Danser les ombres

Haïti
L'amitié pour raboter l'ultra-violence du passé.
La violence d'un séisme déchirant la terre.
Des entailles profondes qui révèlent un monde qui nous est habituellement impénétrable.
Des âmes mises à nu.

Même si ce roman peut amener le lecteur à aller farfouiller dans l'Histoire de ce tiers d'île, c'est, selon moi, un roman qui est avant tout porté par la force d'écriture de Laurent Gaudé.
Détail non négligeable.

Encore une fois complétement sous le charme de la plume de Gaudé ! Écrivain qui nous fait voyager, écrivain qui nous fait vibrer, écrivain qui nous fait vivre, écrivain qui nous émut jusqu'aux larmes...

Haïti... terre aride, qui brûle sous le soleil...
Haïti... terre étouffée, qui cherche la paix après la puanteur de toutes ces années de politique corrompue...
Haïti... terre difficile, que se partage le destin de Lucine, militante que les responsabilités familiales ont rattrapées, de Lily, petit ange fragile et malade, qui veut voir le soleil avant de mourir, de Saul, ce médecin blasé et meurtri, de Tess, ce vieux tenancier de bordel, de Matrak, qui conduit son taxi pour expier ses péchés...
Haïti... terre grouillante de ces milliers d'âmes que 35 petites secondes viendront secouer

35 secondes.... et des poussières...
Et puis La Réplique... et maintenant, tout n'est que poussière...

Tout est tombé, tout est brisé...
Des milliers de corps maintenant sous le décombres, des cris, des pleurs, du sang, de la rage, de la peur, de la crainte...

Et puis, ceux qui sont restés debout, qui s'organisent, qui luttent, qui souffrent, qui soulèvent des morceaux de pierres, de briques, de murs. Qui chérissent et prennent soin des restes d'un père, d'une mère, d'un ami... qui lèvent à bout de bras ce qu'il reste de la vie... en regardant au ciel et en espérant...

Roman fort et puissant.
Roman plein d'humanité, malgré...
Roman plein d'amour, malgré...
Roman plein de fraternité, malgré...
Roman plein de vie, malgré...

Lucine, Saul, Matrak, Pabava, Blanche, Viviane, des marionnettes aux mains des forces naturelles, de la mort, celle qui prend le temps de les réunir, une dernière fois, pour les livrer au grand chaos.
Danser les Ombres... Qui sont ces ombres qu'il faut "danser"? Cet homme - esprit qui, en plein marché, pose son regard sur Lucine? Nine, sa soeur, morte dans une sorte d'extase ou bien Lucine elle-même qui n'a pas vécu sa vie?
Est-ce Saul, bâtard flottant entre deux origines, Firmin en proie aux démons d'un passé sanglant, ou enfin Blanche, condamnée aux chambres aseptisées, pour qui la vie grouillante, parfumée, bavarde, épicée de Port-au-Prince est un monde inatteignable?
A travers ces personnages, nous replongeons dans les années de dictature de Papa Doc et les séances de torture des opposants, mais aussi dans un monde où les esprits errent dans les rues, annonçant la mort.
Puis: l'horreur, le séisme suivi de ses répliques, les bâtiments qui s'effondrent, les rues qui disparaissent en quelques secondes et la terre qui engloutit les vivants, réveille les morts et sépare Lucine de l'homme qu'elle s'est mise à aimer, Saul.
Laurent Gaudé, dans ce roman, emmène le lecteur là où il ne s'y attend pas. C'est un texte fort et littéraire sur la tragédie de 2010, une évocation émouvante, dont les personnages resteront des ombres plongées dans un pays en ruines.
Ce roman, lu dans le cadre des Lecteurs pour le Prix Relay des Voyageurs 2015, est une belle découverte, en partie parce que j'avais des a priori sur l'oeuvre de Laurent Gaudé.
Lien : http://pourunmot.blogspot.fr..

Magicien, assurément Laurent Gaudé l'est , lui qui nous transporte d'un continent à l'autre à des siècles d'écart avec toujours autant de bonheur pour le lecteur.

Sorcier Vaudou, non, même s'il nous entraine cette fois ci à Haïti, cette île aux multiples visages, pétrie de croyances et d'esprits , secouée par des dictatures achevées dans des bains de sang et frappée récemment par un terrible tremblement de terre .

Dans la première partie du roman, nous faisons la connaissance de Lucine, une jeune femme qui, lors de la mort de sa jeune soeur quitte le village familial pour Port au Prince .
Elle est hébergée dans une ancienne maison close où se réunissent quelques amis pour partager un verre de vin et de nombreuses discussions animées dans une ambiance chaleureuse et fraternelle. Chacun y vient pour raconter son histoire, son combat, oublier ses blessures et recevoir et donner de cette chaleur humaine que les haïtiens savent si bien distribuer.

Il y a aussi, planqués derrière un coin de rue, ceux qui ont été les tortionnaires des régimes précédents, qui trainent leur honte et essaient de se faire oublier.

Tout bascule en 35 secondes et transforme ce fragile équilibre en chaos , immeubles effondrés, habitants ensevelis et proches disparus.
Cris, fuites et répliques , on est plongé dans l'horreur et l'hébétude mais rapidement la solidarité affronte le désespoir et les mains soulèvent les pierres pour tenter de sortir quelques rescapés miraculés ...

La terre est ouverte, libérant les esprits et les morts et il faudra la farandole macabre de Dame Petite pour abandonner les morts en cours de chemin .

Qui est vivant, qui est mort ? Laurent Gaudé laisse à chaque lecteur sa propre interprétation et lorsque l'on referme ce livre on reste secoué par la force du texte , la beauté de ces gens qui jamais n'abandonnent et à qui l'écrivain rend un bien bel hommage.

“Que la vie soit joyeuse ou rude, mais qu'elle soit intense.”
Vieux Coicou, 80 ans

“ Tout pouvait reprendre. Cela ne serait que cinq années perdues. Qu'est-ce que cela faisait?” Lucine

Laurent Gaudé après m'avoir emmené en Afrique pour assister à la mort du roi Tsongor, dans le désert Africain auprès de Salina et ses trois fils, en Italie chez les Scorta, un peu partout dans la nuit Mozambique... m'a fait chavirer aux Caraïbes.

L'histoire se passe en Haïti. 
Le destin amène plusieurs personnes à se trouver à Port-au-Prince, 5 ans et quelques mois après la chute du dictateur Aristide. La lutte est encore dans tous les esprits échauffés.
Nous y découvrons une galerie de personnages aux vies abîmées, aux existences mises de côté, ayant fait de mauvais choix ou des choix pour de mauvaises raisons ou encore, par empathie. Ce sont des personnes voulant se libérer du joug de la nécessité.
Des personnes à deux doigts de s'accorder à eux-même cette liberté tant idéalisée!
Tous se demandant si ce qui compte, c'est l'instant ou la mémoire?
Ces personnages (Lucine, Saul, Domitien, Lily…) ont une chose en commun : ils sont à quelques heures de savourer un goût nouveau de vie, ils entrevoient un monde qui renaît, ou alors une vie retrouvée, ils le sentent dans leur sang, dans leurs tripes, dans leurs coeurs et ils ont cette force inouïe de vivre à nouveau, à corps et à coeurs perdus…
Ce qui compte, alors, c'est l'instant?

Je ne sais pas si vous vous souvenez de la date de la chute d'Aristide en Haïti. C'était le 29 février 2004, suite à un coup d'État.
Cinq ans et quelques mois plus tard, pourrait donc nous amener en 2009, ou bien… en 2010… et pourquoi pas le 12 Janvier 2010, c'est un jour comme un autre après tout.
La journée est déjà bien avancée quand, Lucine se décide à aller voir le père de sa nièce, orpheline de mère à Petion-Ville, la réaction de CETTE personne, changera le court de sa vie, ensuite, elle se laissera cueillir toute entière à sa nouvelle vie qui l'attend. Elle est prête. Elle marche. Elle est sûre d'elle.

16 heures 53 minutes et 10 secondes

 Depuis le début, quelque chose se trame dans l'air, il y a une chose invisible qui rôde, un sort vaudou ? Lucine a reçu sur son front un Vévé par l'esprit Ravage au début de cette histoire... La mort règne c'est sûr ! Les meurtres sont-ils encore envisageables ? Des trahisons ? Mais à ce moment-là, c'est une déchirure...

Je lisais et j'ai vu que j'étais au milieu de la page 137 sur 250 pages : 
Et la voilà, notre héroïne… c'est elle:  la terre qui protège, la terre qui gronde, la terre immense, elle est vaste, elle est insondable dans son ensemble et elle veut danser.

Vu comme ça, si elle veut danser, tout va bien… A hauteur d'homme : LA TERRE TREMBLE.
Que deviennent ces personnes si avides de vie, dont Laurent Gaudé vient de nous dresser le portrait pendant la moitié du roman? Je suis tellement attachée à eux, que je ferme le livre précipitamment. Ce n'est pas possible, qu'est-ce que l'auteur leur a réservé… Pas maintenant, il va tout dévaster. Vont-ils s'en sortir? L'auteur nous laisse le choix d'arrêter de le lire ou de continuer à cet instant.
Leurs vies devaient s'améliorer, pas être réduite en cendre.
La tension à ce moment-là du livre est terriblement oppressante… Elle tremble, mais cela pouvait être un battement anodin? Dans ma tête j'imagine tous les scénarios possibles pendant plusieurs heures. Quand je reprends le livre, et que j'avance ce n'est plus la même histoire. 
Ils restent les vivants et tous leurs morts, les souvenirs...
Et je ne vous dis rien de la suite du livre…
Vous avez compris de quoi il s'agit : le séisme en Haïti d'une magnitude de 7,3 sur l'échelle de Ritchter…qui a ravagé la ville de Port-au-Prince. 
Il y a eu 280.000 morts, 300.000 blessés et il a fait 1,3 millions de sans-abris. le 12 janvier 2010.

J'ai eu un énorme coup de coeur pour ce livre, je ne m'en déferai jamais croyez-moi, il est passionnant, il est déchirant, empli de vie et de mort… au point que dans mon classement personnel il passe devant "Salina : les 3 exils" qui était mon roman préféré depuis que j'ai commencé à lire dans ma vie.
Je vous encourage vivement à découvrir ce trésor !

L Gaudé nous invite en Haïti pour nous parler du séisme mais pas seulement...
De nombreux personnages viennent colorer le récit : Nine qui vient de mourir, Saul le rejeton et raté, Matrack le chauffeur de taxi au passé de tortionnaire, le vieux Tess ancien tenancien d'un bordel, la petite Lily malade qui vient finir ses jours en Haïti pour vivre au moins une fois... et Lucine, personnage principal qui a sacrifié une partie de sa vie pour élever les enfants de sa soeur et qui ne semble plus prête à faire de concessions.
On rencontre tous ces personnages avant le séisme, puis ce dernier frappe et l'on suit le destin des personnages. Sont-ils morts ou encore vivants ?
Ce qui frappe dans ce roman c'est l'ambiance qui règne à la fois tamisée et colorée, sombre et belle parce que l'on y retrouve tous les horizons humains et sociaux, parce que la solidarité est si forte.
Même si au départ, il est difficile de s'approprier tous les personnages nombreux, on s'attache à leur histoire, à leur personnalité.
Un beau récit et un bel hommage à Haïti

Il n'est surtout pas question de remettre en cause la sincérité et l'honnêteté de Laurent Gaudé, pas plus que son humanité profonde. Pareillement, lui reprocher de ne s'intéresser qu'à des tragédies est ridicule, le fait-on pour Modiano, cantonné à son périmètre parisien ? Ceci dit, écrire sur Haïti et plus particulièrement sur le tremblement de terre de 2010 est risqué. On a déjà beaucoup lu sur le sujet et les auteurs haïtiens, nombreux et talentueux, sont les mieux placés pour décrire les malheurs de leur pays. Danser les ombres est un roman choral dans lequel on retrouvera sans peine le style et les qualités littéraires de Gaudé. Il est fendu en deux comme quand la terre s'est ouverte ce maudit jour du tremblement de terre. Une première partie pour planter le décor, une deuxième pour évoquer les moments d'après le choc, ceux de la dévastation, de la colère puis de la fraternité. Rien à dire sur cette construction si ce n'est que les personnages sont peut-être trop nombreux, le lyrisme parfois un peu appuyé et le passage au fantastique vaudou moins convaincant que les pages simplement "réalistes". On a bien le droit d'être (un peu) déçu quand on attend toujours beaucoup d'un écrivain que l'on apprécie. Et auquel on restera fidèle, de toutes manières.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..

Lucine, jeune haïtienne qui revient à Port-au-Prince, après 5 ans d'absence où elle a sacrifié ses luttes, ses ambitions politiques, personnelles pour s'occuper de sa soeur Nine, handicapée mentale et enceinte.
Lucine revient pour demander assistance financière au père de ce 1er bébé mais elle sait qu'elle ne repartira, que Port-au-Prince est sa ville, où elle est en harmonie, en symbiose. Même si elle laisse la charge de ses deux neveux à leur autre soeur restée à Jacmel, elle n'éprouve pas de remords, elle veut se sentir exister.
On suit Lucine qui va renouer avec son passé, à l'époque elle avait perdu sa meilleure amie, battue pour ses convictions politiques et va avoir le coup de foudre pour son frère, Saul. Un des personnages centraux du livre. Effondré par la mort de sa soeur qui lui avait permis la reconnaissance de la famille, lui, le bâtard, il est parti s'exiler à Cuba et est revenu pour poursuivre sa mission, aider, soigner les plus démunis.

Il prend alors Lucine sous son aile et l'installe dans un ancien bordel, appelé "Fessou" où elle côtoiera au moins le temps d'une soirée, un melting-pot d'individus. Prophète Coicou, l'ancien celui a connu la dictature Duvalier, Pabava et Facteur Sénèque les amis inséparables qui ont été torturés sous Duvalier fils et les plus jeunes, Jasmin Lajoie, dit "Mangecul" (le séducteur de ces dames) et Bourik, le robuste, le volontaire.
Dans les hauteurs bourgeoises, on fait la connaissance de la petite Lily, mourante et qui est revenu de Miami pour mourir dans son pays. Elle apportera beaucoup au lecteur concernant le clivage blancs et noirs, bourgeois et pauvres, l'amour du pays et l'eldorado américain.
Et au milieu de ce monde, un fantôme, vivant ou si peu, Firmin... qui survit, erre dans son taxi. Il est hanté ses démons ...

Et arrive ce terrible jour, ces 35 secondes qui vont changer le pays, ces personnages, basculant de vie à trépas ... on perçoit ses corps mutilés, estropiés, hagards, mourants, mais par dessus tout on voit la force de ce peuple qui sans réfléchir, sans se tourner vers leur gouvernement ou l'extérieur, fait preuve d'une générosité, d'une solidarité, d'une fraternité exemplaire. Qui en ressortira vivant ? Même si personne ne ressortira indemne, et surtout pas le lecteur.

Lorsqu'on ressort d'une lecture si poétique, si voluptueuse comme l'ambiance qu'il décrit, les paysages, les corps, les esprits, ...il est difficile de commenter. Tout est bien fade et très en deçà de notre ressenti.

C'est un roman humaniste où dès le départ on est emporté à plus de 7000 kms, on est happé par la circulation, les cris des vendeurs, on suffoque dans la chaleur oppressante, on frissonne lors des combats de coqs, on participe aux parties de dominos, aux discours philosophiques, politiques et on est abasourdi par la violence du drame, on espère, on doute, et on reprend espoir tout comme eux.

Il y a une phrase omniprésence tout au long du roman qui résume à elle seule le livre :
"C'était magnifique ..."

Haïti, début des années 2000. le pays se remet tant bien que mal des années de révolte contre les dictatures qui se sont succédées. Il a du mal à se sortir de la misère. C'est dans ce contexte que Laurent Gaudé plante son roman Danser les ombres. le peuple haïtien, plein de courage pour toujours se relever, et imprégné des croyances anciennes, vivote, survit, péniblement mais avec fierté. Mais comme si toute cette misère ne suffisait pas, en janvier 2010, la terre gronde, et engloutit des centaines de milliers de vies. Comment se relever une ennième fois après un désastre pareil, qui met à terre un peuple qui était déjà si bas ? Et pourtant le peuple haïtien se relèvera, aidé sûrement par son sens de la fraternité et ses croyances vaudoues. Et c'est ce courage dans les épreuves que Laurent Gaudé met à l'honneur dans ce roman très beau et très poétique.

Je découvre Haïti et les rues de Port au Prince après la dictature Duvalier.
Grâce à la plume de Laurent Gaudé, on se sent dans l'ambiance, les couleurs, la pauvreté, la richesse.
Il nous dépeint une galerie de personnages aux noms très chantants. Nous devons faire les liens entre eux avec seulement un petit blanc dans le texte pour sauter d'un personnage à l'autre. Très fatigante cette gymnastique et puis on s'est à peine attaché à une personne que l'on vient à une autre. Je n'ai pas particulièrement apprécié.
La description des scènes et de l'ambiance tarde à révéler une action, ça traîne.
J'ai donc été un peu déçue par ce livre même si je reconnais les grandes qualités d'écriture de Laurent Gaudé.