que jamais aucune journée ne ressemblera à la première :
« La journée précédente avait duré cinq ans, celle-ci avait filé comme la lumière et le vent. Chaque mot que j'avais lu avait aboli les barreaux, les murs, la cour de la prison.»

Il chante la liberté, la révolte, la non-obéissance. Il chante aussi la nature, celle du Sud, écrasée par le soleil en été, parfois glaciale sous le mistral en hiver, si douce quand le printemps revient, celle où il fait si bon marcher. Celle qui lui permet aussi d'organiser ses pensées, de trouver les mots qu'il écrira ensuite sur une petite ligne violette.

Il raconte aussi sa mère, celle qui lui évita sans doute de finir aux Baumettes, minot, celle qui a toujours envers et contre tout cru en lui, celle dont il a fait blanchir les cheveux, celle qui a été si fière le jour où il a été publié, qu'elle est restée une journée à contempler le livre de son fils dans une vitrine.
« Ce livre, dans la vitrine d'une librairie, un jour de septembre, c'était une façon de dire ce que l'on n'ose plus, quand on est devenu un homme, dire tout simplement « je t'aime plus que tout, maman », comme on le faisait, chaque jour, quand on était enfant.»

Un livre comme un hommage aux mots par celui qui a lu un livre presque chaque jour de sa seconde vie, qui commença dans une cellule de Verdun. Par celui qui même devenu écrivain célèbre se revendique avant tout lecteur :
« Je fais partie de ce peuple anonyme des lecteurs. Chacun de nous est assis dans sa chambre, un livre à la main, et nous voyageons dans un immense train qui n'existe pas.»

Restons encore un peu dans ce train avec vous , monsieur Frégni.
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"Ô temps suspend ton vol!".. Je freinais des quatre fers sur les dernières pages pour déguster encore ce roman autobiographique pour que le magique voyage continue....et quel voyage!!.. plus intime, plus dense. Ce parcours incroyable...on découvre le jeune homme plein de fougue, natif de Marseille, un brin déserteur, ses brefs passages à l'école, ses déboires avec l'armée, ses amitiés canailles, pour se retrouver en autres "petits boulots" en psychiatrie comme infirmier, puis par la suite il animera des ateliers d'écriture en prison..
La fuite en avant., en perpétuel mouvement..les pays traversés, les gares empruntées, les terrasses de café, les cafés au lait dégustés, les livres dévorés, les saisons contemplées et les tuiles chaudes des maisons en été à Manosque, tel un funambule, il vit avec intensité tous ces moments et file toujours plus vite que le vent....

Toujours cette délicate plume où tout en filagramme de ses errances et ses vagabondages son amour inconditionnel pour sa mère...et sa "gloutonne" appétence littéraire qui fait découvrir au lecteur sa magnifique bibliothèque ambulante : Giono, Céline, Garcia Marquez, Beckett, compagnons de fortune qui nourrissent sa vie, ces livres qui le transcendent ...de voyages en chemins de traverse, sa vie de Monte-Christo épris à jamais de cette liberté divine. ...

Cet homme passionné aux teintes poétiques, abreuvé de couleurs provençales n'aura de cesse de vivre avec intensité, ce roman témoigne de cette vie rocambolesque, tel Epicure, en contemplant toujours la nature dans l'expression pure de toute sa beauté et magnificence.. Malgré les murs et les blessures, Monsieur René Frégni a mené sa barque comme un loup solitaire, il nous livre son chemin gorgé de mots et d'écriture, sur ce cahier rouge où naîtra l'écrivain en devenir..par son talent de conteur indéniable, avec élégance, il nous raconte le monde, ses rencontres, l'amitié, l'amour...et nous livre à coeur ouvert ses souvenirs "d'écorché vif" qui sans concession passera de l'ombre à lumière...
En apesanteur je reste..
dernière page tournée..
un nuage passe sur lequel je suis assise..
oserais-je écrire: comme si un ami, par un bel après-midi ensoleillé, était venu plein de confidences, me raconter son coeur...


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Quelle belle découverte que cette remarquable autobiographie de René Frégni , un auteur dont j'ai beaucoup entendu parler mais que j'avoue ne jamais avoir lu , ce qui devrait changer dans un avenir plus ou moins proche .
René Frégni , dans ce beau livre , c'est Marseille , l'école buissonnière , les 400 coups , la violence sous le regard de " La Bonne Mère " , je ne sais pas mais de sa bonne mère adorée , sans doute , une maman présente dans les bons comme les moins bons moments . Et puis les mains tendues au hasard de cette route parfois infernale , ces mains qui vont transmettre la passion de la lecture et de l'écriture à un jeune homme qui n'avait aucun diplôme , aucune disposition pour les études mais qui avait pris soin , dans ses cavales , de rester en admiration devant le soleil , la chaleur , les fleurs , les couleurs , les odeurs de cette merveilleuse région méditerranéenne ...d'un autre temps . On sent l'influence de Giono entrevu avec delicatesse et pudeur par le trou d'une palissade .C'est magique , impressionnant de culture , de poésie , d'amour , d'amitié .Je reste ébahi devant ce que la littérature peut exercer sur un être pas forcément intéressé puis pris , pour notre plus grand bonheur , dans la magie des mots .
Un style unique , des phrases chatoyantes , sinueuses , puissantes . Que d'émotions avec ce personnage , René , sa maman , la lecture , les mains tendues , des personnages d'un charisme exceptionnels , ceux qu'on aimerait avoir près de soi lorsque surgissent les moments difficiles .
René Frégni nous livre sa vie , se révèle , avec sincérité , amour , humour et on le suit sans hésiter dans des aventures qu'on pourrait croire impossibles .
Inutile de vous préciser , je pense , que j'ai été " scotché " dans mon fauteuil , conquis par ce formidable moment de partage , oubliant à mon tour , que le soleil d'octobre brillait encore en Limousin .
Un auteur que je veux retrouver vite et , " si son ramage ressemble à son plumage " , vivre avec lui des histoires dont j'imagine déjà la beauté .
Merci René .
Allez , les amis et amies , je vous laisse pour ce soir , je suis comblé mais ...vous n'êtes pas obligés de me croire même si j'attends les commentaires des " amoureuses et amoureuses " de cet auteur .Ils ne devraient pas manquer .
Bonne soirée et à bientôt .
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Lire René Frégni, c'est l'assurance de quelques heures de plaisir pur, et un baume au coeur, quand il pleure. Merci à lui d'avoir ravivé les couleurs, ranimé les braises de la vie.

Cette fois, plus encore que dans ses autres romans, qui jouent toujours à cache-cache avec la réalité et la fiction, l'autobiographie domine. L'auteur avait déjà fait plusieurs fois allusion à cette période de sa vie où il a dû fuir pour échapper à la prison, en tant que déserteur. Il revient donc ici plus précisément sur ces années de jeune "voyageur insouciant", puis , rattrapé ensuite par le service miltaire, de fugueur, entre dix-huit et vingt-quatre ans. Il raconte aussi son travail momentané d'infirmier psychiatrique. Quel destin mouvementé!

le fil conducteur de ce récit passionnant, enlevé, qui nous conduit de Londres en Andalousie, de Corse en Turquie, pour revenir en Provence, ce sont les mots. La découverte des livres en cellule disciplinaire lui ouvre un horizon fantastique, à lui, le garcon qui refusait l'école.

" Je ramasse un mot, je le regarde,le flaire, le caresse, je le mets dans ma bouche comme un petit galet rouge ou vert de rivière, puis dans l'une des mille poches secrètes que je me suis inventées "...

Que ce soit dans un cachot à Verdun, un cabanon sur les hauteurs de Bastia, au bord d'une route en Grèce, les mots ont toujours été là, salvateurs, libérateurs. Les mots lus, les mots écrits dans des carnets rouges.

Continuez , René, à nous les offrir, ces mots -bonheur, ces mots-frissons poétiques! Ils restent en nous, perles de soleil provençal, éclats d'aubes sur les collines, sources d'enfance retrouvée, joies simples auprès des arbres, des chats, et de l'ombre tutélaire d'une mère tant aimée.

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