Raconte les difficultés vécues par des adolescents comme par exemple la mort d'une mère, la jalousie, l'amour et plus. Très touchant!
Commenter  J’apprécie         10
Aujourd’hui, maman, sais-tu seulement que je
dois aller à tes funérailles? Funérailles. Ça commence
par « fun »… Est-ce que ça te fait sourire, de là où
tu es? Je n’ai vraiment pas le goût de chercher sur
Internet, mais ça vient sûrement du latin. Une petite
racine latine qui signifie tout, sauf une partie de plaisir.
À commencer par ces vêtements que papa m’a obligé
à acheter. Crois-le ou non, c’est moi, Jeff-le-sportif,
qui porte cet affreux complet gris. C’est à cause de
toi que j’ai ça sur le dos. Me reconnais-tu ? Je tire la
langue pour toi, devant le miroir. Me vois-tu? Peux-tu
me sentir aussi? Mes cheveux sont imprégnés de
ton odeur: j’ai pris ta pommade au lieu de mon gel
habituel. Impulsivement. Tes effets personnels parsèment la maison… Tu aurais dû penser à nous
débarrasser de tout ton bric-à-brac avant d’entrer en
Extrait de la publication
phase terminale. Je n’ose pas penser à ce que ce sera
de devoir tout enlever nous-mêmes. Je ne crois pas
que papa ait le goût de s’y mettre. On n’a pas parlé
de ça encore. On n’a pas parlé de grand-chose. Je ne
sais pas quoi lui dire. Je ne sais pas ce que ça fait de
perdre une épouse; je n’ai même pas de blonde.
Est-ce que c’est pire que de perdre une mère? Je ne
le lui ai pas demandé. J’espère que tu ne comptes pas
sur moi pour l’aider… J’en suis incapable. Je me
sauve de lui. Quand je parle à papa, c’est comme si
tu hantais ses yeux ; je te vois, en lui. À chaque fois,
je manque de souffle; mon cœur se fissure.
Alors, je l’évite.
Je préfère être avec mes amis. Dans leurs yeux,
je ne vois que ma peine. C’est plus facile. Là, tout
de suite, c’est la pensée que Sébastien et Florence
seront quelque part derrière moi, pendant la cérémonie, qui m’empêche de m’effriter sur place. Ça, et
ma petite conversation à sens unique avec toi. Ça me
réconforte de te mettre les points sur les «i ». Avant
que tu meures, je t’ai ménagée, mais maintenant, tu
vas savoir ce que je pense de ce que tu nous fais subir.
Je DÉTESTE que tu sois partie.
Décédée. Morte.
Quel supplice ! Écrabouillés dans les sandales à
talons qu’elle n’endure qu’en de rares événements, les orteils de Florence deviennent de plus
en plus boursouflés à chaque minute. La douleur
menace de les faire exploser. Même chose pour
sa tête… Les pensées s’y entrechoquent à qui
mieux mieux. Le regard errant sur les vitraux de
l’église, la jeune fille essaie de mettre de l’ordre
dans ses réflexions.
Peu importe comment elle évalue la situation, la même conclusion s’impose chaque fois:
malgré son envie de tout déballer, elle doit
attendre. Elle ne peut décemment annoncer à
son meilleur ami qu’elle est en amour avec lui.
Pas aujourd’hui. Pas une journée de funérailles.